LES CHEMINS DE FER DU MAROC ONCF
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Le DPM (IP enregistrè)
Date: 10 octobre 2009 : 18:48
Bonjour
Je suis tombé par hasard sur votre site où j'ai vu que les chemins de fer à voie 0,60 semblaient poser beaucoup d'interrogations à certains d'entre vous.
Je suis l'auteur de plusieurs guides sur le Maroc (www.extrem-sud.com). Voici les textes qui sont passés dans le tome 4 du guide 4x4 Pistes du Maroc à travers l'histoire consacré à l'Oriental.
L’ancienne ligne de chemin de fer à voie étroite (0,60 m)
La stricte interprétation de l’accord franco-allemand de 1911, qui interdisait à la France la construction de toute voie ferrée commerciale avant la mise en adjudication et le commencement des travaux de l’ensemble de la ligne internationale de Tanger à Fès, traversant une zone d’insécurité qu’il appartenait à l’Espagne seule de pacifier, la guerre ensuite, retardèrent l’ouverture de ce réseau à voie normale, dont les grandes lignes avaient été cependant fixées en 1913. Pour assurer le transport des troupes et des marchandises destinées au corps d’occupation, la France fut donc conduite à établir activement, dès 1912, un chemin de fer provisoire à voie de 0,60 m, seul autorisé par les conventions diplomatiques. Comme il était question d’envisager la jonction des troupes du Maroc oriental avec celles du Maroc occidental et d’investir Taza, en quelques mois, se substitua, aux charrettes espagnoles (arabas) du train des équipages qui assuraient péniblement et lentement le ravitaillement des troupes d’opération et des civils, d’Oujda à Guercif, une voie ferrée étroite de 0,60 mètre, construite par le Génie militaire. Vers la fin de 1913, le train qui desservait Guercif en provenance d’Oujda mettait un jour et demi pour parcourir 160 kilomètres. Cette voie étroite, qui sera utilisée dans tout le Maroc, aux besoins de la pacification, fut rapidement prolongée, au printemps de 1914, jusqu’à Mçoun, nouvelle base d’opération vers Taza. L’année 1914 apporta des changements au Maroc oriental; le 10 mai ce fut la prise de Taza avec la jonction des deux Maroc. La voie étroite prolongée joignit Oujda à Taza. Exclusivement réservé, au début, aux besoins militaires, il put être mis à la disposition du public en 1915 (la guerre ayant libéré la France de l’hypothèque allemande) et jouer de ce fait un rôle important dans le développement économique des régions desservies. Mais ce réseau à voie étroite, dont les lignes ont dépassé un moment 1900 kilomètres de longueur, ne présenta plus ensuite qu’un intérêt historique. C’est au cours des années suivantes que débuta la construction des lignes à voie normale; le rôle de la voie de 0,60, au cours des opérations militaires de la guerre du Rif, ne fut pas diminué pour autant. De nombreuses troupes furent envoyées d’Algérie avec leur matériel; la ligne à voie étroite fut leur unique moyen de transport entre Oujda et Taza (230 km) et aussi, pour bon nombre d’entre elles, entre Taza et Fès (170 km). En 1920, la fin des hostilités avait amené un grand soulagement et la reprise des activités et des grands projets. On construisit par tronçons la route Oujda-Guercif; mais ce fut toujours la voie ferrée qui assura l’essentiel du trafic : outre le ravitaillement, la ligne desservait régulièrement les civils pour la colonisation et les militaires pour la réduction de la “tache de Taza”. Le petit “tacot” fut obligé de faire de gros efforts en effectuant d’une seule traite le trajet Oujda-Guercif, au lieu de passer la nuit à Taourirt. En effet, la ligne avait besoin rapidement de matériel, car après la fin de la pacification de la Moulouya, un embranchement de la voie de 0,60 avait été mis en chantier en direction de Midelt (290 kilomètres). Guercif, tête de ligne, avait un dépôt de machines, et il fallut construire une centaine de logements pour autant de familles des Chemins de fer militaires du Maroc. En 1921, le réseau comprenait une ligne continue de 1023 kilomètres joignant Oujda à Marrakech, avec une antenne de 131 km, remontant la Moulouya et une de 133 km, sur Oued Zem, susceptible de desservir les futures installations d’extraction des phosphates. Les opérations de 1926 entreprises pour la réduction de la tache de Taza utilisèrent à plein l’embranchement de la Haute Moulouya, prolongé jusqu’à Missour (à 180 km Sud de Guercif), et l’embranchement de Ahermoumou (42 km), l’un aboutissant au Sud-Est, l’autre au Nord de la région à investir. Enfin, sur le front occidental des opérations, contre les Beni Zeroual et les Beni Mestara dissidents, la voie de 0,60 offrit une aide inestimable. En 1932, la voie normale remplaça la voie étroite sur le tronçon Oujda-Guercif et en 1934, le rail à voie normale relia définitivement Marrakech à Tunis. En 1935, la voie de 0,60 reliant Guercif à Midelt fut supprimée comme toutes les voies étroites du Maroc.
Guercif
Le poste de Guercif, créé en 1912, est l’oeuvre du colonel Bavouzet, commandant le 1er Régiment Étranger, dépendant de la colonne Alix, arrivée des Confins algéro-marocains. Guercif eut beaucoup de mal à attirer les colons; les premiers installés ne tardèrent pas à constater que la pluviométrie y était insignifiante et les terrains argileux. Dès l’annonce des futures opérations sur Taza, les colons attendirent avec impatience d’aller mettre en valeur les bonnes terres de cette région encore inconnue, mais sur laquelle ils avaient de si bons renseignements.
La construction de la ligne de chemin de fer à voie étroite reliant Guercif à Oujda permit quand même un développement local, surtout avec la présence militaire. En 1914, c’est la jonction des deux Maroc avec l’installation de la France à Taza. Après la guerre, Guercif connaît encore une période de grande activité avec la réduction de la “tache de Taza” puis la guerre du Rif. A compter de 1932, commence la “décadence” : une partie du personnel d’administration quitte Guercif. En 1934, la jonction Fès-Oujda par chemin de fer à voie normale réduit l’importance des gares intermédiaires et supprime le trafic des cars de la C.T.M. En 1935, la voie de 0,60 de Midelt est supprimée comme toutes les voies étroites du Maroc; Guercif perd, d’un seul coup, une centaine de familles de cheminots. La même année la garnison est déplacée; le camp de la Redoute est seulement gardé par quatre mokhaznis. Le commerce local est si touché que bon nombre de commerçants quittent le pays...
Le chemin de fer des mines de Bou Arfa, voie de pénétration vers le Sud
En 1926, la Société des Mines de Bou Arfa, désireuse de commencer rapidement l’exploitation de ses gisements, songeait à se relier à la voie ferrée la plus proche, en l’espèce, la voie algérienne d’Oran à Colomb-Béchar. Le gouvernement marocain, soucieux de conserver sur son territoire les produits de ces mines, décida d’entreprendre la construction d’une voie ferrée qui serait considérée comme chemin de fer d’intérêt général jusqu’à Berguent et comme chemin de fer minier de Berguent à Bou Arfa. Le dahir de concession est du 12 avril 1927, la ligne envisagée est une voie de 0,60. Mais au cours des études, il est apparu qu’une voie étroite risquait de devenir rapidement insuffisante en raison des possibilités de trafic que l’on avait reconnues, et le 25 juin 1927, un nouveau dahir décidait la construction du chemin de fer avec voie de 1,05 m, c’est-à-dire avec le même écartement que les voies de l’Oranie voisine.
A cette époque, la question du Transsaharien fut posée en France, en Algérie et au Maroc avec une acuité particulière. Pour des esprits avertis, il apparut qu’un des meilleurs tracés possibles pour cette voie d’intérêt national passait précisément par Oujda et Bou Arfa. D’autre part, la découverte du gisement de charbon de Jerada donnait au Protectorat des espoirs nouveaux. Aussi, par dahir de décembre 1928, la transformation de la voie étroite en voie normale de 1,44 m fut décidée et la construction du chemin de fer poussée activement. Prenant naissance à Beni Oukil, à 16 km d’Oujda sur la ligne de Fès, la pose de la voie, commencée le 27 novembre 1929, arrivait à Berguent le 20 mai 1930 et à Bou Arfa le 2 février 1931. A l’origine, la voie était prévue pour aller jusqu’à Bou Denib.
Le manganèse de Bou Arfa ne fut cependant qu’à demi-désenclavé, puisqu’il ne pouvait encore toucher la mer qu’à... Oran. Cette infrastructure d’évacuation reflétait la dépendance de la région vis-à-vis de l’Algérie française. Outre la route Casablanca-Oujda-Algérie et la grande ligne ferroviaire Casablanca-Tunis, le réseau des voies de communication se réduisait donc à un système de pénétrantes économiques. Alors que de Guercif une route et une ligne ferrée militaire à voie étroite avaient été implantées en direction de Missour et Midelt, d’Oujda, point de convergence des voies, se détacha vers le Sud une voie ferrée vers Bou Arfa, prolongée par le “Méditerranée-Niger” jusqu’à Colomb-Béchar en1941, puis Kenadsa, en 1948, amorce d’un transsaharien initialement projeté, avec un embranchement sur Jérada à partir de 1953 pour le transport du charbon. Vers le Nord, depuis 1935, un tronçon reliait Oujda au port de Nemours (Ghazaouet) à 60 km, en territoire algérien, véritable exutoire régional. Par la route Figuig-Oujda parallèle à la voie ferrée Bou Arfa-Oujda, l’Oriental exportait ainsi vers l’Algérie et la France à la fois le charbon de Jerada, le plomb et le zinc de Boubker-Touissit, le manganèse de Bou Arfa, l’alfa (vers l’Angleterre pour la pâte à papier), le bétail et des produits et denrées diverses comme la laine, les peaux, les céréales, les dattes, etc. Après l’Indépendance, les problèmes politiques occasionnant de fréquentes fermetures de la frontière ont placé l’Oriental dans une situation d’enclavement l’obligeant à réorganiser ses flux d’échanges vers le Maroc “intérieur”. L’axe Algérie-Oujda-Figuig, autrefois vecteur de pénétration économique et d’exportation, devint une pure et simple voie marocaine de déplacement frontalier entre le Nord et le Sud.
Cette ligne a été remise depuis peu en service pour un train touristique qui circule plusieurs fois par an d’Oujda à Bou Arfa.
Tous ces renseignements sont faciles à trouver dans les différents centres d'archives en France :
- Archives de l'Armée au fort de Vincennes
- Archives d'Outre-Mer à Aix en Provence
- Archives des Protectorat à Nantes.
A noter que j'ai vendu aux archives de Nantes une collection de cartes postales anciennes dont certaines représentaient quelques trains (chargés de militaires) de ces lignes à voie de 0,60, de la construction des ponts et des gares en service à l'époque.
Avant d'avancer une réponse dont on n'est pas sûr, il vaut mieux consulter ces archives...
Le problème est qu'il faut se déplacer.
Merci de votre attention.
Bien cordialement.