Le mellah de Mogador
d’après le mémoire n°55 de Bertrand Desmazières, 1945.
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Mogador fut fondée en 1760 à l’instigation du sultan Sidi Mohammed. Celui-ci, commente Henri Terrasse, dans Les relations de la France et du Maroc aux XVII° et XVIII° siècles « voulut édifier une ville franque où il pourrait recevoir les marchands et les consuls chrétiens à l’écart des centres vitaux du pays. L’endroit était admirablement choisi : bloquée entre les dunes et la mer, la ville n’avait de communication qu’avec Marrakech où Sidi Mohammed aimait résider. Les tribus arabes qui l’entouraient étaient particulièrement fidèles au souverain ; il avait la certitude que nulle action européenne d’importance ne pourrait se développer à partir de Mogador ».
La construction en fut confiée à un architecte français, Cornut, qui bâtit « un vaste camp retranché, embryon de la future ville, avec des batteries et des remparts régulièrement dessinés, mais aussi des rues larges et droites, des esplanades, de vastes entrepôts pour le makhzen, des maisons pour les négociants, des palais pour le sultan ».
Sidi Mohammed en créant Mogador poursuivait deux objectifs principaux : « commercer sans doute, mais en évitant toute emprise même économique de la part des puissances européennes ; laisser se développer le commerce et s’enrichir les commerçants, mais en les maintenant en complète sujétion par le moyen d’une combinaison financière machiavélique, le système impérial, qui permet de faire varier le prix du marché et les droits de douane ».
« Les Juifs », continue Bertrand Desmazières, « par leur docilité et leur souplesse, avaient paru être les meilleurs agents d’exécution de ce programme ». Ainsi arrivent à Mogador dès 1760 des juifs issus de familles aisées de tous les mellahs (quartiers juifs) de l’empire chérifien, car Sidi Mohammed écarta délibérément les miséreux et les coureurs d’aventures. Cependant, la prospérité du port de Mogador attira rapidement l’ensemble de la communauté juive de l’empire et le mellah se révéla exigu au point qu’il fut étendu en direction du sud sous le règne de Moulay el Hassan. A la fin du XIXè siècle, Mogador connut un relatif déclin dû au ralentissement du trafic des grandes caravanes, à la concurrence des ports du Nord plus proches de l’Europe. Par surcroît, l’éclat de Mogador, établissement privé, n’était que le reflet de la puissance du sultan. Lorsque celui-ci fut discuté, le régime privilégié de Mogador également. Le port entrait désormais dans le régime commun, dans le jeu de la concurrence, ce qui favorisa l’émancipation des grands commerçants juifs. Par conséquent, si Bertrand Desmazières s’attarde assez longuement sur l’histoire de Mogador, c’est que celle-ci est étroitement liée à la communauté juive. Il consacre ensuite un chapitre à l’enseignement suivi par les juifs, qui ici, comme le reconnaît l’auteur lui-même, « tiennent la place qu’annonce le titre ».
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Les écoles
Jusqu’au milieu du XIXè siècle, seules des études hébraïques s’offraient aux jeunes garçons de Mogador, c’est-à -dire qu’ils lisaient les mots usuels en hébreu, récitaient la Loi, apprenaient le Talmud et traduisaient les livres saints en arabe. Au total, Mogador comptait quatre écoles talmudiques dans la kasbah (citadelle) entretenues par les parents d’élèves et douze écoles dans le mellah subventionnées par la Communauté. Le 24 décembre 1867, le consul de France, soucieux d’éloigner l’intolérance religieuse générée par cette médiocre instruction, écrivit à l’Alliance Israélite universelle, créée en 1860. Peu après, une école française de l’Alliance vit le jour, à laquelle se joignit une école anglaise préexistante. Y étaient enseignés le français, l’histoire, la géographie, l’arithmétique, l’anglais et la religion ; ce fut un échec, en raison de la réticence parentale. Après plusieurs autres tentatives infructueuses, une nouvelle école disposant de ressources plus larges parvint à s’imposer. La création d’une école de fillettes aboutit également.
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