trés chers Claudine et Simon,
En lisant vos merveilleux témoignages d'affection et anecdotes concernant mon père, Jack, j'ai été tellement ému que mes larmes ont commencé à couler à flots et que je n'ai pas pu vous remercier par retour.
Comme je suis actuellement au Maroc auprès de ma mère, je lui ai fait lire vos si belles lignes remplies de tendresse, de chaleur et d'humour. Elle en a été trés touchée et me charge de vous transmettre toute son affection.
Claudine et Simon, je dois vous dire que je suis incapable de me rappeler ce que j'ai mangé hier, mais ma mémoire est intacte en ce qui concerne mon enfance et ma jeunesse. Je me rappelle parfaitement de vous deux, tout comme des centaines de noms et de voix des visages que j'ai vu défiler sur ce site.
Simon, j'ai trouvé hillarante ton anecdote si bien racontée sur ton voyage en Espagne avec mes parents. Je reconnais bien mon père à travers ta chronologie des faits...Deux précisions, son Opel n'était pas beige mais jaune, L'ami chez qui vous étiez invités s'appelle le Professeur Alvarez Sala, une sommité en Espagne en tant que cardiologue entre les années 1945 à 1985.
Je vais me permettre de te raconter à mon tour une anecdote qui a un lien direct avec mon père et le Professeur Alvarez, mais nettement moins amusante que la tienne.
Monsieur et Madame Alvarez etaient des amis intimes de mes parents depuis 1949 et ils avaient beaucoup de plaisir à se retrouver au moins une fois par an. Ils ont eu 7 garçons qui aujourd'hui sont des sommités. Malheureusement Madame Alvarez, dans les années 1960, en mettant au monde un huitième enfant a perdu la vie et la vie de cet enfant.
Ce fut une tragédie, et le professeur Alvarez, heureusement très croyant a eu le courage d'élever ses 7 garçons.
Mon père les rencontrait régulièrement, et chaque fois qu'il se rendait à Madrid jusqu'à ces dernières années, toute la famille Alvarez au complet avec femmes et enfants se réunissaient autour de mon père qu'ils adoraient et respectaient. Ils l'appellaient tous Tio Jack.
En 2002, le professeur Alvarez décède à l'age de 95 ans.
En février 2003, mon père décide de venir me voir à Paris, mais il tient à faire un crochet par Madrid pour rencontrer les fils Alvarez. Comme d'habitude les 7 frères, malgré leurs occupations, se réunissent et reçoivent tous ensemble mon père avec une "Hiba" que tu ne peux pas imaginer.
Ils remettent à mon père la dernière photo de leur vieux père trônant au milieu de ses 7 fils, puis, pour honorer mon père, lui proposent d'une manière symbolique de prendre une photo avec eux en prenant la place de leur père, ce qu'il accepte avec beaucoup de fierté et d'émotion.
3 jours aprés, mon père arrive à Paris et fièrement me montre les photos ainsi qu'un magazine espagnol avec un article sur l'un des fils Alvarez qui a été élu medecin de l'année 2002.
Lorsque mon père pose les 2 photos sur la table, il les regarde bien, écarquille ses grands yeux rieurs et combien expressifs, réalise qu'en fait, il est assis à la place du mort. Et avec son humour qui n'a pas d'égal, il me dit en Arabe : A mout lou zoudboum, ils m'ont mis à la place du mort ! ! !
On en a beaucoup ri, mais malheureusement, après avoir passé un mois merveilleux à nos côtés à Paris, il est rentré chez lui, au Maroc, c'était la dernière fois que je le voyais, et cet homme qui me paraissait indestructible, en pleine santé, a été foudroyé d'une crise cardiaque dans la nuit du 26 au 27 mai 2003.
Excuses la longueur de mon récit, mais il n'y a pas un jour où je ne parle pas de mon père, et tu m'as donné l'occasion de réveiller sa mémoire. Il disait toujours : La seule chose qui restera de nous, c'est ce qu'on dira de nous.
Il avait tellement raison.
Claudine et Simon, vous aussi vous prouvez par votre chaleur et votre douceur que vous êtes des gens hors du commun, tout comme Emile et tant de personnes qu'il serait trop long de nommer, et parmi eux une majorité de Mazaganais...Que D... vous garde en bonne santé.
Je vous aime tous, et sachez que mon plus grand souhait, aprés tant d'années serait de vous revoir....
Trés affecteusement,
Fred Benarroch
PS : Je joints les 2 fameuses photos.