Re: EVENEMENTS ET FAITS TRAGIQUES AU MAROC
Posté par:
place de france (IP enregistrè)
Date: 27 novembre 2005 : 23:22
GOURAUD
1867-1946
--------------------------------------------------------------------------------
Henri Gouraud est n? ? Paris, rue de Grenelle, le 17 novembre 1867. Il est le fils du Docteur Xavier Gouraud, m?decin des H?pitaux et de Marie Portal.
Les Gouraud sont originaires de Vend?e. Ils quittent le Pays ? la R?volution pour Angers, puis Paris. Ils sont m?decins de p?re en fils. Quant aux Portal ils sont de Rouen.
Le docteur et madame Gouraud ont six enfants. Apr?s Henri viennent Fran?oise qui sera religieuse, Joseph pr?tre, Pierre officier, Marie-Th?r?se cat?chiste et Xavier m?decin.
Henri re?oit dans sa famille et au coll?ge Stanislas, o? il fait ses ?tudes, une solide ?ducation marqu?e par une foi profonde, le sens du devoir et de la discipline.
On parlait peu de l'Arm?e alors chez les Gouraud. La vocation militaire d'Henri est toute personnelle. Elle s'?veille avec l'occupation qui suit la d?faite de 1870. Henri a quatre ans; Il ?crira bien plus tard : "Je me vois encore, assis par terre dans la rue, avec au dessus de moi un immense cheval blanc mont? par un Uhlan . Sa vocation coloniale remonte ? la d?couverte qu'il fait un jour, ? l'abandon dans le b?cher familial, des armes ramen?es d'Afrique par son grand oncle, officier, mort des fi?vres ? Constantine en 1848. Plus tard le g?n?ral Gouraud mettra ces armes ? l'honneur parmi ses propres troph?es.
Mais c'est surtout par la lecture de l'histoire que sa vocation se d?veloppe. A l'?ge de douze ans, Henri fait devant sa famille ?tonn?e, le plan de la bataille de Marengo. Plus tard il obtient le premier prix d'Histoire et de G?ographie au Concours G?n?ral qui r?unissait ? cette ?poque, ?tablissements publics et priv?s. Il pr?pare Saint Cyr ? la "Corniche" de Stanislas, qui, par la suite, portera son nom. Il est re?u au Concours de 1888 avec la promotion du "Grand Triomphe". Nom pr?destin? puisqu'elle comprendra par la suite soixante officiers g?n?raux.
A sa sortie de l'?cole, Gouraud esp?rait partir outremer; mais son p?re s'y oppose, craignant la mauvaise influence de l'infanterie de marine sur son fils. Gouraud respecte la volont? paternelle. Il est affect? au 21e Bataillon de Chasseur ? pied ? Montb?liard. C'est un heureux choix; ? la t?te du bataillon se trouve le Commandant Billet, admirable officier qui sait compl?ter sur le terrain la formation re?ue ? l'?cole.
I - L'AFRIQUE
Au bout de trois ans, le lieutenant Gouraud ?touffe dans une garnison de m?tropole; sa vocation est toujours aussi forte; il l'a entretenue en lisant les r?cits des campagnes qui ont lieu en Asie et en Afrique.
En 1894, la conqu?te des territoires qui formeront plus tard l'Afrique Occidentale Fran?aise, est entr?e dans une phase active. Gouraud demande ? y partir. Il est affect? au Soudan, l'actuel Mali.
Tr?s vite l'accord se fait entre le jeune officier et le pays. Sa sant? robuste s'accommode d'un climat qui en ?prouve bien d'autres. Il sympathise avec les habitants dont il appr?cie la gaiet?, le courage et la loyaut?. Dans ses "Souvenirs d'un Africain", ?crits beaucoup plus tard, il fera souvent leur ?loge.
De 1894 ? 1911, ? l'exception de courts s?jours en m?tropole, Gouraud est en permanence en Afrique. Il y acquiert l'exp?rience du combat; il s'y r?v?le comme un chef de guerre efficace et heureux; il s'y forme comme un administrateur et organisateur; il y conna?t la gloire. Un avancement rapide et des d?corations sanctionnent ses ?tats de service. Parti comme jeune lieutenant en 1894, dix-sept ans plus tard lorsqu'il est affect? au Maroc, il a d?j? quatre ans de grade de colonel et il est commandeur de la l?gion d'honneur.
Le premier s?jour de Gouraud au Soudan (1894-1896) se d?roule dans les diff?rents
postes de la ligne de communications qui unit le S?n?gal au Niger.
De 1894 ? 1899 Gouraud est affect? au sud du Niger, dans la r?gion qui constitue maintenant la Guin?e, la Haute-Volta, la c?te d'Ivoire, le Ghana et le B?nin.
De 1900 ? 1902 il est au Niger, appel? alors le territoire de Zinder.
De 1904 ? 1906 il commande le territoire du Tchad et de 1907 ? 1910 la Mauritanie.
Retracer les ?tapes de la carri?re de Gouraud tout au long de ces ann?es d'Afrique d?passerait le cadre de cette biographie. Le g?n?ral Gouraud l'a fait lui-m?me dans ses "Souvenirs d'un Africain". Mais il faut mentionner ici la prise de Samory qui l'a rendu c?l?bre et la campagne de la Mauritanie, dont il disait lui-m?me qu'elle avait ?t? la plus dure de toutes ses campagnes.
Samory
Samory ?tait le fils d'un marchand. Par bravoure, sa vigueur physique et morale, par ses qualit?s d'intelligence et de ruse, il ?tait parvenu ? conqu?rir, au sud Niger, un empire comme la moiti? de la France..
En 1898 malgr? plusieurs engagements victorieux avec ses lieutenants, l'Almamy Samory reste insaisissable. Il dispose de forces nombreuses, estim?es ? 4000 "sofas" arm?s de fusils ? tir rapide. Pour ?chapper aux forces fran?aises qui le traquent, il se r?fugie dans la for?t vierge o? il est poursuivi. Le 21 septembre 1898 un premier accrochage l'affaiblit. Le commandant de Lartigue qui dirige les op?rations, concentre ses forces disponibles ? Nzo, petit village situ? ? l'extr?mit? sud-est de la Guin?e; mais un gros d?tachement ne peut subsister longtemps dans la for?t : Le commandant de Lartigue envoie, sous les ordres du capitaine Gouraud, une reconnaissance forte de 200 combattants, avec une mission de poursuivre Samory et de le rejeter de pr?f?rence vers le sud ou l'ouest o? l'attend le reste des forces.
Sous une pluie continuelle, Gouraud s'enfonce dans la for?t vierge. Il retrouve la trace de Samory; Gouraud d?cide de remonter cette piste qui le m?nera ? son adversaire. Le 28 septembre il parvient en vue du campement de Samory; il semble bien que celui-ci ignore la pr?sence des fran?ais; il n'imagine pas qu'on puisse le poursuivre par ce chemin.
"Peu ? peu s'est form?e dans mon esprit l'id?e que l'occasion s'offre de porter ? Samory un coup supr?me et ma r?solution est prise ... L'?toile de l'Almamy semble p?lir, mais son prestige ne peut finir que par sa mort ou sa capture. S'il est tu? au fond de la for?t vierge, personne ne le croira et un beau jour un autre Samory surgira... Il faut donc le ramener vivant... Il ne faut donc pas de combat, ce qu'il faut c'est la surprise totale."
Gouraud donne ses ordres. Le 29 septembre 1898, ? 7 heures du matin, sans un coup de feu, ses tirailleurs capturent Samory et neutralisent son arm?e, forte de 600 fusils ? tir rapide et de 1000 fusils ? pierre, sans compter les 50 000 personnes qui l'accompagnent.
Ce fait d'arme, qui met fin ? seize ann?es des luttes cruelles, a un grand retentissement en France o? le capitaine Gouraud re?oit un accueil enthousiaste lorsqu'il rentre en 1899.
Campagne de l'Adrar
En novembre 1907, promu Colonel, Gouraud est nomm? Commissaire du Gouvernement G?n?ral en Mauritanie, avec r?sidence ? Saint-Louis du S?n?gal.
Entre le S?n?gal et le Maroc, la Mauritanie constitue une vaste zone aride peupl?e d'?leveurs, de commer?ants et de guerriers qui lancent des "razzia". Dans la seule ann?e 1908, trois officiers, cinq sous-officiers et cent trente-quatre tirailleurs sont tu?s par les guerriers dans la partie sud de la Mauritanie. La cl? de la situation est au nord dans l'Adrar, o? ces guerriers se r?fugient entre deux raids; longtemps le Gouvernement fran?ais se refuse de les y poursuivre: il s'y d?cide enfin en septembre 1908.
Depuis un an qu'il est l?, Gouraud a longuement r?fl?chit ? cette campagne; il a parcouru le sud de la Mauritanie; il s'est familiaris? avec les conditions tr?s dures du combat dans ces r?gions. Sa mission est difficile et p?rilleuse; le pays est immense et inconnu; les points d'eau y sont rares et le climat hostile. Les guerriers mauritaniens sont nombreux et tr?s mobiles; ils disposent de fusils ? tir rapide.
La colonne est lourde et lente: 800 fantassins et seulement 200 hommes mont?s; elle est tributaire, pour ses ravitaillements, de bases situ?es ? plus de quatre cent kilom?tres avec lesquelles les communications ne se font que par coureurs.
La colonne quitte la basse Mauritanie en d?cembre 1908; elle doit livrer trois combats s?rieux avant de p?n?trer dans Atar, la capitale de l'Adrar, qui fait sa soumission le 9 janvier 1909. Le printemps et l'?t? sont occup?s ? pacifier la r?gion par une combinaison d'actions politiques et d'actions militaires souvent meurtri?res. Mais, vers le nord, les guerriers continuent ? menacer. En septembre 1909, Gouraud les poursuit jusqu'? la Koudiat d'Idjil, l'actuel site de la Miferma et les dispersent dans le d?sert.
Au Maroc
Apr?s avoir suivi les cours du centre des Hautes Etudes Militaires, le colonel Gouraud part en 1911 au Maroc o? il d?barque le 2 mai. Fez est alors bloqu?e par des tribus r?volt?es contre le Sultan. Charg? de conduire ? la colonne Moinier ses convois de ravitaillement, le colonel Gouraud doit livrer trois combats avant de le rejoindre.
En 1912, il accompagne ? Fez le g?n?ral Lyautey, nomm? R?sident G?n?ral au Maroc; au stand de ?La Revue du Liban?.
POURQUOI AVOIR CHOISI LYAUTEY?
?Lyautey? est un aristocrate fran?ais n? en 1854, mort en 1934. Grand mar?chal de l?arm?e fran?aise, combattant, visionnaire, ?il d?couvre, avant tous ses contemporains, la r?alit? de l?Islam et propose des solutions d?avant-garde qui paraissent, aujourd?hui encore r?volutionnaires?, dit M. de Charrette.
En 1870, Lyautey est un jeune homme ayant eu une enfance difficile. De p?re polytechnicien, il est orient? par les J?suites dont il est l??l?ve, vers une carri?re militaire. Mais il est physiquement ?diminu?? par un accident, auquel il s?est expos? alors qu?il est enfant: Lors d?un d?fil? militaire ? Nancy, il ?chappe aux bras de sa nourrice au premier ?tage d?un immeuble et tombe sur l??paule d?un hussard; puis, par terre et manque d??tre pi?tin? par les chevaux. Il portera un corset jusqu?? l??ge de 12 ans, mais malgr? cela, optera pour cette carri?re physique dans l?arm?e, d?montrant qu?il est capable de surmonter son handicap. Il sera un cavalier remarquable.
Sa jeunesse est, aussi, marqu?e par la d?faite de la France, chose qui a nourri un sentiment national tr?s fort chez la jeunesse d?alors. La religion, aussi, a produit son impact sur celui que l?on aurait appel? aujourd?hui un ?catholique de gauche?.
ACQUIS AU M?TIER DES ARMES
Pour parfaire ce portrait, de Charrette parle de l?attitude de son personnage ? l??gard de l?arm?e: ?Il tranchait dans le milieu militaire, aimait dominer les autres, se sentait sup?rieur par son intelligence, d?testait la hi?rarchie?.
Il ?crit un papier sur l?arm?e et le publie sans signature dans la ?Revue des Deux Mondes?. Ce papier fera grand bruit, puisqu?il contient un message important: La France doit apprendre aux jeunes le m?tier des armes et la coh?sion sociale et nationale. Il sera quand m?me reconnu jalous?, r?prouv?...
?Si j?ai ?crit la vie de Lyautey. souligne l?auteur, c?est, principale-ment, parce que c?est l?homme qui, au d?but de ce si?cle, a r?invent? l?amiti? entre la France et les pays de la M?diterran?e. Il est un des rares qui ont compris que pour nous, Fran?ais, une partie importante se jouait dans cette r?gion?.
En 1880, son r?giment est mut? en Alg?rie. Les deux ann?es qui vont suivre, auront ?t? d?terminantes dans la vie de Lyautey: il d?couvre la colonisation comme il ne l?aime pas.
Dans ses lettres ? ses amis, il explique que ce que font les colons en Alg?rie est, pr?cis?ment, ce qu?il ne faut pas faire et comprend l?exasp?ration des Arabes face ? cette situation.
Autrement dit, Lyautey annonce les probl?mes de la France en Alg?rie; montre beaucoup ?d?admiration, de tendresse et de respect pour la civilisation musulmane?, souligne de Charrette.
FONDATEUR DU MAROC MODERNE
Envoy? pour coloniser le Maroc, il devient l?ami du Sultan et met son r?giment ? son service pour l?aider ? asseoir son pouvoir. Lyautey devient, ainsi, le fondateur du Maroc moderne.
Devenu vieux, il recevra, ? Paris, la visite du roi Mohamed V tenant par la main un enfant de 5 ans, le futur roi Hassan II; il vient le remercier de tout ce qu?il a fait pour le royaume chr?rifien.
?Nous devons tous beaucoup ? Lyautey, conclut Herv? de Charrette, pour les liens qu?il a cr??s entre la France et les pays de la M?diterran?e qui ont vu na?tre les trois religions du Livre?.
?Notre destin n?est-il pas de faire en sorte que cette mer soit une mer de paix? C??tait l?id?e de Lyautey il y a un si?cle; c?est encore la n?tre aujourd?hui?.
il re?oit le commandement de la ville apr?s l'attaque de nuit du 25 mai au cours de laquelle les rebelles ont p?n?tr? jusqu'au coeur de la cit?. Le 1er juin, il sauve ? nouveau Fez investie par les tribus au combat d'Hadjera et Kohila qui lui vaut quelques jours apr?s les ?toiles de g?n?ral de brigade. Il est alors charg? du commandement de la r?gion de Fez.
Nomm? en mai 1914 au commandement des troupes du Maroc occidental, le g?n?ral Gouraud doit livrer plusieurs combats pour assurer la libert? des communications avec l'Alg?rie par la trou?e de Taza.
II - LA GUERRE
L'Argonne
Mais la guerre ?clate en Europe. Gouraud ne peut rester au Maroc; s'il est militaire c'est pour effacer la d?faite de 1870. Il rentre en France ? la t?te de la 4e brigade marocaine envoy?e en renfort sur le front fran?ais. Il est nomm? g?n?ral de division et re?oit le 15 septembre le commandement de la 10e D.I.
C'est une t?che difficile. Au contact de l'ennemi dans la r?gion de Vauquois, cette division a subi de violentes attaques. Ses pertes sont importantes; son moral est ?branl?; son chef a ?t? tu? le 6 septembre. Par son activit? incessante, Gouraud redonne une ?me ? cette troupe d?sempar?e. Par la suite le 10e D.I. est engag? 10 Km plus ? l'ouest au "Four de Paris" ; elle est violemment attaqu?e le 7 janvier 1915. Gouraud a l'?paule travers?e par une balle en allant visiter des unit?s en ligne; il refuse de se faire ?vacuer.
Le 23 janvier 1915, le g?n?ral Gouraud est nomm? au commandement du Corps d'Arm?e Colonial, en secteur dans la r?gion de Beaus?jour-Massiges. Il participe avec cette grande unit? aux nombreux combats de cette premi?re bataille de Champagne.
Aux Dardanelles
Au d?but de 1915, les gouvernements de l'Entente ouvrent un nouveau front en orient. Les troupes fran?aises et britanniques d?barquent ? l'extr?mit? de la presqu'?le de Gallipoli mais se trouvent bloqu?es dans un triangle de 5 km de c?t?.
Au printemps, ? la demande des Anglais, la France envoie de nouveaux renforts. Le 15 mai 1915, le g?n?ral Gouraud est nomm? au commandement du Corps Exp?ditionnaire Fran?ais aux Dardanelles. Les troupes alli?es livrent ? l'arm?e turque des combats les 4, 21 et 30 juin sur un terrain tr?s difficile. Au soir du combat du 30 juin, en allant visiter ? l'ambulance les bless?s de la journ?e, Gouraud est ? son tour gri?vement bless? par un obus de gros calibre qui tombe ? ses pieds. Le souffle le projette en l'air; par chance il retombe sur un figuier; on le ramasse inanim?; un bras broy?, les jambes et le bassin bris?s.
Sur le navire h?pital qui le ram?ne en France, la gangr?ne se d?clare; il faut l'amputer du bras droit. Il ne le dira ? sa m?re , venue l'accueillir ? la gare de Lyon, qu'au moment o?, allong? sur son brancard, il l'embrassera en la serrant tr?s fort avec le seul bras qui lui reste. Monsieur Poincar?, pr?sident de la R?publique, le d?core de la M?daille Militaire sur son lit d'h?pital.
Gr?ce ? sa robuste constitution Gouraud se r?tablit rapidement. A peine sur pied, il se rend en Italie remettre la Grand Croix de la l?gion d'honneur au G?n?ral Cadorna, commandant en chef de l'arm?e italienne. Le 11 d?cembre 1915, il est nomm? au commandement de la IVe Arm?e en Champagne.
En Champagne
1916, c'est l'ann?e o? se concentrent ? Verdun les efforts des deux adversaires. Ailleurs c'est le calme; mais il faut maintenir en condition les unit?s pour des op?rations qui peuvent reprendre d'un jour ? l'autre.
Le g?n?ral Gouraud se consacre enti?rement ? cette t?che. Il impose ? son ?tat-major de satisfaire en priorit? les demandes de toute nature des unit?s combattantes, notamment celles des unit?s de r?serve g?n?rale qui changent fr?quemment d'Arm?e et dont on s'occupe peu ailleurs. Il cr?e sur les arri?res de son arm?e des ?coles o? sont ?tudi?es les armes nouvelles, corrig?es les mauvaises habitudes et perfectionn?es les m?thodes de combats. Par une s?rie de coups de main soigneusement pr?par?s, il maintient l'int?grit? du front et entretient l'agressivit? des combattants. Par des visites incessantes dans les tranch?es et dans les camps d'instructions, il est en prise directe avec le soldat et l'officier et leur communique sa foi.
Ainsi pendant cette ann?e 1916 "Gouraud va cr?er un outil de premier ordre et acqu?rir la confiance du soldat" .
H?las! l'?preuve n'?pargne pas sa famille. Le 14 octobre 1916, pendant la bataille de la Somme, son jeune fr?re, le commandant Pierre Gouraud , cavalier pass? dans l'infanterie pour prendre une part plus active au combat, tombe glorieusement au Champ d'Honneur dans les rangs du 67e r?giment d'infanterie.
Int?rim au Maroc
Ce n'est pas sans regret que Gouraud quitte la Champagne pour partir au Maroc. Pressenti pour le Minist?re de la Guerre, Lyautey subordonne son acceptation au fait qu'il sera remplac? ? Rabat par son "cher Gouraud". Celui-ci ne peut que s'incliner. Mais Lyautey ne peut s'habituer aux "parlotes" de la vie politique. Il revient au Maroc. Gouraud reprend avec joie en juin 1917 le commandement de la IVe Arm?e et continue ? pr?parer celle-ci aux futurs combats.
Bataille du 15 juillet 1918
La R?volution russe d'Octobre 1917 donne aux Allemands une chance de terminer la guerre en 1918 avant l'arriv?e massive en Europe des troupes am?ricaines. Ils ont mis au point une tactique nouvelle : ?craser la premi?re ligne adverse sous des feux massifs d'artillerie, puis accompagner les troupes d'assaut par un barrage roulant se d?pla?ant selon un horaire fixe.
Cette tactique se r?v?le efficace au cours des offensives de printemps. La parade, con?ue par le g?n?ral P?tain, comporterait l'abandon temporaire de la premi?re ligne en cas de s?rieuse menace d'attaque. Ainsi le bombardement initial tomberait dans le vide. Mais cette manoeuvre se heurte ? la mentalit? de l'?poque d'apr?s laquelle la d?fense de chaque pouce de terrain est un dogme sacr?.
Seul de tous les commandants d'Arm?e, Gouraud, convaincu par le colonel Pr?telat, son chef d'?tat-major, met en oeuvre l'id?e du G?n?ral P?tain. Cette manoeuvre qui para?t simple aujourd'hui, est en r?alit? d?licate et complexe. Si les indices d'attaque sont s?rieux, la grande masse des combattants doit, ? la tomb?e de la nuit, se replier de 3 ? 5 km sans alerter l'ennemi pour remonter en ligne avant le jour si rien ne s'est produit.
Alors que son ?tat-major en met au point l'ex?cution, Gouraud parcourt inlassablement les unit?s, explique la manoeuvre et communique ? tous la confiance qu'il a dans son succ?s. Au d?but de juillet, la IVe Arm?e accueille dans ses rangs la 42e Rainbow Division, l'une des premi?res grandes unit?s Am?ricaines arriv?es en France, dont le chef d'?tat major est le G?n?ral Mac Arthur.
Les indices d'attaque se multiplient; par deux fois les premi?res lignes se replient sans que l'attaque ait lieu. Certains commencent ? douter de son imminence tant le front est calme. Gouraud doit dissiper les doutes et ranimer les courages. Il le fait si bien que lorsque l'attaque Allemande se d?clenche enfin, les soldats l'attendent avec une mentalit? de vainqueurs.
Le 15 juillet 1918 ? 4 heures 15 du matin, l'infanterie allemande sort de ses tranch?es. Alert?es par des prisonniers pris la veille, les troupes ont pris leurs dispositions de combat sur la position arri?re pr?vue. Les vagues d'assaut rencontrent d'abord l'?nergique r?sistance de groupe de combat isol?s, laiss?s sur place en enfants perdus. Le barrage roulant allemand n'en continue pas moins son avance et d?colle peu ? peu son infanterie. Celle-ci est oblig?e de descendre dans le d?dale des boyaux sous la violence des feux. Lorsqu'elle parvient au contact du gros des forces, l'attaque allemande est d?j? d?sunie est n'est plus pr?c?d?e par le masque protecteur de son barrage. Elle vient de briser contre le mur de nos troupes; les r?serves allemandes n'en continuent pas moins ? progresser et viennent buter contre les premi?res vagues. Le d?sordre s'installe chez l'ennemi.
Sur son observatoire du Blanc Mont (l? o? se trouve ? l'heure actuelle le monument Am?ricain) Guillaume II, l'empereur d'Allemagne, venu sp?cialement assister au d?ferlement victorieux du "friedensturm" (l'assaut de la paix), se morfond et s'impatiente. D?s 4 heures du soir, l'offensive allemande est d?finitivement bris?e avec de lourdes pertes. Le soir m?me Gouraud ?crit ? sa soeur : "Dans les regards des soldats j'ai senti vibrer l'?me de l'Arm?e".
Cette bataille est le tournant de la guerre. Trois jours plus tard, le 18 juillet, les arm?es alli?es prennent l'offensive et la conservent jusqu'? la victoire.
L'offensive du 26 septembre 1918
Le 26 septembre 1918, la IVe Arm?e prend ? son tour ? l'offensive g?n?rale. Le G?n?ral Gouraud dira par la suite avec quelle inqui?tude il lan?ait ses soldats, install?s depuis quatre ans dans la boue de Champagne, ? l'assaut des positions allemandes fortifi?es sur une profondeur de 17 km.
La bataille est tr?s dure jusqu'au 10 octobre. Les 2e et 36e divisions am?ricaines s'illustrent dans la conqu?te du blanc Mont : Les Allemands d?crochent pour se r?tablir sur l'Aisne, dont la vall?e est inond?e. Nous en for?ons les passages. L'armistice du 11 novembre 1918 arr?te la IVe Arm?e ? Sedan.
Celle-ci est alors d?sign?e pour s'installer dans la partie nord de l'Alsace lib?r?e; le g?n?ral Gouraud a l'honneur d'entrer ? Strasbourg le 22 novembre 1918 : la population fait un accueil d?lirant au premier g?n?ral fran?ais qu'elle voit depuis pr?s de cinquante ans.
Au milieu de la joie g?n?rale. Gouraud garde pour lui sa tristesse. Le jour m?me de son entr?e ? Strasbourg sa m?re s'?teint ? Meudon. Il avait avec elle une grande intimit?; c'est ? elle que, d'Afrique, il envoyait fid?lement de longues lettres. Il dispose sur son cercueil les fleurs de son triomphe.
En d?cembre 1918 le g?n?ral P?tain remet au g?n?ral Gouraud la Grand Croix de la l?gion d'Honneur sur la place Kl?ber, ? Strasbourg.
Gouraud reste en Alsace jusqu'en octobre 1919.
III - AU MOYEN ORIENT
Le g?n?ral Gouraud est alors envoy? par Monsieur Clemenceau, Pr?sident du Conseil, comme Haut Commissaire de la R?publique en Syrie et en Cilicie et Commandant en Chef de l'Arm?e du Levant.
En acceptant de la soci?t? des Nations le Mandat pour la Syrie, la France assumait une mission ?loign?e de sa politique traditionnelle de protection des Chr?tiens des Echelles du Levant. C'?tait en outre une mission difficile; conduire ? l'ind?pendance une population tr?s divis?e du point de vue ethnique et religieux, impatiente de secouer le joug de plusieurs si?cles de servitude. En outre cette r?gion ?tait l'enjeu de convoitises multiples que soulevait le d?mant?lement de l'Empire Ottoman.
Action militaire et politique
Le g?n?ral Gouraud d?barque ? Beyrouth le 21 novembre 1919; il y re?oit un accueil chaleureux. Mais la situation politique est confuse. En Turquie, Mustapha Kemal s'empare peu ? peu d'un pouvoir que le Sultan laisse ?chapper; un sursaut de patriotisme r?veille l'arm?e turque, que l'armistice de Moudros n'a pas d?sarm?e.
Face aux agressions venant de part et d'autres, une puissante action militaire s'imposerait; mais au d?but nos forces sont tr?s insuffisantes. Gouraud aborde ces probl?mes avec m?thode et d?termination.
Apr?s avoir longtemps cherch? ? s'entendre avec Fay?al, Gouraud le met hors de cause le 21 juillet 1920, au combat de Khan Meisseloun.
Il est possible d'amorcer l'organisation politique de la plus grande partie des territoires sous mandat fran?ais. L'Etat du bilan est cr?? le 1er septembre 1920. Quelques semaines plus tard, les Etats de Damas et d'Alep et le territoire des Alaouites sont cr?es ? leur tour.
Mais l'opposition ? la pr?sence fran?aise au levant reste violente; le 23 juin 1921 la voiture du Haut Commissaire tombe dans une embuscade sur la route de Damas ? Kenitra; le commandant Branet est tu? ? c?t? du chauffeur; le Gouverneur de Damas est bless? ? c?t? du G?n?ral dont la manche vide est travers?e par une balle; les agresseurs s'enfuient en Transjordanie.
Au nord, face ? la Turquie, une guerre meurtri?re se d?roule depuis le d?but de 1920 en Cilicie et sur les "confins militaires". Celle-ci est jalonn?e par les noms douloureux et glorieux de Marache, Ourfa, Ain Tab... A Beyrouth le Haut Commissaire met en oeuvre la politique d?cid?e ? Paris. En octobre 1921, par l'accord d'Angora, la Turquie s'engage ? respecter la fronti?re de la Syrie et r?cup?re la Cilicie dont le statut politique n'avait pas encore ?t? fix?.
Action administrative et culturelle
Le g?n?ral Gouraud n'avait pas attendu la solution des probl?mes militaires et politiques pour entreprendre la r?organisation du pays. Celle-ci progresse de fa?on continue pendant les trois ann?es de sa pr?sence au levant.
L'administration locale, guid?e initialement par des conseillers fran?ais, se met en place. Les services judiciaires sont r?form?s; une cour de cassation est cr??e; l'ordre des avocats est constitu?; le casier judiciaire est ?tabli; la douane est r?organis?e; le cadastre est cr??...
Les oeuvres d'instruction et d'assistance sont d?velopp?es; depuis le d?but de 1920 jusqu'? la fin 1921, le nombre des ?coles passe de 300 ? plus de 950; de nombreux dispensaires, orphelinats et ateliers sociaux sont cr??s. L'H?tel Dieu de Beyrouth est construit.
Un service arch?ologique est cr??; l'arm?e lui pr?te souvent son concours; les premi?res fouilles donnent des r?sultats int?ressants. Un institut d'Arch?ologie et d'Art Musulman est install? ? Damas, dans le palais Azem. Plus tard ? Paris , l'Acad?mie des inscriptions et belles lettres recevra le g?n?ral Gouraud parmi ses membres.
L'infrastructure du pays est remise en ?tat; de nombreuses routes sont refaites; d'autres sont ouvertes; 70 ponts et 200 aqueducs sont reconstruits; le port de Beyrouth est d?gag? de ses ?paves; celui de Tripoli re?oit un appontement; les travaux du port d'Alexandrette sont commenc?s. La vie ?conomique prend un nouvel essor ce qui permet l'organisation ? Beyrouth d'une foire exposition au printemps de 1921.
Mais la Syrie est loin de Paris o? le Gouvernement est confront? ? des probl?mes vitaux : La reconstruction du pays au lendemain de la guerre; les r?parations et les garanties ? obtenir de l'Allemagne. Outre-mer, le Maroc, plus proche et mieux connu, int?resse plus l'opinion fran?aise que la Syrie. Chaque ann?e le g?n?ral Gouraud doit se rendre ? Paris pour plaider la cause du Mandat; il le fait avec prestige; pendant la discussion du budget de 1922, assis au banc des Commissaires du Gouvernement, il est applaudi par les d?put?s. Mais l'ann?e suivante la politique d'aust?rit? s'accentue; le g?n?ral Gouraud estime alors que les moyens qui lui sont accord?s, les moyens militaires notamment, ne lui permettent pas de remplir sa mission en face d'une arm?e Turque qui se concentre sur la fronti?re de la Syrie. Il demande ? ?tre remis ? la disposition du ministre de la guerre.
Lorsqu'il rentre ? Paris en octobre 1922, Il peut ?tre fier de l'oeuvre accomplie pendant trois ans. Monsieur Poincar?, Pr?sident du conseil, salue en lui " le pacificateur et l'organisateur de la Syrie".
IV - PARIS
Le g?n?ral Gouraud est alors nomm? membre du conseil Sup?rieur de la guerre. Au cours de l'?t? 1923, les anciens combattants de la Rainbow Division l'invitent ? pr?sider conjointement avec le g?n?ral Pershing, leur congr?s qui a lieu le 15 juillet, jour anniversaire de la bataille victorieuse ? laquelle la Rainbow Division a pris part cinq ans plus t?t. Le g?n?ral Gouraud visite ? cette occasion une grande partie des Etats-Unis. Il apprend au cours de son voyage sa nomination au poste de gouvernement Militaire de Paris. Le pr?sident des Etats-Unis ?tant mort, il repr?sente ? ses obs?ques le Gouvernement de la R?publique en tant qu'Ambassadeur Extraordinaire.
Gouvernement militaire de Paris
Le 3 septembre 1923, le g?n?ral Gouraud prend possession du gouvernement militaire de Paris, poste qu'il conservera pendant quatorze ans.
Dans ces hautes fonctions, il reste p?n?tr? de la reconnaissance due aux simple soldats qui sont, avait-il ?crit un jour, "les principaux ouvriers de la victoire". Il n'est pas de la semaine o? il n'assiste en plus des c?r?monies officielles, ? un grand nombre de manifestations d'Anciens Combattants. Lorsqu'il rencontre dans la rue, parfois dans le m?tro un m?daill? militaire il va vers lui, lui serre la main et lui demande o? il a gagn? sa m?daille. Il propose au Ministre une sonnerie aux Morts analogue ? celles qui existent dans les arm?es am?ricaines et britanniques; celle-ci sera adopt?e. En 1922 ?tant encore en Syrie, il s'?tait pr?occup? de mat?rialiser la reconnaissance de la nation envers ses Combattants de Champagne. Il recueille les fonds n?cessaires pour faire ?lever le Monument de Navarin, dont il pose la premi?re pierre le 4 novembre 1923, avec Monsieur Myron T.Herrick, Ambassadeur des Etats-Unis et qu'il inaugure le 28 septembre de l'ann?e suivante. Par la suite il vient chaque ann?e en p?lerinage en Champagne. Les anciens parmi nous se souviennent encore de la belle c?r?monie nocturne du 15 juillet 1928, dixi?me anniversaire de la bataille. Pour assurer la p?rennit? de ces manifestations, il cr?e en 1928 l'Association du Souvenir aux Morts des Arm?es de Champagne et en 1933 la Fondation de Monument aux Morts des Arm?es de Champagne et Ossuaire de Navarin.
Le peuple de Paris lui t?moigne une v?ritable v?n?ration; il aime sa nature chevaleresque, la franchise et la simplicit? de son attitude, l'intransigeance de son patriotisme. Au cours des d?fil?s du 14 juillet et du 11 novembre, d?s que le G?n?ral Gouraud appara?t, mont? sur son cheval gris, malgr? les anciennes blessures qui le font cruellement souffrir, il est acclam? avec enthousiasme. Dans les moments difficiles o? s'affrontent les id?ologies diff?rentes, dans un Paris passionn? o? retentissent des manifestations contraires, son bon sens, son patriotisme, son loyalisme p?sent d'un grand poids pour le maintient de l'ordre.
Voyages
La notori?t? du g?n?ral Gouraud est telle que de nombreux pays souhaitent sa visite. Il n'est pas d'ann?e o? il ne fasse un ou plusieurs voyages ? l'?tranger.
En 1925, il repr?sente l'Arm?e fran?aise aux premi?res grandes manoeuvres de l'Arm?e polonaise. En 1929, il visite les Indes et retourne aux Etats-Unis. En 1930, il se rend en Turquie o? Mustapha Kemal, son ancien adversaire de 1920, lui r?serve le meilleur accueil. Puis il va encore une fois aux Etats-Unis repr?senter le Gouvernement fran?ais ? la convention de l'Am?rican Legion. Pendant l'hiver 1933-34, il parcourt l'Afrique Occidentale Fran?aise ? l'occasion de la c?l?bration du cinquantenaire de la conqu?te; il rentre en voiture ? travers le Sahara. L'ann?e suivante il assiste ? Dakar ? la cons?cration de la cath?drale que la France a d?di?e ? ses Morts. Au retour, il ouvre la route automobile du S?n?gal au Maroc par la Mauritanie et l'Adrar, revivant sur place sa campagne de 1909. Il passe une nuit au poste qu'il avait cr?? non loin de la Koudiat d'Idjil qui porta longtemps le nom de fort Gouraud.
Derni?res ann?es
Le 17 novembre 1937, ?g? de soixante-dix ans, le g?n?ral Gouraud quitte le Gouvernement militaire de Paris apr?s avoir re?u de la garnison de Paris et des Anciens Combattants les marques d'affection les plus touchantes. Il s'installe rue de Varenne, ? deux pas des invalides, dans un appartement qu'il transforme en mus?e par le grand nombre de troph?es et de souvenirs qu'il y rassemble. Il se consacre ? la r?daction de ses "M?moires d'un Africain".
L'invasion de la France en 1940 l'affecte profond?ment. Il quitte Paris pour Royat o? il vit jusqu'? la lib?ration dans la dignit? et la tristesse. Il doit lutter contre les atteintes de l'?ge et les s?quelles de ses blessures.
Il rentre ? Paris le 1er mai 1945. Il y meurt le 16 septembre 1946. Le Gouvernement lui rend un dernier hommage par des obs?ques solennelles. Le peuple de Paris d?file longuement devant son cercueil avec ce recueillement et cette ?motion qu'il sait manifester ? ceux qui ont conquis son estime par leur mani?re de servir la Patrie.
Conform?ment ? ses derni?res volont?s, le g?n?ral Gouraud est inhum? dans la crypte du Monument de Navarin "au milieu des soldats qu'il a tant aim?s".
D'apr?s une biographie de Henri Gouraud ?crite par son neveu, le G?n?ral Philippe Gouraud aimablement envoy? par le service historique de l'arm?e de terre.
soly