500 ANS DE SOLITUDE
Assim que me levantei,
As minhas mâos lavei,
Com alma e com vida,
Ao Sehor louvarei,
Andaremos neste dia
Com grande atento
O Sehor nos livrara
Do fogo e do tormento
Amen, Sehor ao ceu va, ao ceu chegue.
Quand l’Inquisition arriva également au Portugal, les Juifs du pays durent se faire baptiser par contrainte s’ils ne voulaient pas finir sur le bûcher. Des milliers de ces prétendus néo-chrétiens ou Marranes s’enfuirent à l’avenir devant les sbires de l’église vers l’impraticable Portugal du Nord : car, même baptisés, ils pouvaient risquer leur vie. Là, en secret et dans une angoisse constante, ils restèrent attachés à leur ancienne religion – jusqu’à maintenant. Un voyage chez les derniers Marranes de Belmonte.
Benditos sejas, Tu, Adonai, nosso Deus, Rei do Universo… » Béni sois-tu, Adonai, notre Dieu, roi de l’univers. On dit qu’il n’y a que des Juifs qui habitent à Belmonte. Tout le nord du Portugal est la « terre des Juifs », est surnommé de temps immémorial terra de judeus et est discriminé dans le monde car, ici, vivent des gens d’aujourd’hui avec des âmes d’autrefois.
Lorsque l’on part de Lisbonne, des chemins fréquentés vers ceux non tracés, l’on passe d’un monde familier vers un monde étranger. L’ignorance y régna pendant 500 ans. Car Belmonte est située derrière les montagnes, au bout du monde, derrière le temps. Ici, où la croyance est plus fougueuse, plus pesante, la haine plus passionnée, vivent des hommes qui, élevés dans le Christianisme, s’étaient attachés a quelque chose qui, au cours des siècles, leur avait glissé des mains, mais non de leur souvenir. Malgré, ou justement à cause des trois siècles d’Inquisition qui anéantirent des familles entières, qui firent des courageux des lâches, des instruits des ignorants, qui repoussèrent le Portugal au Moyen-Age, lorsque le pays s’apprêtait à fonder un nouveau monde. Des milliers de Juifs baptisés par contrainte, que l’on appela les « néo-chrétiens » ou « Marranes », s’enfuirent autrefois des villes pour gagner les montagnes qui leur accordaient une protection contre la persécution. Ils mirent la clé sous la porte de leurs maisons de Lisbonne, vendirent leurs commerces à Coimbra ou quittèrent les cloîtres d’Evora. Ils se mirent en route vers le Nord, vers Tras-os-Montes, vers la Beira Baxia, leurs pieds sentant toujours l’odeur de feu des bûchers. Avec les années se sont effacés le souvenir de leurs maisons, de leurs commerces, leurs traces dans les cloîtres. De la vie juive, il ne resta qu’une pâle et indistincte certitude. Mais avec opiniâtreté, ils manifestèrent leur fidélité à leur foi dans le seul Dieu. Dans les siècles pendant lesquels ils vivèrent comme Chrétiens parmi les Chrétiens, la Tora s’érigea toujours derrière le Nouveau Testament. Même dans l’église, ils prient encore en silence aujourd’hui leur Dieu : « je n’entre pas dans cette Maison pour adorer le bois ou la pierre , mais pour vénérer Dieu qui nous régit et ses 73 noms ».
Ils ne furent que quelque-uns à quitter le pays, à aller à Amsterdam, Hambourg, Livourne, ou Londres, où ils retrouvèrent le Judaïsme ou continuèrent de vivre en tant que Chrétiens...
Nossa esperança
Nâo esta perdida
E antiga e singular :
Voltaremos a Terra Prometida
Para onde David
Nos quis levar.
Coraçao ardente
Palpita a alma breve,
Limpa e pura
Epara os lados do Oriente
Que olhamos com amargura
Une rue principale allongée, des maisons à un et deux étages, une place, un château-fort s’offrent à la vue de l’étranger entrant dans la ville. En face de lui, l’Eglise Saint Jacques. Impossible de ne pas remarquer les armes glorieuses sur les maisons blanchies et les manoirs recouverts de tuiles romaines. La ville est protégée par la statue d’un vert patiné du navigateur Pedro Alvares Cabral ; il porte une énorme croix dans la main sur laquelle est inscrit : Pays de la Croix du Salut. C’est sous la protection de cette croix que les habitants de la ville vont vaquer à leurs affaires quotidiennes. A l’écart de la rue principale, l’étranger se perd dans des ruelles larges comme un mouchoir de poche. Ici, des enfants jouent dans la boue, un cafetier s’adosse à sa tasca noircie ; des femmes habillées tout de noir, trapues et les bras toujours couverts, évitent le regard de l’étranger et disparaissent furtivement dans les maisons. Et, comme partout au Portugal, des hommes âgés se traînent dans l’oisiveté. Belmonte est une ville triste.
Je comprend alors qu’ici, la tristesse est quotidienne et que le quotidien est triste. Il fait froid maintenant, le vent hurle impitoyablement à travers cette ville aux pieds de la Serra da Estrela. Cela fait des jours qu’il pleut. « Hoje nasceu algum Judeu », explique l’un des vieux en ricanant. A chaque fois que le vent hurle, il naît un Juif, racontent les gens d’ici.
Que l’on pénètre dans cette ville sans guide et l’on est déjà perdu. Les maisons sont ouvertes mais le secret n’est pas dévoilé. On ne remarque pas les étrangers, on ne les évite même pas. Le silence est impitoyable, la marginalisation sans pitié. « Uma casa sim, una casa nao ». Ici vivent les uns, ici vivent les autres. Les autres – ce sont toujours les Juifs qui, pourtant, vont à l’église avec eux, ont été baptisés et sont enterrés au cimetière. Dans ce nord délaissé par Dieu, il y avait des églises ; c’est alors qu’une corde, uma corda divisa la communauté en deux moitiés et les fidèles en « vieux » et « néo-chrétiens ». Dans le nord du pays, les églises ont supprimé la corde, mais il existe toujours des milliers judeus da corda.
Les Marranes ne se marient-ils qu’entre eux ?
Demandai-je à Senhor Antonio, avec lequel j’ai rendez-vous. « Du vivant de mon père, sim Senhor, nous étions encore tous purs, todos eram puros dos quatro costados, les parents, les grands-parents, personne n’aurait osé épouser uma goia, une non juive. Personne. Dit-il. Il est membre de la nouvelle communauté juive de Belmonte qui professe son ancienne croyance. Puis nous nous mettons en route. Dans la Rua das Lajes, avait été érigée a esnoga, la synagogue, qui servit d’église aux catholiques, après le baptême contraint du 16ème siècle. Elle fut abattue il y a cent ans et aujourd’hui plus rien ne rappelle les chrétiens qui y prièrent et expulsèrent sur une pierre datant de l’année de 1297 est encore le témoin de la foi des expulsés : « Dieu est dans son temple sacré et tout le monde se tait devant lui ».
Ce vide crée une impression de désolation, même si les Juifs de Belmonte possèdent à nouveau depuis peu une toute petite esnoga . Les Marranes continuent d’aller à l’église. Pour défier les cordes invisibles.
En silence, nous entrons dans le cimetière. Leurs croix juxtaposée, les pierres tombales des défunts s’alignent de façon bien ordonnée. Nés dans la foi chrétienne, enterrés comme chrétiens : les Mouares, Diogos, Caetanos, Vaz et Sousas. Leurs parents les appelèrent Daniel, Moïses, Tobias ou Rafael, Judite, Amalia, Leonor, Elisa ou Ester. Pour ne citer que quelques noms. Ici tout le monde est parent avec tout le monde. Ici reposent des « néo-chrétiens », cristaos, novos, qui ne vécurent pas selon la loi juive – qu’ils avaient oubliée au cours du temps – et pas selon la doctrine catholique – qu’ils méprisaient. Ils reposent jusque dans l’éternité en face des « vieux » Chrétiens qui les traitaient, du temps de leur vivant et façon méprisable, de chiens, perros ou salmenteiros, de psalmistes eux-mêmes appelés par les « néo-chrétiens » gôlos, non juifs. Une croix surveille leur paix catholique et, quelquefois, une étoile de David, leur paix juive. Leurs pierres tombales sont sans ornement, comme s’ils ne voulaient pas que la mort leur rappelle leur vie. Uniquement un « saudade de… » ou la date de naissance ou de décès. Le silence est toujours une arme des survivants.
L’angoisse accompagne les Marranes depuis leur naissance jusqu’à leur mort, même de nos jours. Ils prient pour implorer la protection de Dieu, contre les dangers. Et lorsque leurs enfants demandent qui il sont, alors on leur répond par une ancienne prière : « Une Juive qui resta dans ce monde t’engendra. Elle t’enseigna ce qu’elle savait, mais ne put t’enseigner comme il est écrit ». Lorsque nous quittons le cimetière, je dépose sur une tombe une petite pierre que j’ai rapportée de la Terre Sainte. Saudade de…
Ces Marranes savent-ils quelque chose des Belmontais d’Amsterdam ou de Hambourg ? Connaissent-ils l’histoire du noble « néo-chrétien » Sampayo qui fut investi au 16ème siècle de la ville de Belmonte et dont ils descendent tous, les diplomates et les poètes d’Amsterdam, le député des citoyens de Hambourg Solomon Abendana Belmonte et les frères Belmonte qui décédèrent dans le camp de concentration de Hamboug-Fuhlsbüttel ? Ont-ils entendu parler de Dom Antonio le prieur de Crato, fils d’une Marrane, qui fut couronné roi du Portugal et perdit sa couronne au profit de Philippe II d’Espagne ? Leur a-t-on raconté le destin de leurs coreligionnaires dans le lointain Hambourg qui là, sous le nom de Hinrichsen (Henriques), Albers (Alvaro) ou Schönberg (Belmonte), devinrent des citoyens estimés, des banquiers couronnés de succès, des médecins, des armateurs des éditeurs, et fondèrent ensemble au 17ème siècle la Banque de Hambourg ? Lorsque plus tard, je demande aux vieux hommes dans la rue à quoi l’on reconnaît les Marranes, ils me répondent en riant, un peu embarrassés, mais tout de même aimables : nous les connaissons, ils ont la suprématie du commerce et, à Covilha, de la draperie. Ils sont les premiers sur les foires. Ils vendent de la cotonnade indienne, des étoffes et des frusques. Ils sont presque tous riches. Non, pas riches, mais ils ont plus que nous. Et puis, ils sont différents. Ils se tiennent à l’écart. Même s’ils vont à l’église : ce ne sont pas des catholiques. Ils ne viennent que pour le baptême, le mariage ou pour l’enterrement. Ils ne savent que très peu de notre région. Un pasteur Noster, un Ave Maria…
Combien donc de Marranes vivent alors à Belmonte et dans la Beira Baixa, demandai-je. Ils se taisent. « Nous n’avons pas de chiffres exacts », me dit-on également à la mairie. « Nous avons plus de 100 Juifs. Des Marranes ? Ils continuent de se faire passer pour des catholiques. Peut-être deux cents, peut-être trois cents. Ils sont marchands, commerçants, ils ne travaillent jamais dans l’agriculture. Ici, il n’y a pas de Juifs pauvres, bien au contraire ».
Ils travaillent dur parce qu’ils ont peur, me dira plus tard le nouveau rabbin Joseph Sebag. Parce qu’ils ont peur, ils ménagent leur argent. Puis il me lit un extrait d’une prière de nuit : « Si je suis bien couvert, je n’ai pas peur, et je ne crains pas les étrangers ». Ils sont étrangers et pourtant, ils vivent en coexistence, porte à porte, depuis des siècles. Mais déjà des croix gammées annoncent des temps nouveaux ; depuis quelques mois, circule le « procès-verbal des sages de Sion ». Belmonte est considérée comme la « Jérusalem de Beira Baixa » par les antisémites. C’est là que les Juifs de la terre se réunissent, disent-ils, « pour régner sur le monde ». Lorsque je m’apprête à parler avec ceux qui, soit-disant, gouvernent le monde, je ne tombe que sur ceux que le monde a oubliés et qui, au cours du temps, oublièrent les commandements. Ceux qui ne savent pas d’où vinrent leurs familles, qui ne connaissent pas leur ancien nom en hébreu. Dans las siècles qui suivirent le baptême, contraint, le caractère païen et chrétien s’allia avec le caractère juif. A l’âge de trois ou quatre ans, on leur apprend qu’ils sont juifs, bien avant d’être traités comme tels par les autres.
A l’âge de neuf ans, ils apprennent à observer les jours de jeûne. Surtout le Yom Kippour, qu’ils appellent la grande fête. Dans les petits villages et les villes du nord, de petites étoiles de David ornent également le dessus des entrées des maisons de ceux qui, ayant épousé des « vieux Chrétiens », ne font pas partie du monde des Marranes et qui, comme allant de soi, barricadent les portes de leurs magasins le jour de Yom Kippour. Ils abandonnèrent la circoncision traîtresse, mais ils continuèrent de tailler aujourd’hui les cimes de certains arbres dans le nord du pays car il est écrit qu’il faut tailler les arbres. Et comme ils ont oublié quand on célèbre la fête de Pessah, ils la fêtent avec les Pâques chrétiennes. Lorsqu’une personne est à l’article de la mort, les parents se rendent toutes les nuits dans la chambre de l’agonisant pour lui faire ses adieux. Puis, ils lui coupent les ongles des mains, et les cheveux, les enveloppent dans du papier, ajoutent un peu de pain et une monnaie d’argent et lui montrent. S’il finit par mourir, ils illuminent la chambre mortuaire avec une lumière éclatante, et ce pendant 9 jours.
« Non, le Juif ne meurt pas », m’explique plus tard José Vito, étudiant en ethnologie à Lisbonne. « Ils le tuent. Ils l’étranglent ». Il se passe des choses terribles dans les maisons des Marranes ! Des meurtres. Des meurtres rituels qui répètent ceux des « néo-chrétiens ». D’après ce que l’on raconte à Belmonte, la famille du défunt appelle l’abafador, l’égorgeur, qui étrangle le mourant avec un drap. Ce soir-là, je lis dans la petite pension une histoire de Michel Torga ayant pour personnage Alma-Grande, l’un des serviteurs de Moïse, un habitant du village Riba Dal, et qui est chargé, en tant qu’abafador, de mettre un terme aux souffrances de ce monde….
La nuit, chuchote-t-on à Belmonte, quand les Chrétiens dorment, les Marranes se réunissent dans leurs maisons, ferment les fenêtres, barricadent les portes. Des paroles incompréhensibles s’échappent alors de leurs demeures. Ils prient leur Dieu, qui n’est pas le nôtre. L’inquisition est passée à côté de notre ville, soit, mais rien n’a échappé aux yeux et aux oreilles des catholiques. On sait que les Marranes survécurent par dizaines de milliers, dans le pays derrière les montagnes . L’exercice de la religion devint le domaine des femmes. Comme elles ne quittaient pas la maison pour gagner leur vie, elles pouvaient garder le secret. Elles transmirent oralement les rituels, elles développèrent de longue prières, pour leurs enfants et les enfants de leurs enfants. Sans Tora, qui était défendue , sans bible qu’elles ne pouvaient de toute façon pas lire. Jusqu’à maintenant. Un rabbin d’Italie les vénéraient au dix-septième siècle comme « femmes pieuses du Portugal ». Jusqu’à il y a peu de temps, ces rezadeiras judaicas, prêtresses juives, croyaient que les Marranes avaient été les seuls à avoir échappé à l’Inquisition, elles étaient persuadées être les derniers Juifs de la terre. Une vieille femme, Dona Judite, le sait exactement. Moïse guida les Juifs hors d’Egypte à l’époque de l’Inquisition. Et Belmonte compte l’unique communauté juive dans le monde . les Marranes, oui, ils avaient tenu le coup. Ils avaient résisté.
« Ils se tiennent les coudes » m’explique le rabbin Sebag. Si l’un d’eux est en difficulté, la famille l’aide. Ils se marient presque exclusivement entre eux. Ils ne prennent pas part à la vie des autres, ne font pas partie du corps des pompiers volontaires, de la musique. A Pâques et les dimanches suivants, ils se rassemblent sur les rives des fleuves et sous les arbres. Sur la rive, ils battent l’eau avec un rameau d’olivier et rappellent ainsi la traversée de la Mer Rouge. Les « vieux Chrétiens » appellent ces assemblées Festa do Espinheiro, la fête du buisson épineux. Car Dieu apparut à Moïse sur le mont Sinaï (en hébreu, buisson épineux). Ils vont dans les champs, dansent autour du buisson épineux et le battent jusqu’à ce qu’il soit détruit.
Le vendredi, les femmes se rassemblent à la maison pour préparer le « cierge du Seigneur », un morceau de lin trempé dans de l’huile d’olive. Ce sont des mèches de sept fils qui ont été fabriquées par des personnes spécialement initiées. Ensuite, la mèche est posée dans un pot, comme aux temps de l’Inquisition, quand ils étaient alors obligés de cacher leur croyance juive devant les espions. Triste et la tête baissée, les femmes sont assises ensemble, penchées les unes au-dessus des autres, tels des chaumes oubliés. La rezadeira, celle qui prie, couvre son visage d’un drap de toile blanc. Puis, dirigeant son regard vers l’est, elle cache ses yeux dans ses paumes et récite tout haut une prière que les autres reprennent à voix basse. Ces femmes ne veulent pas redevenir juives, mais rester marranes. Le secret de leur histoire est devenu un rituel de leur religion.
Depuis quelques temps, il y a un rabbin à Belmonte. L’on a fait une collecte pour la construction d’une grande synagogue. Ce lieu actuel n’est plus assez grand pour offrir une place suffisante au nombre croissant de Marranes qui désirent être admis dans le Judaïsme.
Les Juifs de Belmonte ne sont donc plus aujourd’hui une nouveauté qu’il s’agit de tenir secrète. Les natifs du pays savent déjà ce qu’ils vont raconter aux étrangers venus à Belmonte pour « découvrir les Marranes ». Des bréviaires avec des lettres romaines et des mélodies que le rabbin marocain Joseph Sebag leur a apprises ont été spécialement imprimés pour les « nouveaux » Juifs. Le nouveau rouleau de Tora venu d’Allemagne fut porté 7 fois autour de la teva, la chaire, à la fin du sabbat et en présence de tous les jehedim revêtus de façon cérémonieuse, et accompagné de danses et chants – tout comme autrefois à Amsterdam ou Hambourg où les Marranes, au 17ème siècle, retrouvèrent le judaïsme.
Bendito tu Adonaï,
nosso Rei e Rei de
Todo o Mundo
Que escolheste em
Nos mais que en
todos
E nos deste a tua
Santa Lei.
Belmonte est une petite ville oubliée dans le nord-est du Portugal. A peine trois mille habitants, une rue principale, une église, un château-fort. L’on est bon catholique, comme partout dans le pays. Et l’on rencontre l’étranger avec méfiance. Depuis trois générations, des linguistes et des ethnologues, des cinéastes et des journalistes viennent dans la ville pour étudier la langue et la vie des Marranes. Les Marranes et les chrétiens en sont maintenant presque fiers, même si une corde invisible les sépare toujours les uns des autres.
L’article paru en 1993 dans le numéro 3/1993 de la revue Merian de Hambourg, est traduit de l’allemand par l’auteur.
Michaël Studenmund-Halévy, né à Hamadzija (Azerbaidzhan), en 1948, descend d’une famille italo-hongroise-allemande, émigrée en Russie en 1938 ; il est l’arrière-petit-fils de l’éminent philologue strasbourgeois Guillaume Studemund et du célèbre chef d’orchestre Joseph Goldschmidt, et petit-fils des musicologues Zsigmond et Rozsa Halévy.
Il étudia à Bucarest, Lisbonne, Lausanne , Pérouse, Fribourg et Hambourg la linguistique générale et comparée, la philologie moderne et la psychiatrie. Il travailla comme psycho-linguiste dans un hôpital à Hambourg. Ses travaux portent d’une part sur le comportement verbal des schizophrènes, et d’autre part sur l’espagnol balkanique. Sa recherche actuelle porte sur les processus d’acculturation des communautés marranes dans une perspective comparative. Il dirige à ce sujet un ouvrage, dont le premier volume vient de sortir : « Die Sefarden in Hambourg (Editions Helmut Buske/Felix Meiner, Hambourg 1994). Ecrivain, il dirige la revue juive MaZe et co-éditeur de la Collection Romanistik in Geschichte und Gegenwart.
Michaël Studemund-Halévy
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