Sœur Sourire, de son vrai nom Jeanine Deckers (1933-1985), entrée
chez les dominicaines en 1959, connaît un succès mondial en 1963
avec la chanson Dominique-nique-nique qu'elle écrit, compose et
interprète au profit de son ordre. Défroquée, elle est rattrapée
par le fisc belge et finit par se suicider de désespoir avec sa
compagne en 1985.
Jeanine Deckers est née à Bruxelles le 17 octobre 1933. Elle connaît
une enfance et une jeunesse qu'elle décrit comme mornes puis tente de
devenir professeur de dessin sans y réussir.
Cherchant sa voie, elle entre dans l'Ordre catholique des dominicains
en 1959, où elle devient SÅ“ur Luc-Gabriel au couvent de Fichermont Ã
Waterloo. Très vite elle se fait apprécier des autres sœurs du couvent
pour ses compositions musicales.
Sa hiérarchie décide de lui faire enregistrer un disque et négocie un
contrat avec Philips. Ni son nom, ni son image n'apparaîtront sur les
pochettes. Le pseudonyme Sœur Sourire, lui-même, dont elle dira plus
tard qu'elle le trouvait ridicule, est choisi par un panel d'auditeurs
test, il reste la propriété des contractants : son éditeur et son
couvent. Les droits normalement dévolus à l'auteur-compositeur-chanteur
reviennent au couvent. En vertu de ses vœux de pauvreté et
d'obéissance, Jeanine signe.
Dominique-nique-nique est un succès mondial. La fraîcheur de sa voix,
et de ses textes, la simplicité apparente de sa foi lui attirent la
sympathie d'un public qui ne se limite pas aux catholiques.
« Dominique-nique-nique s'en allait tout simplement
Routier pauvre et chantant
En tous chemins en tous lieux il ne parl'que du Bon Dieu
Il ne parl'que du Bon Dieu. »
Son anonymat excite la curiosité de la presse et la rumeur lui prête
une beauté proportionnelle à la pureté de son âme. En 1963, The
Singing Nun est n°1 au Bilboard américain et, l'année suivante,
Sœur Sourire passe au Ed Sullivan Show — ou, plus exactement, c'est
Ed Sullivan lui-même et son équipe qui se déplacent au couvent de
Fichermont. En 1966, un film américain, The Singing Nun est consacré
à son histoire avec Debbie Reynolds dans le rôle-titre. L'actrice
n'a que peu de ressemblance physique avec son modèle, dont le visage
reste inconnu du plus grand nombre.
À cette époque, Jeanine Deckers reprend les études et essaie Ã
grand peine (son journal en témoigne) de s'intéresser à la théologie
en suivant des cours à l'Université catholique de Louvain. C'est
peut-être cette parenthèse estudiantine qui l'amène à s'interroger
sur le sens de sa vie. En juillet 1966, convaincue de son absence
de vocation et considérant la vie au couvent comme anachronique,
elle quitte les ordres sans le moindre viatique.
La postérité avait oublié assez vite la face B du célèbre 45 tours :
Le pied du missionnaire, et encore plus les titres du disque suivant :
Une fleur, cœur de Dieu.