Re: Le Maroc recupere ses juifs
Posté par:
darlett (IP enregistrè)
Date: 20 mai 2007 : 19:45
Un article interessant souligne par Leon Oiknine et que j'ai retrouve. Je le reprends integralement car il est interessant. Merci Leon
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Le roi Mohammed VI consulte les Juifs marocains
By ELIAS LEVY
Reporter
Le roi Mohammed VI du Maroc tient mordicus à consulter les Juifs marocains du Canada sur son projet de création d’un Conseil supérieur des Marocains résidant à l’étranger. Pour remplir cette tâche, le souverain alaouite a nommé comme émissaire le professeur Albert Sasson, le seul Juif membre du Conseil Consultatif des Droits de l’Homme du Maroc (C.C.D.H.)
Ce scientifique de renommée mondiale, ancien Doyen de la Faculté des Sciences de Rabat, membre de l’Académie Hassan II des Sciences et Techniques et ex-sous-directeur général de l’UNESCO, a rencontré dernièrement, avec l’autre émissaire dépêché par le monarque marocain, l’universitaire Mohammed Berdouzi, une quarantaine de leaders et de membres de la Communauté sépharade de Montréal. Cette rencontre a été organisée par la Fédération Sépharade du Canada.
Canadian Jewish News: Pourquoi le C.C.D.H., que vous représentez officiellement, a-t-il pris l’initiative de consulter la Communauté juive marocaine du Canada?
Albert Sasson: Pour le roi Mohammed VI, et au nom d’une vieille tradition marocaine, les Juifs marocains sont toujours des Marocains. Que vous soyez devenus Canadiens, Américains, Français, Belges, Hollandais… personne ne le nie, mais il y a cette vieille allégeance, cette vieille tradition, qui date de plusieurs siècles. On peut s’en moquer, on peut ne pas en tenir compte, mais pour le Maroc, c’est important. Rappelez-vous de ce que disait feu le roi Hassan II: “Je n’ai pas simplement 5000 ou 10000 Juifs résidant au Maroc, j’ai 1 million de sujets Juifs marocains, dont beaucoup sont en Israël”. C’est au nom de cette allégeance que son fils, le souverain Mohammed VI, tient à ce que les Juifs marocains soient aussi consultés.
C.J.N.: Croyez-vous que la majorité des Juifs marocains vivant au Canada, et plus particulièrement la deuxième et la troisième génération -leurs enfants et leurs petits-enfants-, maintiennent toujours une relation étroite avec le Maroc?
A. Sasson: Certains Juifs marocains ont tourné la page de leur séjour au Maroc ou de leur origine, ne veulent plus en parler, sans aucune hostilité. Simplement, ils sont indifférents à tout rapport avec le Maroc parce qu’ils ont mené leur vie autrement. On en prend note. Par contre, il y a beaucoup de Juifs marocains, y compris en Israël, qui ont préservé des relations avec leur pays natal. Ils y vont pour visiter des membres de leur famille ou des amis, pour pèleriner les tombeaux des Saints juifs… Ce Maroc leur plaît, la façon dont le pays évolue aussi. Il faut venir voir ce qui se passe dans le Maroc d’aujourd’hui, c’est un chantier permanent. Il y a beaucoup de Marocains de confession juive qui ont gardé des relations étroites avec le Maroc, qu’ils cultivent. Ils voyagent au Maroc, font des affaires, certains investissent, certains jouent des intermédiaires avec des organisme d’État… Le Maroc cultive aussi sa relation avec ses fils.
C.J.N.: La Communauté juive du Maroc rétrécit comme une peau de chagrin. Les perspectives d’avenir de cette Communauté sont plutôt sombres.
A.Sasson: Vous avez parfaitement raison. Dans quelques années, la Communauté juive marocaine sera du domaine du symbole. Il y aura toujours quelques familles. Il faut d’ailleurs rendre hommage aux Juifs qui n’ont pas voulu partir et qui vivent toujours au Maroc. Bien sûr, leurs enfants sont en France, en Israël, au Canada, aux États-Unis… Mon credo, comme celui de Serge Berdugo, Secrétaire général des Communautés israélites du Maroc, est: “Quand bien même il ne resterait qu’un seul Juif au Maroc, ce n’est pas une raison pour abandonner le symbole de cette présence”. Cultivons les lieux d’existence juive, par exemple les cimetières, pourquoi pas, celui de Fès est magnifique, il est bien tenu, les gens y vont pour pèleriner. Supposez un jour la paix entre Israël et le monde arabe, des milliers d’Israéliens d’origine marocaine retourneront alors visiter le Maroc. Il faudra que quelqu’un les accueille, qu’on leur montre les cimetières, qu’on les amène dans les Hiloulot, dans les endroits où la Communauté juive a vécu.
Mais il faut que l’État marocain fasse aussi sa part, en rappelant dans les programmes éducatifs d’histoire, de géographie, de philosophie… la contribution importante du judaïsme marocain à l’histoire et à la culture nationales. C’est le combat que nous sommes en train de mener. Nous voulons que la Communauté juive existe et qu’on dise aux jeunes Marocains que leur pays, comme le proclame leur souverain, est une nation plurielle, dont les racines sont carthaginoises, berbères, juives, arabo-musulmanes… Une fois que le Maroc reconnaîtra sa pluralité, la judéité marocaine sera évidente. Il faudra alors la cultiver. C’est à ce moment-là que la responsabilité de la pérennité du patrimoine historico-culturel juif marocain reviendra, comme si on transmettait un flambeau, aux Communautés juives marocaines de l’extérieur, du Canada et du Québec, d’Israël, de France, de Hollande, des États-Unis… Ces Communautés devront continuer à perpétuer ce souvenir, cette Mémoire.
C.J.N.: L’histoire des Juifs du Royaume chérifien est complètement éludée dans les manuels pédagogiques marocains?
A. Sasson: Oui. Nous menons un combat pour qu’on donne à la Communauté juive marocaine la place qui lui revient dans les manuels d’histoire nationaux, ce qu’on lui a niée jusqu’ici. Cette revendication est capitale car aujourd’hui, la majorité des jeunes Marocains n’ont jamais rencontré ou vu un Juif. André Azoulay, conseiller du roi Mohammed VI, m’a dit dernièrement qu’il a le sentiment d’avoir appris une histoire du Maroc mutilée d’une partie d’elle-même. Les Juifs ne sont pas les seuls grands absents de l’histoire nationale marocaine, les Berbères le sont aussi. 30 à 40% des Marocains sont de culture berbère. Il y a un gros travail à faire dans le domaine pédagogique. Le roi Mohammed VI a créé un Institut royal de l’enseignement de l’histoire, qui regroupe une quinzaine des meilleurs historiens du Maroc. Ces derniers sont en train de rédiger un livre général d’histoire, en arabe et en français, qui relatera une histoire plurielle du Maroc, depuis les Carthaginois jusqu’à nos jours. Croyez-moi, cette fois-ci, la Communauté juive marocaine ne sera pas oubliée.
C.J.N.: Que devraient faire les Juifs marocains canadiens pour perpétuer le riche patrimoine légué par leurs ancêtres?
A. Sasson: À mon avis, cultiver la Mémoire juive marocaine, ce n’est pas que du domaine du posthume, ça peut être aussi du domaine du contemporain. On peut imaginer des projets communs de développement, des projets de solidarité… Si demain, la Communauté juive marocaine de Montréal décidait de financer une école technique à Casablanca, qui ne sera fréquentée que par des Musulmans, l’impact d’une telle initiative serait énorme et très positif. À l’entrée de ce bâtiment, on mettrait une plaque remémorant: “Don de la Communauté juive canadienne” ou “Don de la Communauté juive marocaine et canadienne”.
Les étudiants musulmans qui seront formés dans cet établissement éducatif prendront vite conscience que c’est grâce à des dons provenant d’une Communauté juive marocaine de l’étranger qu’ils ont pu faire faire leurs études. Vous imaginez l’impact qu’un tel projet aurait sur la Communauté musulmane, qui est très sensible à tous les aspects de solidarité, qui pour elle sont beaucoup plus importants que les aspects relatifs aux Palestiniens et au conflit israélo-arabe.
Imaginez aussi tout ce qui pourrait être fait avec l’important patrimoine immobilier que la Communauté juive possède au Maroc. Ce patrimoine est aujourd’hui en déshérence parce qu’on ne peut rien en faire, si ce n’est le vendre, et à condition de le remplacer par quelque chose de vivant. Le jour où la Communauté juive du Maroc vendra ses vieilles synagogues, ses terrains… et utilisera les fonds générés par cette vente pour bâtir une université, des écoles, des bibliothèques… le souvenir du judaïsme marocain sera perpétué.
Moi, je suis très confiant en l’avenir. Même si le centre de gravité doit rester le Maroc, avec un Juif ou une Juive seulement vivant dans le pays, la responsabilité incombera désormais aux Communautés juives marocaines de l’extérieur. Elles auront un rôle important à jouer, en tout cas celles qui s’intéressent, celles qui sont indifférentes feront évidemment ce qu’elles voudront.
C.J.N. : Toutes les organisations visant à rassembler les Juifs marocains d’Israël et de la Diaspora se sont avérées de grands fiascos. Pourquoi?
A. Sasson: Vous avez tout à fait raison. Il y a eu des initiatives tout à fait louables, tout à fait intéressantes, soutenues au demeurant par le pouvoir marocain, en l’occurrence par feu le roi Hassan II, qui y voyait là aussi un intérêt pour sa realpolitik d’avoir des Associations de Juifs marocains puissantes et efficaces dans le monde. Malheureusement, le constat est clair et net, il ne faut pas aller chercher midi à quatorze heures, ce sont hélas les dissesions entre personnes -le président qui ne s’entendait pas avec le Secrétaire général, qui avait maille à partir avec le vice-président…- qui a tout court-circuité. Ces organisations juives marocaines sont devenues alors des fantômes de ce qu’elles auraient dû être. Je suis le premier à déplorer l’échec de ces organisations, dont j’ai été membre de certaines. Cela dit, on a quand même laissé derrière nous un certain nombre de réalisations tangibles, des petites choses qui valent ce qu’elles valent: le CD Rom sur l’histoire de la Communauté juive marocaine; le Musée du judaïsme marocain de Casablanca… Ce ne sont pas les structures ni le soutien qui manquent, malheureusement, ce sont les leaders juifs marocains qui ne s’entendent pas entre eux. Ils sont incapables de travailler ensemble.
C.J.N.: Quelle pourrait être la contribution des Juifs marocains du Canada aux travaux préparatifs pour créer un Conseil supérieur des Marocains résidant à l’étranger?
A. Sasson: Je crois que ce n’est pas si théorique que ça parce que les Marocains musulmans pourraient s’inspirer de la façon dont la Communauté juive a réglé ses questions religieuses en bonne harmonie avec l’État d’accueil. Ce n’est pas pour donner des leçons aux autres, mais la façon dont les Rabbins marocains ont fait évoluer le moudawana, c’est-à-dire le statut de la femme juive, pourrait servir de référence aux Imams marocains, qui ont également une démarche assez comparable à celle des Juifs.
Les Juifs ne vont pas demander au futur Conseil supérieur des Marocains résidant à l’étranger de régler leurs problèmes de religion, ils les ont déjà réglés depuis longtemps. Ils savent quoi faire, comment faire, avec qui faire… En revanche, les Musulmans ont besoin de cette intercession.
C.J.N.: Vous préconisez un rapprochement entre les Communautés juive et musulmane marocaines de Montréal. Mais force est de constater que les relations entre ces deux Communautés sont aujourd’hui quasi inexistantes.
A. Sasson: C’est vrai. Aujourd’hui, il n’y a pas de relations entre ces deux Communautés, alors que quand la Communauté musulmane marocaine avait commencé à s’installer au Québec, il y avait beaucoup plus d’échanges, notamment au niveau des étudiants, qui sollicitaient des familles juives montréalaises pour les aider dans leur intégration et même pour les dépanner financièrement. Mais, au fur à mesure que la communauté musulmane a mûri et grossi, qu’elle est devenue plus importante, elle s’est évidemment tournée vers ses propres problèmes: la religion, l’état civil, la citoyenneté… La relation avec la Communauté juive n’était plus alors sa priorité.
Je pense qu’avec ce Maroc nouveau qui se forme, avec cette nouvelle relation qu’on veut favoriser entre immigrés, qu’ils soient Canadiens ou en cours de le devenir, ça va peut-être créer une nouvelle dynamique. Plusieurs de nos coreligionnaires institutionnels, à la Communauté sépharade du Québec et à la Fédération Sépharade du Canada, essayent aussi de favoriser ce rapprochement intercommunautaire entre Juifs et Musulmans.
C.J.N.: Le sempiternel conflit israélo-arabe n’est-il pas le principal point de blocage du dialogue entre Juifs et Musulmans marocains?
A. Sasson: Disons que c’est un point de malaise plus qu’un point de confrontation. Mais, aujourd’hui, beaucoup de nos amis, camarades et concitoyens musulmans arrivent à dépasser ce point de malaise. Ce n’est pas facile, mais ils arrivent à le surmonter parce que le Maroc se démocratise, la parole s’est libérée. D’un côté comme de l’autre, on parle volontiers, et en toute franchise, de sujets qui fâchent.
Scientist Albert Sasson, the only Jewish member of the advisory committee on human rights in Morocco, was recently sent by King Mohammed VI to talk to the Sephardi community about his country’s move to create a council of Moroccans living abroad.