Re: MEURTRE CRAPULEUX DU JEUNE ILAN HALIMI
Posté par:
suzanne (IP enregistrè)
Date: 08 mars 2006 : 02:14
"Monsieur Halimi, ne repondez plus au telephone"
LEMONDE.FR | 07.03.06 | 09h43 e Mis e jour le 07.03.06 | 10h12
Le jour oe nous avons rencontre Didier Halimi dans son petit appartement de banlieue aux stores constamment baisses, sa solitude nous a paru d'autant plus palpable qu'au meme moment, e l'autre bout de Paris, son ex-epouse, Ruth, recevait la visite de la ministre des affaires etrangeres israelienne, Tzipi Livni, accompagnee d'une escouade de gardes du corps et de reporters. Discret, peu bavard et reserve, M. Halimi avait d'abord voulu nous orienter vers son ex-femme : "Voyez avec Ruth, c'est elle qui parle e la presse, moi je n'ai pas fait le deuil de mon fils, je veux me retrouver un peu seul."
Pendant plus de trois semaines, Didier Halimi a ete etroitement associe par la police e l'enquete et aux negociations avec les ravisseurs de son fils. Si etroitement que ses deux autres enfants et son ex-epouse, qui ne manquent pas de fustiger la gestion par la police de cet enlevement, le suspectent aujourd'hui de "defendre les flics". "Les policiers que j'ai cetoyes ont bosse comme des fous, estime-t-il. Ils mangeaient avec moi, dormaient ici, sur ce canape, ne me quittaient pas d'une semelle."
"Si seulement nous avions decroche le telephone"
Dans un entretien publie le 20 fevrier sous le titre "Si seulement nous avions decroche le telephone" par le quotidien israelien Haaretz, la mere d Ilan Halimi accuse les policiers de lui avoir ordonne de cesser tout contact par telephone avec les ravisseurs e quelques jours du denouement tragique, une grave "erreur", selon elle. "La police n'a pas ete competente", ont rencheri les deux seurs d'Ilan, Yael et Anne-Laure, dans un entretien accorde e l'hebdomadaire Actualite juive du 23 fevrier.
Ces accusations ont ete reprises par Elisabeth Schemla, la directrice du site proche-orient.info, tres lu par la communaute : "Toutes les polices, dans une affaire d'enlevement avec demande de raneon, (e) essayent au contraire de garder e tout prix un lien avec les kidnappeurs. Or, dans ce cas precis, le calcul policier e ou le pari insense e n'a-t-il pas ete egalement d'obliger ainsi les ravisseurs e 'sortir du bois' e A commettre le faux pas e Toute la question est alors de savoir si cette decision strategique n'a pas mis litteralement en rage ces criminels, voyant que leur affaire echouait."
Apres avoir nie, dans un premier temps, avoir demande e la famille d'arreter les contacts, la direction de la PJ renvoie aujourd'hui au parquet, oe l'on assume une telle strategie. "Il ne s'agissait pas de rupture, mais d'une suspension temporaire des ponts. Une decision prise en accord avec le pere", confirme Laurence Abgrall-Bauge, l'un des porte-parole du procureur de la Republique de Paris. Selon elle, le corps d'Ilan n'avait toujours pas ete formellement identifie lundi 13 fevrier au soir. e A. L.
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Fumant cigarette sur cigarette, Didier Halimi deroule le fil de trois semaines de negociations au centre desquelles il s'est trouve. Des le dimanche 22 janvier, au lendemain de la disparition d'Ilan, un premier contact est etabli avec les ravisseurs. D'abord par telephone, puis par un courrier electronique contenant une photo d'Ilan menotte, une arme pointee sur sa tete, un journal du jour entre les mains. Le lendemain, une premiere demande de raneon est formulee. Elle s'eleve e 450 000 euros. La somme ne cessera de varier jusqu'e la fin des echanges. "Lorsque je leur disais que je n'avais pas la somme qu'ils demandaient, ils me repondaient que je n'avais qu'e demander l'argent e la communaute'", se souvient-il.
JUSQU'e QUARANTE COUPS DE TeLePHONE PAR JOUR
Les ravisseurs appellent principalement le pere, jusqu'e quarante fois par jour, mais aussi, occasionnellement, la petite amie d'Ilan et sa mere. Afin de ne pas se disperser, les policiers decident de centrer leur dispositif autour du pere d'Ilan, qui, chaque matin, se rend au 36, quai des Orfevres, oe il repond e ces appels en presence des negociateurs et d'une psychologue (ou "profileuse") chargee d'analyser les echanges et de betir un "profil" de la bande. A l'autre bout du fil, une voix "calme et posee" e que les policiers identifieront comme celle de Youssouf Fofana e devient, au fil des jours, de plus en plus menaeante et injurieuse.
La strategie de la police, telle qu'elle a ete exposee par le patron de la crim', Noel Robin, e Didier Halimi, consiste e ce stade e convaincre les ravisseurs d'accepter une remise de raneon "physique" en echange d'Ilan. Leurs revendications d'un virement via Western Union en Cete d'Ivoire sont ecartees, n'offrant aucune garantie pour recuperer l'otage et barrant la route e toute possibilite de capturer ses ravisseurs. Il fallait, explique-t-on alors au pere d'Ilan, "rester en contact", "gagner du temps", tout en s'assurant que l'otage etait toujours vivant.
Une deuxieme puis une troisieme photo d'Ilan sont envoyees par e-mails. Les negociations progressent, mais des qu'un accord est trouve sur une somme, le groupe semble se desister et multiplie les errements. Plusieurs rendez-vous sont annules ; d'autres sont proposes, mais leur caractere fantaisiste jette le trouble : une rencontre est ainsi reclamee "dans une demi-heure au KFC de Chetelet", puis place Clichy et enfin e Bruxellese
A ce stade, la police gagne du temps et espere mettre la main sur un des membres du gang de ravisseurs grece auquel elle pourrait alors remonter jusqu'e Ilan. Mais le groupe seme les enqueteurs. "Ils avaient beaucoup de mal e retracer les portables qui venaient soit de Cete d'Ivoire, soit passaient par des plates-formes etrangeres, confirme Didier Halimi. C'est ainsi qu'ils ont mis en place un systeme de traeage des e-mails et renforce leur surveillance des cybercafes de la capitale."
Cette surveillance porte ses fruits : grece e une camera presente dans un cybercafe, les policiers obtiennent une photo de Fofana, le visage cache derriere une echarpe. Ils sont e deux doigts de l'arreter : une premiere fois e la sortie d'un cafe Internet de la rue Jean-Pierre-Timbaud, une seconde fois e Belleville, e Paris.
Malgre cette "accumulation de malchances", comme les qualifie Didier Halimi, les policiers de la crim' continuent d'esperer et le maintiennent en confiance : "On y arrivera, on n'a jamais eu de mort dans ce genre d'affaires", assuraient-ils.
De son cete, Didier Halimi continue de repondre quotidiennement aux coups de telephone des ravisseurs. Mais les echanges ont e present considerablement "degenere" : "On m'insultait, on me traitait de tous les noms. Puis ils menaeaient de s'en prendre e Ilan, de lui couper un doigt. Ensuite de le tuer." On lui raccroche parfois au nez. Ou alors c'est lui qui, exaspere, ne veut plus parler. Seul repit : les week-ends, singulierement pendant les matches de la Coupe d'Afrique des nations de football, les appels cessent, comme l'ont note les enqueteurs.
A-t-il juge, au vu du discours qui lui etait tenu, que ses ravisseurs etaient antisemites e "Je prefere que les gens jugent d'eux-memes", dit-il. Mais son sentiment personnel est que la judaete d Ilan a certainement servi de declencheur e la "barbarie" du groupe : "Ilan a ete torture, ils lui ont inflige des horreurs gratuitement. Pourquoi e Parce qu'ils etaient trop contents d'avoir entre les mains un petit juif'."
"NOUS DEVONS ASSUMER LES CHOIX"
Le 8 fevrier, le pere d'Ilan s'entretient e nouveau avec le responsable de la brigade criminelle, le commissaire Robin, qui lui annonce un changement de strategie. "Desormais, il ne faudra plus repondre au telephone", lui demande-t-il. Face e l'enlisement des negociations, les policiers esperaient-ils que le gang allait se deliter et Ilan, desormais considere comme un fardeau, etre libere e Ou, au contraire, que les ravisseurs allaient "sortir du bois" et proposer des modalites d'echange credibles e "Je n'ai pas conteste cette strategie parce que j'etais tout simplement tres fatigue de leur parler tous les jours au telephone. Je dois egalement dire que les ravisseurs avaient profere tellement de menaces sans jamais les mettre e execution que j'etais plutet confiant", raconte Didier Halimi.
Les appels demeurent frequents "les premiers jours, puis de moins en moins e l'approche du week-end". Pour le pere d'Ilan, ces quelques jours de "repit" sont presque un soulagement : il sort, ouvre de nouveau sa boutique, voit un amie Jusqu'au lundi 13 fevrier au soir, oe il est saisi d'angoisse face e ce silence radio. Il telephone e la brigade criminelle pour faire part de ses inquietudes, demande e parler e Noel Robin, qui lui repond : "Rien de nouveau." La rupture de contact n'ayant pas donne de resultats, M. Robin lui enjoint alors de "reprendre le dialogue avec les ravisseurs".
Helas, e cette heure-ci, il ne peut plus etre question de dialogue, parce qu'Ilan est deje mort depuis plus de douze heures. Selon les recoupements que nous avons effectues, son corps, retrouve agonisant tet le matin pres de Sainte-Genevieve-des-Bois, a ete autopsie le lundi 13 fevrier entre 14 heures et 16 h 30 au centre medico-judiciaire du Centre hospitalier sud-francilien d'Evry(Essonne), par l'equipe du docteur Philippe Werson, en presence de policiers de la brigade criminelle. Outre les observations medicales, leur rapport note la presence de bandeaux de scotch sur le menton et le front, et d'une paire de "menottes americaines" que les pompiers ont brisees lors de la decouverte d'Ilan. Restaient e effectuer les analyses ADN, dont le resultat ne sera connu que le lendemain matin, mardi 14 fevrier, date e laquelle la police annonce la decouverte "quasi certaine" du corps d'Ilan e sa famille. Le pere, convie dans le bureau du commissaire Robin, identifie alors son corps sur des cliches que lui presente le patron de la crim'.
"Je pense que nous devons assumer les choix, y compris ceux que j'ai faits moi-meme en toute connaissance de cause dans cette affaire, dit aujourd'hui Didier Halimi. On aurait fait l'inverse, on nous aurait egalement critiques si Ilan etait mort. Il s'en serait sorti vivant, on nous aurait felicites. Existe-t-il une bonne strategie quand on a affaire e un groupe aussi inconstant e C'est toujours facile, a posteriori, de critiquer. Mais il n'y a pas de bouton replay dans ce genre d'affaire."
"Si c'est la faute de quelqu'un, c'est celle de ceux qui ont kidnappe et torture mon fils", tranche-t-il, en evoquant encore une fois ce "monstre" qui n'a pas hesite e l'appeler deux jours apres la mort de son fils en lui laneant : "Alors, t'es content maintenant e La prochaine fois, ce sera ton tour." "En serait-il capable e", se demande le pere d'Ilan en refermant e double tour son appartement et en verifiant que tous les volets sont bien fermes. Lorsqu'il allume son poste de television, il voit enfin son visage, qui semble le narguer.
Alexandre Levy