Re: POESIE
Posté par:
Almera (IP enregistrè)
Date: 29 décembre 2005 : 01:06
Une Grande Famille
J’ai grandi avec six sœurs autour de moi,
J’étais au milieu, plus âgées que moi, trois.
Deux marmots dispersés entre les jeunes frangines,
Voilà une famille nombreuse, on se l’imagine.
Il régnait une atmosphère féminine plutôt
Qui m’ouvrit les yeux et les oreilles très tôt.
Je me sentais comme un intrus seul dans le couloir,
Le seul endroit où j’avais chu sans le vouloir.
Mes sœurs menaient leurs amies les soirs à la maison,
S’accaparaient de la seule table, ronde, au salon.
Les robes arrivaient encore ( ou déjà ) sous les genoux,
Des pantalons pour femmes, non, non pas chez nous !
Dès assises, nos jeunes filles décemment glissaient
Sur leurs jambes leurs robes cloches ou leurs jupes plissées.
Mais sous la table les jambes s’écartaient, les jupes remontaient
Et moi, de mon couloir je louchais vers toutes ces culottées !
Combien j’enviais franchement ce petit frangin-bébé
Qui, librement sous la table rampait. J’en étais bouche bée !
Les profs, les garçons étaient sujets de moqueries,
L’une jetait un nom et voilà toute la bande qui rit.
Les devoirs attendaient un moment de répit
Et s’il en restait encore eh bien, tant pis !
Mais plus tard, Ã souper, Maman feignait de les inviter,
Alors elles s’excusaient et rapidement s’esquivaient.
Longtemps encore, sous la table mes pensées restaient,
Je sentais en moi des sensations troubles se manifester.
Replonger dans les maths, tout juste pour oublier j’essayais.
La nuit, des rêves voluptueux, mouillé, me réveillaient,
Alors comment expliquer à ma naïve mère inquiète
Que j’étais sain. Demain je dormirai sur une serviette !
Tous les jours n’étaient pas aussi gais mais encore plus mystérieux
Quand l’une de mes sœurs se levaient, souffrante, les larmes pleins les yeux.
Maman cessait alors d’être naïve et inquiète,
Directement toutes les deux allaient s’enfermer aux toilettes.
Beaucoup de thé, autant de calmants, ma sœur gardait le lit
Pendant deux jours. Après, elle était guérie mais affaiblie.
Mes autres sœurs se levaient, à l’école se préparaient,
Evitant mes regards, j’étais désemparé.
Et mon père, où était-il ? C’était une ombre, qui, comme hier
S’occupait de ses affaires puis faisait sa prière.
Cet incident se répétait souvent chez mes grandes sœurs :
Alors, toutes étaient-elles malades, j’étais dans la terreur !
Et c’était un jour, en ouvrant l’encyclopédie, j’appris
Que les règles n’étaient pas seulement pour tirer des traits, pardi !
Je décidais de combler ce trou dans mon éducation,
Des brochures et des bouquins suppléèrent ma formation.
Des fois elles se chamaillaient entre elles pour un vêtement,
Il m’arrivait de ne pas trouver ma chemise préférée évidemment !
Des garçons à la maison ? seulement mes amis ou mes grands cousins,
Ceux-ci louchaient vers mes sœurs, ceux-là venaient à dessein.
Bientôt sœurs et cousins dans une chambre s’enfermaient,
Les jeunes mis dehors, moi, poliment, de mon exclusion informé.
Aussitôt n’arrivaient de la chambre que des chuchotements :
Ils analysaient une tirade de Racine certainement
Ou alors ils réfléchissaient sur un problème coriace,
Un trust de cerveaux est toujours plus efficace.
Et tout à coup le silence était brisé par de gros éclats de rire
Qui montaient et descendaient à ne pas en finir.
Le silence et les rires se répétaient régulièrement,
La seule qui pouvait y mettre fin c’était toujours Maman :
Elle tenait à ce qu’elle-même leur goûter apporte
Mais diplomatiquement elle oubliait de refermer la porte.
Alors je les voyais plein les lèvres tous souriants,
La gaîté régnait dans leurs yeux encore brillants.
Ni les maths ni Racine ne m’avaient jamais fait rire,
J’étais sûrement dépourvu d’humour, pour peu dire !
Plus tard je compris que des blagues ils se racontaient
Que nos jeunes oreilles ne pourraient ni comprendre ni écouter !
Les relations avec mes sœurs étaient superflues et limitées,
Dans leur cercle féminin je ne pouvais pas être accepté.
Je grandis donc dans une atmosphère de mystère
Où moi j’étais un intrus, d’importance secondaire.
Des fois je m’aventurai à toucher à leurs affaires,
Leurs cris étaient si forts que ma mère n’y pouvait rien faire.
Alors elle menaçait de tout raconter à notre père,
Cela suffisait à nous calmer et à nous faire taire.
Un jour je surpris ma grande sœur dans les bras d’un garçon
Nous fûmes tous les deux surpris mais chacun à sa façon.
Les prochains lendemains je la vis inquiète et très tendue,
Craignant une réaction, celle de mes parents, bien entendu !
Jamais je ne racontai cet incident à qui que ce soit,
Mes sœurs étaient des filles comme les autres, cela va de soi !
Je compris que pour toujours était finie notre enfance,
Que désormais nous commencions notre adolescence !
15 – 25/11/2005