Daniel Sibony Marc Alain Ouaknine Guy Lafon Claude Bouyere S-E-L retour
 

 

 

Tous, nous יcrivons. Sinon des livres ou des poטmes, du moins des lettres, des messages. Or יcrire, c'est comme peindre, avec la lumiטre en moins. Voilא ce que nous apprenons א contempler les oeuvres de Sylvia Elharar-Lemberg.
Oui, j'ai bien dit : contempler. Car, qui contemple voit, mais ne s'arrךte pas א voir. L'יtonnant, c'est qu'en voyant, nos yeux, ici, soient magnifiquement comblיs par les bleus, par les rouges, par le tourment des couleurs de la terre, mais ce que nous avons vu se grave en nous א la faחon d'un souvenir qui, dיsormais, n'a plus besoin d'ךtre vu pour exister en nous pour toujours. La vision a rיveillי en nous une prיsence qui n'attendait que le dessin et la couleur pour ressusciter.

C'est par lא que peindre et יcrire se ressemblent presque. L'יcrivain et le peintre redoutent toujours que nous n'allions pas plus loin que les images qu'ils nous donnent א voir ou que les idיes qu'ils offrent א notre mיditation. Sans chercher nul effet, I'un et I'autre n'aiment leur oeuvre que pour I'impact, mieux, pour la blessure qu'elle a creusיe en eux. Si quelque plaie semblable pouvait se produire en qui lit, en qui voit ! Une torche qui brle, non pas un enseignement. Car l'יcrivain, mais avec moins de bonheur, souvent avec plus de prיtention que le peintre, se satisfait de faire naמtre chez son lecteur l'insistance lancinante de quelque question. Toute rיponse lui paraמt, א lui aussi, indיcente.

Ainsi, Sylvia Elharar-Lemberg laisse descendre en nous, comme une vrille, la figure invisible d'un nom que nous ne pourrions prononcer qu'en le trahissant. Elle peut bien rיpיter, inlassablement, le tracי, vain entre tous, du tיtragramme. Il est chaque fois nouveau, incomparable. Regardez bien ! Son retour permanent nous avertit que nous sommes insיparables de lui. L'יclat et I'ombre de notre vie, de notre histoire, se reflטtent en lui. Indestructible, c'est lui qui nous garde comme dans l'enclos d'un temple. Il nous retient, enfermיs en lui et pourtant libres, mךme lorsque, comme il arrive quelquefois, les quatre cotיs semblent s'ךtre disloquיs pour composer la forme d'une croix.

Il est des textes qu'on ne voudrait jamais lire qu'א voix basse. On regrette le murmure secret qui accompagne leur rיcitation, mךme quand on se tait et que personne n'entend. Or la peinture de Sylvia Elharar-Lemberg nous rיconcilie avec cette infirmitי de toute lecture. Car la lumiטre de ses toiles, tour א tour douce et violente, n'offense pas, comme le fait le son de la voix, le texte qu'elle nous fait lire. Elle crיe ses peintures d'aprטs le livre. Elle le suit. Ses oeuvres ne seraient pas sans lui. Aussi, maintenant qu'elles sont lא, sous nos yeux, nous ne pouvons pas les voir sans les prendre pour une allusion douloureuse, jubilante aussi, א leur source. Mais, et ce n'est pas leur moindre merveille ! nous pouvons aussi nous en tenir א elles, א leur surface, sans aller vers leur en-deחa. C'est en nous alors qu'elles inscrivent leur profondeur.

Croyez moi ! Vous qui passez devant ce ciel et ce sang, oש violemment l'Innommי prend chair, vous n'יchapperez pas א l'espיrance.


Guy Lafon