Mutations d’identités en Méditerranée
Henri Bresc, Christiane Veauvy
Moyen Age et Ă©poque contemporaine
La Méditerranée a suscité, de longue date, de multiples lectures. L'étude historique et sociologique des processus de composition et recomposition des identités collectives dans les pays et les "mondes" méditerranéens montre que l'intelligence de ces processus dépend, au passé comme au présent, de la prise en compte des expériences de passages, de conflits et d'échanges variés, accumulées historiquement entre les deux rives. En se distanciant des discours d'ordre culturel, politique, scientifique ou religieux qui, au nom de la construction de l'identité européenne, voudraient réduire la Méditerranée au statut de frontière méridionale de l'Europe, sociologues contemporanéistes et historiens d'un vaste Moyen Âge - de l'Antiquité tardive au règne de Charles Quint -, ont étudié, dans une perspective comparatiste, les processus liés à la création d'une frontière religieuse et politique ; raidie pendant l'époque moderne, dans la Méditerranée de Philippe II étudiée par Braudel, cette frontière a séparé les deux versants d'une Méditerranée que la circulation des hommes, des marchandises et des savoirs n'a pas divisée. Au Moyen Âge comme dans le monde contemporain, elle demeure une mer partagée et un vecteur d'échanges.
Les contributions rassemblées abordent principalement les identités collectives vécues, avec le souci de faire ressurgir des fragments importants mais peu connus d'un passé pluraliste, fût-il conflictuel. Elles traitent des groupes englobés dans le cadre de la conquête arabe - chrétiens du Maghreb, Berbères, dont les origines et les dénominations ont fait l'objet de débats et de stratégies anciens puis modernes -, de groupes isolés, comme les chrétiens arabes de la Péninsule ibérique, les Maltais ou les juifs arabophones de la Sicile médiévale ; une attention particulière a été portée au rôle de la langue dans le maintien de leur spécificité, jusqu'aux phénomènes de complète assimilation et d'expulsion qui affectent les minorités entre le XIIIe et le XVe siècle. Les contributions consacrées au XXe siècle portent sur les dynamiques, et aussi bien les obstacles inhérents à la construction des identités collectives dans des situations complexes, parfois dramatiques (Algériennes au Québec, rapatriement des corps d'immigrés maghrébins, viticulture coloniale en Algérie et émigration, trame méditerranéenne de la vie sociale en Provence, etc.). L'ensemble des contributions met l'accent sur le caractère indissociable du couple identité/altérité, de même que sur l'identité comme lieu de tensions et de souffrance.
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