Le Nouvel Observateur a interrogé sept candidats à l’élection présidentielle française sur des questions de politique étrangère. Voici leurs réponses respectives concernant l’Iran et le conflit israélo-palestinien :
« Approuveriez-vous un bombardement des sites nucléaires iraniens si les négociations échouent ? »
Nicolas Sarkozy : J’ai toujours dit qu’il fallait tout faire pour éviter l’alternative catastrophique entre la bombe iranienne et le bombardement. Ce n’est pas aujourd’hui que je vais changer d’avis. Bombarder ne règlera rien. La voie de la diplomatie n’est pas épuisée. Celle des sanctions non plus. La France est déterminée à imposer à l’Iran, par la négociation, la suspension de toutes ses activités d’enrichissement et le renoncement au nucléaire militaire. Si l’Iran venait à menacer la sécurité d’Israël de quelque façon que ce soit, la France serait aux côtés d’Israël.
François Hollande : Une action militaire unilatérale serait inopportune et dangereuse. Personne ne peut en garantir l’efficacité et chacun en voit bien les risques d’engrenage. La voie diplomatique doit rester ouverte pour amener l’Iran à se conformer à ses obligations internationales en matière de non-prolifération nucléaire. Tous les efforts doivent être mis en œuvre pour parvenir à une issue négociée en lien étroit et constant avec nos partenaires. Je souhaite que le dialogue avec l’Iran se tienne sur des bases solides et sérieuses. Dans le même temps, la communauté internationale doit, au travers des sanctions, marquer sa détermination : nous ne pouvons pas laisser l’Iran se doter de l’arme nucléaire
Marine Le Pen : Bombarder un pays souverain qui ne vous a pas attaqué constitue une violation très grave du droit international. Nous avons toujours été les plus fervents soutiens du respect de la souveraineté des nations. Par ailleurs, qu’entend-on au juste par "sites nucléaires iraniens"? Il n’existe, à ce jour, aucune preuve que les Iraniens conduisent un programme nucléaire autre que civil, et quand bien même ce serait le cas, ils ne seraient pas les premiers à le faire sans se préoccuper de ce que les "puissances nucléaires installées" en pensent. Que je sache, aucune nation disposant de l’arme atomique n’a jamais demandé l’autorisation à qui que ce soit, ni les Etats-Unis, ni la France, ni Israël, ni le Pakistan…. Faudra-t-il alors précipiter le monde dans une guerre dont nous ne maîtriserons pas l’ampleur parce que certains pays étrangers nous le demandent ?
François Bayrou : La situation actuelle concernant le programme nucléaire iranien est extrêmement préoccupante. Nous devons avant tout continuer à rechercher une solution par la voie de la négociation qui est toujours préférable. La décision de frappes unilatérales comporte des risques de déstabilisation régionale incalculables. La conjonction du risque croissant de frappes israéliennes, de sanctions économiques de plus en plus sévères, ainsi que l’isolement régional qui résulterait d’une chute du régime syrien, créent, il faut l’espérer, un contexte favorable à la reprise des négociations.
Eva Joly : En tant qu'écologiste, et en tant qu'ancienne magistrate, je suis pacifiste et je suis également très attachée au droit. La violence doit être rejetée par principe et ne servir qu'en tout dernier recours. Je veux d'abord réduire à néant les raisons officielles pour lesquelles l'Iran veut se doter de la bombe atomique. Il s'agit donc de mettre fin au "deux poids deux mesures" en matière de nucléaire: je pense au Pakistan ou à Israël. Il s'agit aussi d'enclencher un cercle vertueux de désarmement nucléaire multilatéral. Pour cela, je souhaite que la France arrête ses programmes de modernisation de son armement nucléaire et de ses vecteurs.
Philippe Poutou : Il y a une hypocrisie au sujet de l’Iran. Le régime d’Ahmadinejad n’est évidemment pas une démocratie, mais le rôle de "gendarme du monde" que s’octroient les puissances de l’OTAN n’a rien à voir la démocratie. Il n’y a qu’à voir le résultat des interventions en Irak ou en Afghanistan. Je suis favorable à un désarmement, à la disparition de tous les accords militaires liés au nucléaire, de toutes les alliances basées sur la dissuasion nucléaire, et nous proposons de mettre au défi toutes les puissances nucléaires de procéder à un désarmement atomique immédiat et généralisé, à commencer par la France.
Nathalie Arthaud : Je ne reconnais pas aux grandes puissances le droit de décider qui doit détenir l'arme nucléaire. L'Iran est une dictature mais le Pakistan ne l'était pas moins, quand il s'est vu reconnaître officieusement le droit de détenir l'arme atomique ! Défendre le "monopole atomique" des grandes puissances, c'est réserver les allumettes aux pyromanes ! Les États impérialistes n'ont jamais cessé de faire la guerre aux peuples, la France en Algérie, les États-Unis au Viêt-Nam hier, en Irak et en Afghanistan aujourd'hui !
Nicolas Dupont-Aignan : Non, comme pour la guerre en Irak, je ne peux approuver l’utilisation de la force qui n’entrainerait qu’une montée aux extrêmes et une déstabilisation de la région. Il faut poursuivre les négociations afin de garantir la sécurité d’Israël tout en reconnaissant le rôle de puissance régional de l’Iran et son droit au nucléaire civil. Cela passe par une plus grande implication des Russes et donc de cesser les manœuvres d’agression contre ce pays qui détient un grand nombre de clefs de la région, en Syrie par exemple.
Jacques Cheminade : Non. La seule solution est de permettre à l’Iran d’enrichir l’uranium à des fins civiles. Alors Téhéran acceptera un contrôle d’une Agence internationale pour l’énergie atomique réellement indépendante, ce qui n’est pas le cas actuellement.
« Êtes-vous prêt à reconnaître un État de Palestine proclamé unilatéralement? »
Nicolas Sarkozy : Un État palestinien est une nécessité absolue pour la stabilité de la région, un droit pour les Palestiniens et la meilleure garantie d'une vraie sécurité pour Israël. Sa création doit résulter d'une négociation, malheureusement bloquée depuis des années. La priorité, c’est donc que les parties reviennent au plus vite à la table des négociations. C’est dans cet esprit qu’il faut aborder la question de la reconnaissance. C’est ce que la France a fait en proposant une voie équilibrée qui n'empêche pas la reprise du dialogue.
François Hollande : Cela figure dans les 60 engagements que je prends auprès des Français et je l’ai dit au Président M. Abbas quand je l’ai rencontré à nouveau en décembre dernier : je suis en faveur d’un processus conduisant à la paix au Proche-Orient, à un Etat palestinien viable et à la sécurité d’Israël. Je soutiendrai tous les efforts en faveur de la reconnaissance internationale de l’Etat palestinien, qui est une aspiration légitime des Palestiniens, de la manière qui conviendra le mieux aux Palestiniens et à la cause de la paix en général.
Marine Le Pen : Oui. Nous défendons les peuples dans leur droit à l’existence souveraine et à leur sécurité. Israël a droit à un Etat, les Palestiniens aussi. Le mot "unilatéralement" est trompeur. Dans l’histoire du monde, aucun peuple n’a été installé par l’extérieur. Tous se sont pris en main et ont fait valoir leur droit. Ce que nous condamnons fermement, en revanche, c’est le terrorisme comme moyen d’obtention d’un but politique. Nous avons toujours été très clairs sur ce point. Tuer des civils innocents n’est pas compatible avec notre vision du combat politique. Malheureusement ce n’est pas l’apanage des terrorismes arabes ou islamiques puisque l’OTAN a beaucoup tué d’innocents en Serbie, en Irak, en Afghanistan, en Libye !
François Bayrou : De facto, l’Autorité palestinienne est traitée sur la scène internationale comme administrant un quasi-Etat et la Palestine a été récemment admise comme membre à part entière de l’UNESCO. Au-delà de la reconnaissance officielle d’un Etat, la vraie question est celle de la relance des négociations israélo-palestiniennes et de l’amélioration de la situation de sécurité symétrique, pour les uns et pour les autres, sur le terrain. La France et l’Union européenne apportent leur plein soutien, y compris financier, au processus de paix. Cela devrait, si les États européens unissaient leurs actions, leur donner le poids et l’influence nécessaires pour convaincre. Tel sera le sens de mes efforts.
Eva Joly : J'y suis prête et j'y suis même très attachée. Le peuple palestinien a droit à un Etat viable. Ce conflit envenime depuis des décennies les relations internationales. On ne peut continuer à cautionner la perpétuation de la colonisation de terres palestiniennes par un gouvernement israélien actuellement fermé à tout dialogue. La démarche de reconnaissance auprès des Nations Unies était la bonne et a montré la maturité des autorités palestiniennes. Malheureusement Israël, les Etats-Unis, comme la France d'ailleurs, ne se sont pas montrés à la hauteur de l'Histoire.
Philippe Poutou : Je défends le droit à l’auto-détermination des peuples, à commencer par le peuple palestinien, qui doit voir ses droits élémentaires satisfaits. Alors, si le peuple palestinien proclame un Etat indépendant, je suis prêt à le reconnaître bien évidemment. Dans une perspective internationaliste, j’ai longtemps espéré que verrait le jour un Etat binational dans la région où auraient pu coexister en paix les peuples israélien et palestinien. Mais la politique coloniale de l’Etat d’Israël a sans doute rendu caduque cette option, dans un premier temps au moins. Un Etat palestinien indépendant est sans aucun doute une première étape nécessaire pour permettre d’aller vers la paix dans la région.
Nathalie Arthaud : Je suis inconditionnellement pour le droit du peuple palestinien à disposer d'un État. Ce droit lui est refusé par Israël depuis sa naissance imposée aux Palestiniens par la force. Des millions d'entre eux se retrouvant spoliés de leurs terres et condamnés à vivre dans des camps. Cette politique terroriste poursuivie par la suite a conduit aujourd'hui les deux peuples, juifs et Palestiniens, dans une impasse sanglante. Si les Palestiniens subissent une oppression inacceptable, les juifs sont eux aussi victimes de cette situation car un peuple qui en opprime un autre ne peut être libre.
Nicolas Dupont-Aignan : Bien entendu, je suis profondément attaché aux droits des peuples à disposer d’eux-mêmes et je pense que la France doit reconnaitre un Etat palestinien proclamé unilatéralement. Les Palestiniens ont le droit d’avoir un Etat viable comme les Israéliens ont le droit de vivre en sécurité.
Jacques Cheminade : Je m’en tiens à mon soutien du Pacte de Genève Beilin/Rabbo. Le gouvernement Netanyahou manifeste une tendance absolument contraire.
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www.crif.org]’en-disent-les-candidats-à-la-présidentielle/30818