A Dura : une manche aux imposteurs
mardi, 10 mai 2011
Par Stéphane Juffa
L’argument enceint dans le jugement rendu par la 17ème Chambre correctionnelle (Chambre de presse) du Tribunal de Grande Instance de Paris, le 29 avril dernier, est, au demeurant, assez trivial. Serge Benattar, d’Actualité juive, Clément Weill-Raynal, journaliste juridique à France 3, et le chirurgien israélien Yehuda David étaient renvoyés devant ledit tribunal pour y répondre de l’accusation de diffamation publique aux dépens de Jamal Mohamed Ahmed Dura, que la cour nomme inexactement Jamal Mohammed Al Dura [voir sa carte d’identité et son nom].
Les faits sont caractérisés dans un article livré par Actualité juive, le 4 septembre 2008, et tous les débats du procès pourraient se résumer à la considération du seul titre de cet article : "Docteur Yehouda David : "Les blessures de Jamal Al-Dura existaient déjà en 1993 sans la moindre ambiguïté possible !"".
Début juin 2010, les trois prévenus avaient fait signifier "une offre de preuve de la vérité des faits diffamatoires", en application de l’article 55 du code pénal français, datant du 29 juillet 1881. En d’autres termes, grâce à l’apport de pièces et de témoignages, Benattar, David et Weill-Raynal se proposaient de faire la démonstration visant à établir que ce qu’ils avaient déclaré dans l’article incriminé reposait sur des faits véridiques, ce qui, s’ils y étaient parvenus, leur aurait valu la relaxe.
Ca n’est qu’en prenant connaissance de la décision du tribunal, que je me suis aperçu que j’avais été nommément cité comme témoin dans cette "offre de preuve". Un détail presque insignifiant, quoique, s’il m’avait réellement été donné la possibilité de m’exprimer devant les juges, je leur aurais dit ce que j’écris dans cet article.
Fait remarquable : pour la seconde fois dans les procès parisiens en diffamation en marge de l’Affaire A Dura, le parquet requiert la relaxe et les juges décident de ne pas suivre le procureur. La première fois, ce fut à l’occasion du procès Karsenty, en première instance.
Evidemment, rien n’oblige légalement les juges à suivre les réquisitions du parquet, mais c’est tout de même le monde à l’envers. Dans ce qui touche à la Controverse de Nétzarim, les statistiques de la 17ème commencent à sentir le roussi.
Sur le fond, le tribunal a jugé que les prévenus se sont "contentés" de fournir les preuves démontrant que Yehuda David avait, en 1994, à l’hôpital Tel Hashomer de Tel-Aviv, réalisé un "transfert tendineux" sur la partie civile. Or, si cette intervention explique les deux blessures de Jamal, à la main et sur le pied gauche, elles ne démontrent nullement que "Les AUTRES blessures de Jamal Al-Dura existaient déjà en 1993", et ce, "sans la moindre ambiguïté possible !"".
Partant, les pièces fournies par la défense, ne prouvent nullement que les AUTRES blessures, "par balles", dont Jamal A Dura affirme avoir été victime, le 30 septembre 2000, au carrefour de Nétzarim (et non à Nétzarim, comme affirmé dans la décision), "résulteraient d’une mise en scène dont Jamal se serait rendu complice".
Il est exact que les propos prêtés au Dr. David dans l’article d’Actualité juive se rapportent à l’origine de toutes les blessures, mais que, dans les faits, et à en croire la décision du tribunal, le chirurgien se borne à justifier l’origine des cicatrices à la main droite, ainsi que de celle au pied gauche, où le praticien a prélevé les tendons pour la greffe.
On doit également constater que, toujours selon la loi du 29 juillet 1881, "pour produire l’effet absolutoire" (pour annuler l’accusation de diffamation), "la preuve de la vérité des faits diffamatoires doit être parfaite, complète et corrélative aux imputations dans leur matérialité et toute leur portée".
La question qui se pose après cette énumération, consiste à savoir si Yehuda David et ses compagnons ont effectivement fourni la preuve minimale de la vérité "parfaite et complète" de la participation de Jamal A Dura à une mise en scène. Le tribunal y a répondu par la négative, notre opinion rationnelle est qu’il a pris une mauvaise décision.
Certes, il aurait été plus avisé de la part des prévenus et de leurs défenseurs, au vu de ce qui figure dans l’article d’Actu juive, de déposer un dossier médical, aussi complet possible, à l’occasion de leur offre de preuve.
C’est d’ailleurs ce qu’ils vont probablement faire à l’occasion du recours qu’ils ont décidé de déposer.
L’auteur de ses lignes, loin de vouloir accabler Yehuda David, qui mène, au-delà du moindre doute sensé, le combat pour la vérité, regrette qu’il n’ait pas pris la peine de consulter la Ména en préparation de son procès. David, qui doit à la vérité de rapporter que c’est notre agence qui l’a retrouvé, en 2007, et qui l’a informé – documents de l’intervention médicale à l’appui – que c’est lui qui avait pratiqué, en 1994, l’opération sur Jamal A Dura.
Ca n’est absolument pas que nous nous posions en donneurs de leçons ; en revanche, nous invitons Yehuda à consulter nos anciens articles, afin d’y remarquer que nous avions pris soin de soumettre les photos de Jamal, diffusées par France 2 durant sa conférence de presse du 18 novembre 2004, à des spécialistes de renom international en médecine légale. Or tous ces spécialistes avaient conclu, au sujet des AUTRES cicatrices, que c’étaient effectivement les traces de blessures infligées par un objet à lame, à l’instar d’une hache.
Il aurait suffi au Dr. David, ainsi qu’à nos confrères journalistes, de nous interpeler à ce sujet, et de demander à ces spécialistes - ou à d’autres de même qualité – d’établir un rapport scientifique, puis de le soumettre aux juges de la 17ème chambre.
Nous, de regretter évidemment l’attitude des nombreux nouveaux et preux chevaliers de l’Ordre de Nétzarim, qui préfèrent charger seuls, sabre au clair, histoire de sauver la vérité à eux seuls, alors - et le plus souvent ils le reconnaissent -, qu’ils n’ont pas participé à l’enquête, et qu’ils omettent des éléments de preuve à portée de main. Des preuves que nous les aurions volontiers aidé à recueillir, sans contrepartie d’aucune sorte, s’ils nous avaient simplement consultés.
Les prévenus auraient ainsi pu faciliter le travail des juges, et faire l’économie d’un procès en appel. Il n’empêche que le tribunal s’est trompé dans l’interprétation de la loi, et même lourdement trompé.
Accessoirement, le tribunal a fauté en ne considérant pas le refus de la partie civile de faire inspecter ses cicatrices par des médecins parisiens. Ce, en dépit de l’accord écrit intervenu entre le Président du CRIF, le Dr. Richard Prasquier, et l’ex-Président de France Télévisions, Patrick de Carolis. Un agrément grossièrement bafoué par FR2, qui est allée jusqu’à produire le prétexte fallacieux, doublement déconstruit, par nos soins et par le CRIF, selon lequel c’était l’armée israélienne qui interdisait à Jamal de se rendre à Paris.
Le public est en droit de savoir qu’il est très facile pour un pathologiste de différencier entre des cicatrices provoquées par une hache et d’autres, par des balles. Au cas où FR2 était véritablement intéressée à faire définitivement la lumière sur cette controverse, la chaîne aurait tout fait pour amener Jamal en France. Lors, force est de constater qu’elle a fait son possible pour empêcher sa venue. La même constatation s’applique, certainement, à la partie civile ainsi qu’au Hamas, qui ne manquerait pas pareille occasion de confondre Israël et les auteurs de l’enquête.
Les juges auraient également pu faire preuve de l’à -propos et du sens de la responsabilité qui font les bons magistrats, et réaliser que la chaîne publique française instrumentalisait Jamal A Dura afin d’intenter ce procès contre des défenseurs de la vérité. J’imagine ainsi que des juges de correctionnelle possèdent suffisamment de pratique, pour réaliser que Jamal A Dura n’est "probablement" pas abonné à Actualité juive, et que cette publication n’est "probablement" pas en vente libre dans les kiosks du Califat de Gaza, contrôlé d’une main d’acier par les islamistes du Hamas.
Autre erreur dans la représentation des faits exposés dans la "décision" de ce tribunal, et, avec celle-ci, on commence à s’approcher de l’essentiel, lorsqu’en page 3 dudit document, les juges consignent : "Le 18 novembre 2004, FRANCE 2 organisait une conférence de presse au cours de laquelle ont été présentés des clichés des blessures subies par Mohamed AL DURA le 30 septembre 2000".
Mais en novembre 2004, FR2 ne pouvait pas, sauf par magie, présenter des images qu’elle venait de tourner de "blessures" de Jamal, mais uniquement des "cicatrices" de blessures datant 2000, a fortiori, de 1992 !
Si l’on recherche la vérité et la justice, on ne peut faire l’économie de s’arrêter sur ces images, tournées quelques jours avant la conférence de presse d’Arlette Chabot. Des images que nous avons placées sur Youtube, et auxquelles nous avons consacré l’analyse A Dura : un nouveau mensonge de poids (exceptionnellement en accès libre par souci de clarté).
Dans ce film, commandité par FR2 à Talal Abou Rahma, le cameraman de FR2, l’auteur de la mise en scène et unique témoin de l’ "assassinat" de Mohamed A Dura, l’acteur amateur Jamal A Dura exhibe les cicatrices de ses blessures par balles devant l’œil de la camera.
Voilà , mot pour mot, le dialogue associé auxdites images ; les lecteurs retiendront ce que les juges ont choisi d’omettre, à savoir que la partie civile déclare ne présenter à l’objectif que des cicatrices occasionnées par des balles :
A Dura : Tout cela, ce sont des [traces de] balles, et voici d'où elles sont sorties. (…)
Abou Rahma : Essaie d'ouvrir ta main.
A Dura : Je n'y arrive pas.
Abou Rahma : Tourne-la un peu.
A Dura : Je n'arrive pas à contrôler ma main droite, ni à l'utiliser.
Abou Rahma : Tu n'utilises jamais cette main ?
A Dura : J'utilise avec difficulté ma main droite et mon pied droit, actuellement.
Or la main qu’A Dura présente à la camera de son complice est, sans le moindre doute possible, celle soignée par le Dr. David au cours d’une intervention documentée à satiété. Et les cicatrices sont celles - là non plus, le doute n’est pas permis -, de la blessure de 1992 des suites d’un coup de hache, partiellement réparée par le chirurgien grâce à l’autogreffe qu’il a pratiquée.
La main droite exhibée par Jamal A Dura devant la caméra complice de FR2
Les séquelles du travail d’artiste salvateur d’un chirurgien israélien,
présentées par un menteur comme les cicatrices causées par des balles de soldats israéliens.
De surplus, il n’existe aucun indice ni aucune prétention de la partie civile permettant d’avancer l’hypothèse selon laquelle lui, Jamal A Dura, pourrait ignorer que la cicatrice qu’il exhibe à la camera n’a pas été occasionnée par une balle de fusil-mitrailleur.
En conséquence de quoi, la partie civile ment, sciemment, tout en essayant de manipuler les spectateurs du film afin qu’ils se convainquent d’une vérité qui n’en n’est pas une.
Dès lors, au vu de l’analyse qui précède, nonobstant la nature de la documentation des prévenus-condamnés, les quatre affirmations produites par Jamal A Dura afin de démontrer la diffamation s’effondrent. Lorsqu’il soutient :
"que le titre de l’article [d’Actu juive. Ndlr.] contient l’affirmation selon laquelle il aurait trompé l’ensemble des observateurs de cette affaire en attribuant à des tirs émanant de l’armée israélienne des blessures anciennes,
que dans le sous-titre [de l’article d’Actu juive. Ndlr.], il se voit accuser de s’être prêté délibérément (usage du terme exhiber) à une mise en scène destinée à faire jouer à d’anciennes cicatrices chirurgicales le rôle de blessures actuelles,
que dans le troisième passage [de l’article d’Actu juive. Ndlr.] poursuivi, il est accusé d’avoir trompé l’opinion publique en faisant croire que des blessures venaient de lui être infligées au cours d’une fusillade qui avait fait perdre la vie à son fils,
que dans le passage suivant [de l’article d’Actu juive. Ndlr.], ainsi que dans le cinquième, il est affirmé qu’il s’est prêté à une mise en scène, dont se sont rendus complices les médecins palestiniens, destinée à le faire passer pour une victime de l’armée israélienne et à proférer de fausses accusations à l’égard de cette dernière".
C’est cependant très précisément ce qu’il a fait. Et nul n’est besoin d’insulter l’intelligence de nos lecteurs en disséquant chacune de ces quatre propositions ; elles parlent d’elles-mêmes.
En fait, les juges ont procédé par une logique inverse à la logique : ils ont élu de fonder leur jugement sur l’hypothèse selon laquelle il serait nécessaire d’analyser chacune des cicatrices de Jamal, et de prouver qu’elles étaient toutes le résultat des coups de hache, antérieurs de six ans à l’imposture de Nétzarim.
Mais, d’une part, j’ignore s’il est loisible - face au refus de la partie civile de se laisser examiner dans un cabinet médical -, de procéder à un examen infaillible de chaque cicatrice sur la seule base d’images.
Et, d’autre part, le rationnel applicable dans ces circonstances, réclame que si Jamal A Dura a délibérément menti à propos d’une cicatrice, il a ainsi établi sa mauvaise foi, faisant l’économie de s’attarder sur chacune des séquelles apparaissant sur sa personne.
Est-il nécessaire de le préciser : dans le cas, théoriquement plausible mais infiniment improbable, où certaines des cicatrices auraient été occasionnées par des balles en 2000, et d’autres, par des coups de hache en 1992, la partie civile avait tout loisir de l’exprimer, et de n’exhiber que les cicatrices provenant des "tirs israéliens". Or, on le voit sur le film de Talal Abou Rahma, Jamal exhibe la cicatrice de sa main droite, dont on sait avec précision qu’elle est le résultat des coups de hache.
Autre élément troublant, quoique secondaire dans l’élaboration de la décision de justice fondée : le rapport médical de l’hôpital Al Hussein d’Amman. Celui que Jamal brandit de sa main gauche valide sur le film d’Abou Rahma, et qui stipule que sa blessure à la main droite – contrairement à tout ce qu’il affirme – n’a rien à voir avec l’incident du carrefour de Nétzarim en 2000.
Jusqu’à présent, le chef du bureau de FR2 à Jérusalem, Charles Enderlin, s’est évertué à clamer, en dépit de toutes les preuves infirmant ses prétentions, que Jamal A Dura avait été transporté en voiture, le 1er ou le 2 octobre 2000, de l’hôpital Shifa à Gaza à la Cité médicale Al Hussein dans la capitale jordanienne.
La Ména, pour sa part, a produit et traduit
le visa de sortie émis par la Police des Frontières, démontrant qu’il avait quitté le territoire de Gaza le 4 octobre, transporté par un appareil mis à disposition par le roi Hussein à partir de l’aéroport aujourd’hui désaffecté de Dahanya.
Dans la 1ère partie de l’article de la Ména
A propos de rapports médicaux délivrés par cet hôpital, nous reproduisions et traduisions de l’arabe l’un de ces rapports, très proche par son contenu de celui agité par Jamal sur le film, mais daté du 30 octobre 2000. Or ce rapport du 30 octobre décrit des soins intensifs administrés à Jamal A Dura en date du 2 octobre à l’hôpital d’Amman, ce qui est matériellement impossible, puisqu’à cette date, le "patient" se trouvait encore à Gaza.
Elément pour le moins confondant, l’un des médecins, le Dr. Hakem Alkadi, est signataire des deux rapports, dont celui qui est manifestement faux. Dans ces conditions, le tribunal aurait été pour le moins bien inspiré de s’abstenir, en pages 8 et 9 de sa décision, de fonder sa conviction concernant l’authenticité des blessures de Jamal sur la base d’une médecine aussi… utilisons élégamment le terme d’ "aléatoire".
Certes, il aurait fallu, pour ce faire, que la défense attire l’attention des juges sur ces incompatibilités, et nous ignorons, malheureusement, à Métula, si les avocats des trois prévenus-condamnés l’ont fait. Toujours ces lacunes de communication…
Quoi qu’il en soit, certains détails du rapport apparaissant dans le film d’Abou Rahma auraient dû, à eux seuls, exciter la suspicion des magistrats ; à commencer par la date d’hospitalisation de Jamal, qui passe, sans avertissement, au 4… décembre 2000. C’est à se demander où le malade imaginaire avait passé les deux mois précédents, alors que les docteurs Knock d’Amman le décrivent dans un état critique. On sait, grâce au registre des malades, qu’il n’était plus hospitalisé à l’hôpital Shifa de Gaza. On sait aussi que le défunt roi Hussein s’était rendu à son chevet le 5 octobre, de même que deux journalistes israéliens venus l’interviewer. Décidément, trop de rapports médicaux cachent l’état de santé des malades…
Et puis, le rapport indiquant l’hospitalisation le 4 décembre, repris en page 8 de la décision, fait état d’un "état anémique grave dû à l’hémorragie". En deux mois, les médecins qui se sont occupés de Jamal ne seraient pas parvenus à endiguer l’anémie ? A stopper l’hémorragie ? Y a-t-il lieu d’en rire ou d’en pleurer ?
Médecins dangereux et juges inattentifs, que voilà un environnement de dupes, aboutissant à une décision surprenante, de l’aveu de Maître Aude Weill-Raynal, conseil de Serge Benattar et, incidemment, avocate de la Ména en France.
[
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