Israël est seul
Par Guy Millière
A l’occasion d’une conférence donnée à New York voici deux jours, et destinée à répondre au sommet de Durban III,
Elie Wiesel a déclaré que, après avoir survécu à la Shoah, il pensait que le monde ne verrait pas revenir l’antisémitisme pendant plusieurs générations. « Je suis toujours en vie, et je vois l’antisémitisme à nouveau imprégner la planète », a-t-il ajouté.
En prononçant ces mots, Elie Wiesel semblait accablé, triste et en colère. Je partage pleinement ces sentiments. L’antisémitisme est de retour partout sur la Terre, sa forme dominante, aujourd’hui, étant l’antisémitisme musulman.
L’antisémitisme prend aussi très largement la forme de ce que les hypocrites appellent l’antisionisme. Comme mon regretté ami Paul Giniewski l’a écrit dans un livre magistral consacré à la question,
Antisionisme : le nouvel antisémitisme : il est inutile d’user de circonlocutions, l’antisionisme est un antisémitisme plus vicieux sans doute que l’antisémitisme des temps nazis, parce qu’il avance masqué derrière toute une panoplie de mensonges et de falsifications.
Comme l’a aussi écrit Alan Dershowitz, dans un autre livre remarquable, The Case for Israel (Le cas d’Israël),
la façon dont on traite Israël aujourd’hui est très similaire à la façon dont on traitait les Juifs avant la renaissance d’un Etat juif, et Israël est traité aujourd’hui comme le Juif des Etats par les antisémites du monde entier.
Je l’ai dit, et je le redis : j’ai honte d’être Français et de voir que mon pays se place en position de chef de file européen du combat pour la reconnaissance et le financement d’un Etat palestinien.
Si je quitte la France et que je prends une autre nationalité, j’accomplirai, je l’ai décidé, les formalités requises pour ne plus posséder la nationalité française.
Pétain, il y a six décennies, de Gaulle, digressant sur le « peuple dominateur et sûr de lui », moins de vingt années plus tard, Chirac, s’évertuant à sauver Saddam Hussein, et aujourd’hui, l’occupant actuel de l’Elysée… Demain, qui sait, un socialiste qui ferait pire encore, si c’est imaginable. Cela suffit !
J’ai honte d’être Français aussi quand je lis la presse française, quand j’écoute la radio française, quand je regarde la télévision française et qu’il s’agit d’Israël : j’ai l’impression qu’on me parle d’un pays monstrueux, que je ne connais pas, dont je devrais désirer l’anéantissement, tant il semble haïssable, et qui n’a strictement aucun rapport avec l’Israël que je connais.
Je me trouve confronté à de véritables incitations à la haine, dignes de celles nées de l’esprit criminel de Joseph Goebbels. Et je sais pourtant qu’elles sont nées de l’esprit de gens qui se pensent aux antipodes de Joseph Goebbels, qui votent souvent à gauche, qui se pensent du côté du « progrès » et de l’ « antiracisme ». Et qui, dans leur esprit plus vénéneux qu’une amanite phalloïde et plus perforé qu’une éponge, me classeraient aisément, parce que je défends Israël, du côté des « fascistes ».
Je l’ai dit et le répète aussi : moi qui aime tant les Etats-Unis d’Amérique, lorsque j’entends Barack Obama parler au nom des Etats-Unis, j’ai le sentiment d’être confronté à une trahison de tout ce qui fait mon amour pour les Etats-Unis. Et de ce qui fait d’eux, pour moi, comme pour des multitudes, bien plus qu’un simple pays.
Selon l’expression d’Abraham Lincoln, reprise depuis par William Bennett pour en faire le titre d’un excellent ouvrage : The Last Best Hope. (Le dernier meilleur espoir sur terre), j’ai le sentiment que le dernier meilleur espoir sur terre est trahi et foulé aux pieds.
J’ai mal pour l’Amérique que j’aime - et qui, je le sais, existe toujours, car je me retrouve souvent dans cette Amérique-là -, lorsque je vois un homme, élu par erreur et par égarement à la présidence, évoquer la nécessité, pour le « bien d’Israël », bien sûr, de prendre ses distances avec Israël, d’humilier les dirigeants d’Israël, de tenir sans cesse des propos qui accusent Israël de crimes et de fautes qu’Israël n’a jamais commis, d’édulcorer sans cesse les actes réellement criminels subis par Israël, de voir sans cesse la paille dans l’œil d’Israël et jamais la poutre sanguinolente dans l’œil des ennemis d’Israël.
Je viens d’une terre qui a vu la naissance de Jésus et l’ascension de Mahomet !
Abbas et le Figaro n’ont jamais entendu parler d’Abraham, de Moïse et de Salomon,
et ils parlent de faire la paix… Avec qui ?
Un tel homme est un american, comme on dit aux Etats-Unis, non-américain et étranger aux valeurs de l’Amérique. Et lorsque, par sa propre faute, parce qu’il a tant cédé verbalement à des terroristes antisémites déguisés en « dirigeants palestiniens », que ceux-ci ont pensé pouvoir aller trop loin et demander un Etat sans frontières, visiblement destiné à effacer Israël de la carte, je vois cet homme contraint de ne pas tout céder, et de finalement dire non, je ne vois pas un ami d’Israël qui romprait soudain avec trente mois de turpitudes.
Je vois un homme qui montre qu’Israël est isolé, et qui montre, au même instant, que les Etats-Unis sont les seuls à défendre encore Israël et sont eux-mêmes isolés dans cette position. Je vois un homme qui a produit l’isolement d’Israël et qui a produit aussi l’isolement des Etats-Unis, dans la position de défenseur d’Israël, et qui, à partir de là, peut accentuer les pressions pour qu’Israël fasse encore davantage de concessions, sans quoi le veto américain ne lui serait plus garanti.
Les pressions sur Israël vont s’intensifier. Je n’ai aucune illusion à ce sujet. Et Obama va contribuer aux pressions, je n’ai aucune illusion à ce sujet non plus. Dans son discours à l’ONU, il a parlé des « nouvelles bases » de négociation qu’il a posées en mai ; ce qui signifie que le point de départ d’une solution acceptable pour lui est le retour aux « frontières de 1967 », qui implique la division eu deux de Jérusalem.
La situation pour Israël n’a jamais été aussi difficile depuis plusieurs décennies, et dans cette situation, Israël est seul. Ceux qui penseraient qu’Obama est autre chose que ce qu’il est devraient se voir rappeler la formule d’un politicien français cynique : les promesses n’engagent que ceux qui les croient.
L’occupant de l’Elysée va faire du zèle « pro-palestinien » pendant les mois qui viennent : les élections présidentielles sont proches et il y a des voix musulmanes à prendre. Un remplaçant éventuel ne vaudrait pas mieux que lui. Le reste de l’Europe ne vaut pas mieux. L’Europe est un continent en plein naufrage économique, politique et moral.
L’antiaméricain anti-israélien de la Maison Blanche va modérer ses ardeurs « propalestiniennes », en public tout au moins, jusqu’aux élections, dans quatorze mois. Ce qui ne l’empêchera pas de faire, dans l’ombre, ce qu’il peut pour nuire à Israël.
Si, dans quatorze mois, un Américain qui aime les Etats-Unis d’Amérique est élu, Israël ne sera plus seul. Jamais, dans le camp Républicain, autant de signes d’amitié sincère envers Israël n’ont été à ce point visibles. Cela tempère mon accablement, ma tristesse et ma colère
[
www.menapress.org]