Abdelghani est le frere de Mohamed Merah et le meme qui parait sur la video (plus haut) et qui tente de faire parler sa soeur Souad qui ne cache pas son integrisme et qui se dit "fiere de son frere Mohamed".
«Frère de Mohamed Merah, mais solidaire de ses victimes»
RÉCIT Rencontre avec Abdelghani Merah, l’aîné du «tueur au scooter», compagnon d’une femme aux origines juives, qui entend dénoncer dans un livre la haine salafiste.
Par ONDINE MILLOT Envoyée spéciale à Toulouse
Ce qu’on remarque, d’abord, c’est son regard tellement clair, presque transparent, et son sourire un peu triste. On observe Abdelghani Merah, 36 ans, nous faire les honneurs de son petit appartement toulousain. Il s’excuse pour les cartons, il s’apprête à déménager dans une autre ville. «J’ai décidé de parler, une fois pour toutes, raconter ma famille, le rôle fort qu’elle a eu dans la dérive islamiste de mon frère Mohamed, dit-il. Je ne passe plus un instant sans penser à ses victimes. Je veux dénoncer la haine dans laquelle on a été élevés, la haine que les amis salafistes de mes frères leur ont transmise, dénoncer l’innommable que mon frère a commis. Je suis le frère du tueur, mais je suis solidaire de ses victimes. J’ai besoin de sortir tout ça de moi, tout ce que je sais. Ensuite, je quitte la ville, et j’essaie de me remettre à vivre.»
Il propose un thé, fait descendre son chat du canapé. Et on comprend à cet instant seulement ce qui nous trouble. Ce visage rond, ce crâne rasé, ce nez fin, ces yeux en amande, on les a vus et revus, partout, à la télévision, dans la rue sur les façades des kiosques, à la une des médias. Abdelghani est le portrait craché de son frère Mohamed. «Mais à l’intérieur, je suis l’inverse», sourit-il. La semaine prochaine, il publie Mon frère, ce terroriste, un témoignage que Libération a pu lire en exclusivité
(lire ici)
La mort en direct à la télévision
Abdelghani Merah ne «vit plus» depuis le 21 mars. Cette nuit-là, victime d’une insomnie, il se lève vers 4 heures du matin, allume la télévision. «Je vois qu’ils ont trouvé un suspect, que le Raid a donné un premier assaut, qui n’a pas marché. Et je vois rue du Sergent-Vigné, la rue de Mohamed. Je panique», nous raconte-t-il. Il saute dans sa voiture, conduit dans un état second jusqu’au quartier de la Côte pavée. Tombe sur un barrage de policiers. «Je leur dis : "Je suis le grand frère de Mohamed Merah, je veux savoir si c’est lui." Ils m’ont pris immédiatement et m’ont emmené au commissariat.» Il y croise sa mère, déjà interpellée. «Je lui ai dit : "T’as vu où nous a menés ton éducation de merde !"» Il aperçoit aussi son frère Abdelkader. «Il m’a regardé avec un grand sourire.» Abdelghani ressort du commissariat tétanisé, en état de stupeur. Il appelle sa belle-mère, la mère de sa compagne. «Je lui répétais en boucle : "Je n’y suis pour rien, je ne suis pas un tueur d’enfants", comme si j’avais besoin de me justifier.»
Elle lui conseille d’aller consulter un psychiatre à l’hôpital. Sur place, après avoir expliqué qu’il est «le frère de Mohamed Merah», sept policiers surgissent dans la salle où il attend, le fouillent et le bombardent de questions. Cette situation de fouille brutale se reproduit quelques jours après, lors d’un contrôle routier, quand Abdelghani décline son nom de famille. Depuis, il évite de le prononcer. «J’ai honte.»
La nuit suivante, du 21 au 22 mars, Abdelghani ne dort pas, les yeux rivés à son téléviseur, l’image fixe de l’interminable siège du Raid. Quand, à 11 h 30, les tirs en rafales retentissent, il est pris d’une «sorte de crise de nerfs». «Je répétais comme un fou : Pan ! Pan ! Pan ! Pan ! J’ai suivi en direct à la télévision l’enterrement des victimes de mon frère, ainsi que sa propre mort et son enterrement.»
L’enfance chaotique
Abdelghani s’est rendu deux fois dans le cimetière toulousain où est enterré son frère, une tombe à part de toutes les autres. «J’ai du mal à réaliser encore l’atrocité de ce qu’il a commis. Je regarde sans arrêt les photos de ses victimes. Pour moi, l’homme qui est enterré, c’est un monstre. Je n’arrive pas encore bien à faire le lien avec les souvenirs d’enfance que j’ai de mon frère.» Il sort une chemise remplie de photos. Mohamed a 4 ans, c’est un petit bonhomme joufflu qui serre une peluche dans ses bras. Ses parents sont sur le point de se déchirer et de divorcer. «Dans la famille, je crois que c’est Mohamed qui a le plus souffert, dit Abdelghani. D’abord, parce que mon père, c’était tout pour lui. Il n’a pas supporté la séparation. Il allait le voir sans arrêt pour le supplier : "Il faut que tu reviennes avec maman".» Abdelghani, lui, est soulagé du départ du père. «Il me battait, tellement que je suis devenu presque insensible aux coups. Il frappait beaucoup Abdelkader aussi. Mohamed moins, car il était trop petit.» Abdelghani dit que sa mère aussi «distribuait des gifles». Mes parents, souffle-t-il, «je crois que nous n’avons jamais rien reçu de positif de leur part».
Après le divorce, le père devient dealer dans la cité des Izards (il sera condamné à cinq ans de prison), installé à 500 mètres de son ex-femme et de ses enfants. La mère, elle, vit, selon Abdelghani, «une crise de la trentaine : elle sortait tout le temps, collectionnait les aventures, laissait Mohamed seul toute la journée devant la télé».
A l’âge de 8 ans, le petit dernier des Merah est placé en foyer. «Ma mère lui disait : "Tu restes la semaine, je viendrai te chercher ce week-end." Et le week-end, elle ne venait pas. Ça le rendait fou de malheur.» Avant même l’adolescence, raconte le frère aîné, Mohamed devient incontrôlable : «Il cassait tout, obtenait tout par la violence et les cris. Abdelkader était son modèle. Il voulait tout faire comme lui.»
La dérive intégriste
D’après Abdelghani, son cadet Abdelkader, également surnommé «Kader», mis en examen et incarcéré pour «complicité d’assassinat» dans les crimes de Toulouse et de Montauban est aussi le premier inspirateur de la dérive intégriste de Mohamed. «C’est ma sœur Souad et mon frère Kader qui les premiers se sont rapprochés des salafistes toulousains. Kader se faisait appeler Ben Laden. Il répétait : "Les moudjahidin feront la guerre aux Français. Un jour la France sera à nous." Il battait ma sœur Aïcha, qui refusait leur radicalisme, parce qu’elle fumait une cigarette ou parlait avec un garçon.» Abdelghani décrit son frère Kader comme «un endoctrineur». Ce qu’il voulait, se souvient-il, «c’était convertir le maximum de gens au salafisme. Il encourageait Mohamed en lui fournissant des textes et des vidéos pro-jihad. Le 11 septembre 2001, il a fait la fête.» Abdelghani raconte que ses frères ont également montré ce type de vidéos à son fils Thibault (1), 16 ans aujourd’hui.
En 2003, la tension monte d’un cran entre Abdelkader et Abdelghani. Ce dernier s’est mis en couple avec Sophie, une jeune femme dont une partie de la famille a des origines juives. «Kader ne le supportait pas. Il insultait sans arrêt Sophie. Me disait : "Quitte ta sale juive."» A l’issue d’une énième dispute, Kader sort un couteau et poignarde Abdelghani à sept reprises. La lame passe à un centimètre du cœur et touche le poumon. Abdelghani porte plainte contre Kader et dénonce aux policiers sa dérive salafiste. La Direction de la surveillance du territoire (DST) le convoque quelques semaines après. Il leur répète : «Si un jour il y a un attentat terroriste à Toulouse, il suffira d’aller voir Kader.»
Youyous à la veillée funèbre
Abdelghani accuse aussi sa sœur Souad des mêmes dérives intégristes : «Elle m’a dit plusieurs fois qu’elle était fière de Mohamed et des crimes qu’il avait commis. Qu’il avait eu le courage d’agir en moudjahidin, qu’il était dans la vérité. Qu’elle ne le pleurait pas avec tristesse, mais avec joie.» Il raconte qu’elle lui avait annoncé un jour qu’elle irait «commettre un attentat suicide dans le métro toulousain». La dit «très liée», ainsi que Kader, à Sabri Essid, un Toulousain arrêté fin 2006, tandis qu’il tentait de rejoindre une filière jihadiste en Irak.
Quelques jours après la mort de Mohamed, sa mère organise chez elle une veillée funèbre. Abdelghani s’y rend. Il y entend des youyous de joie. Des gens qui félicitent sa mère. «Ils lui disaient : "Sois fière. Ton fils a mis la France à genoux."» La colère lui monte au visage. «J’ai crié : "Mon frère, ce n’est pas un héros. C’est un vulgaire assassin".» Et il sort en claquant la porte.
(1) Les prénoms du fils et de la compagne d’Abdelghani Merah ont été modifiés.
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