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Musique andalouse, histoire juive, culture judéo-berbère, judéo-espagnol, littérature juive, Rabbins, cimetières juifs au Maroc, Patrimoine juif au Maroc 
Le Juif, le Musulman, ou des think-thank sur notre Terra Pax
Posté par: gerard (IP enregistrè)
Date: 02 mars 2016 : 00:06

Le Juif, le Musulman, ou des think-thank sur notre Terra Pax

Le Royaume du Maroc a été toujours considéré comme une Terra Pax notamment pour les juifs et les musulmans.



Par Chaïmae Bouazzaoui, journaliste marocaine et actrice du dialogue interreligieux, fondatrice d'AU95 pour le dialogue et la paix
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Cette alchimie de coexistence religieuse s’est-elle diluée avec la montée de l’extrémisme dans le monde et le départ massif des Marocains à l’étranger, ou au contraire, demeure-t-elle encore une réalité? Focus.

Le commandeur des croyants rassure. Lors du Congrès sur «Les droits des minorités religieuses en terre d'Islam» tenu le 25 janvier 2016 à Marrakech, le souverain a rappelé que le Maroc avait toujours été un pays précurseur en matière de dialogue interreligieux et que les musulmans marocains n'avaient surtout jamais traité les juifs comme une minorité. Dernière nouvelle : un centre de dialogue inter-religieux a été inauguré le 24 février. Désormais, la prestigieuse institution de recherche sur l’Islam, la Rabita Mohammedia des oulémas de Rabat sera le lieu de la «coopération d’adeptes de différentes religions» qui va au-delà d’une simple étude comparée des religions et confirme l’Islam du juste milieu.

Le dialogue du Roi avec le peuple

Dans le message Royal, il a été indiqué qu’au cours de son histoire, le Maroc a connu un modèle civilisationnel singulier de coexistence et d'interaction entre les musulmans et les adeptes d'autres religions, notamment les juifs et les chrétiens. Parmi les pans lumineux de l'histoire de cette concorde s'affirme la civilisation maroco-andalouse issue de cette convergence interreligieuse.

Le souverain rappelle que des échanges se sont d'autant plus intensifiés qu'un grand nombre de musulmans d'Andalousie se sont déplacés au Maroc dans des conditions difficiles, accompagnés de juifs venus rejoindre leurs coreligionnaires installés dans le pays bien avant l'avènement de l'islam.

Ce rôle du Royaume dans la promotion de la paix et de la coexistence a été confirmé par des acteurs religieux internationaux. «Le Maroc a toujours été un pays de tolérance et de cohabitation pacifique entre les communautés musulmanes et juives. Malgré tout ce qui s'est passé ailleurs, l'entente et la fraternité ont toujours été sincères», témoigne le grand Rabbin de Tunisie, Haim Bitan, prenant le Royaume et la Tunisie comme modèles pour la coexistence religieuse dans la région. Avant d’ajouter : «D'ailleurs je salue la Monarchie qui a toujours été à l'écoute de toutes les franges de la société, de tous bords et ce depuis le règne de feu Mohamed V, feu Hassan II et de l'actuel souverain Mohammed VI».

Les actions menées par les rois du Maroc sont multiples et font montre d’une volonté monarchique de continuer à œuvrer pour le bien des enfants de la patrie, toutes confessions confondues. Protection des Marocains de confession juive contre le régime de Vichy, révolution au niveau du code personnel, réhabilitation des cimetières juifs, projets de restauration de divers quartiers, décorations des trois symboles religieux (les plus récentes à Paris et à New York), réformes constitutionnelles. Ces initiatives reconnues à l’échelle internationale ne sont que des exemples parmi d’autres. C’est dans ce sens qu’en hommage à son action, en faveur de la coexistence religieuse notamment entre Juifs et Musulmans, que feu Mohammed V a reçu, le 20 décembre dernier, à titre posthume, le prix Liberté à la Synagogue B’nai Jeshurun, au cœur de New York. Or, en revenant sur la question du dialogue, des questions sur sa relation contraire se posent puisqu’à la relation de complémentaires succède une relation de contraires, ce qui lui confère une dimension critique.

Dialogue, identité, une question existentialiste

La coexistence implique le dialogue, la compréhension et le partage. Or, la signature d’un contrat social dit «Dialogue inter-religieux» sous-entend sémiotiquement une absence, à priori, de ce dialogue. Fut-ce le cas au Maghreb? En tout cas pas au Maroc, si difficiles que soient les circonstances. Le dialogue fut une réalité. Si certains des Benchekroun, Guessous, Daoudi ou Daoud sont nos juifs d’hier, c’est que ces musulmans d’aujourd’hui qui ont vécu avec les Abitbol, Abihsira et les Ohayon… ont parcouru un chemin croisé de trois dialogues. Un dialogue avec le compatriote musulman, un dialogue avec le juif en eux et un dialogue avec le compatriote juif. André Derhy, président de la Fédération des Associations Sépharades de France et secrétaire général de l'association de la Synagogue Rambam Paris 17e, répond qu’avec les musulmans, le problème ne se posait pas pour les juifs qui vivaient au Maroc. Leur statut étant bien défini, depuis l'arrivée de l'islam. Les choses ont au contraire bien évolué. D’abord, la population juive est passée, sous la domination musulmane et s’est vu attribuer le statut de «dhimmis», des protégés du sultan qui doivent en contrepartie reconnaitre la suprématie de l’Islam et payer des impôts de protection (Djizya). Ce statut fut révolu, par la suite, notamment avec le règne des alaouites. Les Marocains de confession juive bénéficient, aujourd’hui, de leurs pleins droits, au même titre que pour les Marocains de confession musulmane, car ils constituent une composante indissociable de l’identité marocaine. Evolution incontournable dans l’histoire de notre identité. La nouvelle constitution a apporté une réponse définitive aux questionnements identitaires. Dès son préambule, la constitution de 2011 montre la diversité qui compose notre identité, notre unité : «État musulman souverain, attaché à son unité nationale et à son intégrité territoriale, le Royaume du Maroc entend préserver, dans sa plénitude et sa diversité, son identité nationale une et indivisible. Son unité, forgée par la convergence de ses composantes arabo-islamique, amazighe et saharo-hassanie, s'est nourrie et enrichie de ses affluents africain, andalou, hébraïque et méditerranéen». Certains citoyens esquivant cette question hier se sont retrouvés aujourd’hui en face du miroir identitaire. Ne s’agit-il pas d’une double relation en miroir où chacun se voit soi-même et une partie indéniable de l’autre? Selon El Mehdi Boudra, président de l’association Mimouna, cette nouvelle disposition constitutionnelle l’a beaucoup aidée à œuvrer plus efficacement pour le dialogue interreligieux. «Nous avons constaté un gap entre l’ancienne génération qui se rappelle l’histoire de son pays avec beaucoup de nostalgie et la nouvelle génération emportée par les préjugés sur la base du conflit israélo-palestinien. Le Maroc occupe une place singulière dans cette région et la mise en valeur de notre identité composite s’est imposée au vu de cette mutation», a-t-il martelé. Ce dialogue inter-religieux ne sous-entend-il pas un dialogue inter-identitaire? Peut-être. Le dialogue avec soi, comme dans un monologue est philosophiquement possible.

Mais le fruit du dialogue est là. «Au Maroc, nous jouissons d’une liberté totale. Nous ne manquons de rien et tout va bien. Nous vivons cote à cote avec nos compatriotes de confession musulmane en paix et en harmonie», a résumé Marie Tordjman, secrétaire à la synagogue de Rabat qui nous a bien accueillis dans le lieu de culte.

Le dialogue existait depuis la nuit des temps au Maroc sous forme d’une communication interpersonnelle ou de groupe. Si la question du dialogue a été toujours vue dans le pays comme un devoir collectif de coexistence et de voisinage en particulier, à l’étranger, le dialogue était beaucoup plus une communication interpersonnelle canalisée dans l’esprit de refuge au temps irréversible et à la marocanité dans sa totalité. «En France, dans les premières années de l'installation des Marocains, les relations étaient d'ordre individuel ou d'ordre festif lorsque la communauté juive ou la communauté musulmane du pays organisaient des concerts de musique andalouse avec des orchestres et des chanteurs juifs et musulmans devant un public chaleureux», raconte Derhy.
Dans son article dans le Monde intitulé «Symbiose - quand Juifs et Musulmans chantaient ensemble , pendant des siècles, Juifs et Musulmans du Maroc ont dit les mêmes poèmes, chanté les mêmes chants», Taher Ben Jelloun met en valeur cette coexistence qui fait de la diversité marocaine une unité nationale.

Le corps là bas, le cœur ici bat

Beaucoup de Marocains ayant quitté le Maroc pour s’installer en France expriment aujourd’hui leur attachement permanent à la patrie avec beaucoup d’émotion. Tahiti, Anfa et Shfenj rappellent de beaux souvenirs et composent un temps irréversible pour plusieurs membres de la diaspora casablancaise. C’est en tout cas l’avis d’Eddie Suissa, ancien directeur du journal de Vincennes, sa ville actuelle. «Pour le côté sentimental, on ne quitte jamais ses racines, ce serait perdre son équilibre. Je n'ai quitté le Maroc que physiquement. J'ai suivi ce qui était la norme, après le baccalauréat, en poursuivant mes études à l'étranger. J’ai un grand amour pour mon pays», nous a affirmé Suissa.

Les écoles juives marocaines sont une source de préservation du patrimoine du judaïsme au Maroc mais dans le même temps, elles permettent par leurs programmes scolaires et la tradition de ses élèves la poursuite des études à l’étranger que ce soit pour les juifs ou pour les quelques musulmans qui fréquentent ces écoles.

Suissa revoit dans le rétroviseur de son histoire : «Je pense au fond de moi que j'aurais dû rester ou revenir après mes études et si j'étais resté, je me serais engagé en politique, ou j'aurais fait du cinéma ou la médecine... En France, j'ai eu besoin de vivre et de m'amuser, au Maroc j'aurais eu besoin de briller ou de servir. J'étais chez moi et cela a du sens d'être chez soi». Passionné par les médias, Suissa envisageait même de lancer un média sur le dialogue interreligieux avec une musulmane de sa terre d’origine, à laquelle il exprime un fort attachement.

C’est le cas pour d’autres membres de la diaspora, présente partout dans le monde. Pour Joshua Kohen, étudiant aux Etats-Unis qui porte haut le drapeau marocain, le Royaume constitue un modèle en Afrique et au Moyen orient, étant garant de stabilité et de sécurité.

D’un père marocain né à El Jadida, Joshua considère également les Etats Unis comme étant son pays et le patrimoine marocain comme une pièce de cet héritage multiculturel. «C’est un attachement fort, émotionnel et personnel, que j’ai avec le Maroc. Je m’engage d’ailleurs dans plusieurs activités de patriotisme dont la récente commémoration de l’anniversaire de la marche verte à Laayoune», a-t-il décrit avec émotion.

«Il y a une partie marocaine en moi avec laquelle je pars là où je vais. Et je peux retourner définitivement au Maroc si j’ai une opportunité meilleure qu’ici et si la situation sécuritaire reste stable, comme elle l’est aujourd’hui», souhaite-t-il, ajoutant que les Marocains sont des gens «pacifiques et harmonieux» en référence aux musulmans et aux juifs.

Une histoire conjuguée à un passé composé

C’est sur les traces de la cohabitation religieuse que l’histoire du Maroc fut dessinée. Un cheminement historiquement logique qui suit la parution successive des livres saints des trois religions. Au Royaume, cette composition fut particulièrement avec l’Islam et le Judaïsme dont l’histoire remonte à l’antiquité, à la suite de diverses vagues de réfugiés, notamment les megourachim (expulsés), venus d'Espagne et du Portugal ayant fui les persécutions wisigothes durant la Reconquista.

Selon l’historien spécialiste du judaïsme marocain, Mohammed Kenbib, il se peut que les premiers juifs soient arrivés au Maroc au Ve siècle av. J.-C., après la destruction du premier Temple de Jérusalem. Mais d’autres recherches montrent que cette présence historique remonte au IIe siècle av. J.-C., notamment à Volubilis de l'époque romaine sur les ruines desquelles nous trouvons encore des inscriptions hébraïques, un témoignage historique.

Plusieurs écrivains reviennent sur cette histoire de paix de deux millénaires dont Haim Zafrani, dans son ouvrage «Deux mille ans de vie juive au Maroc : histoire et culture, religion et magie» et Daniel Schroeter, auteur ou co-auteur de plusieurs ouvrages dont «La Découverte des Juifs berbères» In Relations Judéo-Musulmanes au Maroc : perceptions et réalités et «La Maison d’Illigh et l’histoire sociale du Tazerwalt» dans lequel l’auteur va à la découverte d’un vieux cimetière juif de plusieurs années d’histoire...


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Le Juif, le Musulman, ou des think-thank sur notre Terra Pax
Posté par: gilou (IP enregistrè)
Date: 02 mars 2016 : 01:13

Le mythe d'une coexistence pacifique doit être combattu,car les Juifs au Maroc ont souffert autant qu'ailleurs.Le fait que les Juifs en periode calme pouvaient pratiquer leur religion dans de nombreuses synagogues en respectant cachrout et Shabbat ne peut exonerer les musulmans de les avoir persecuté depuis l'invasion arabe de l'Afrique du Nord.

Ce qui caractérise la situation des Juifs au Maroc, c’est l’arbitraire. L’impunité est garantie par la Loi sur la dhimma. Un musulman ne peut pas être condamné pour le meurtre d’un dhimmi ; le prix du sang pour un dhimmi est bien inférieur à celui d’un musulman. La violence s’abat sur eux pour les motifs les plus futiles. La mort aussi pouvait s’abattre sur eux de manière incompréhensible. Tuer un dhimmi pour le voler n’était jamais puni. Les viols de jeunes femmes étaient la hantise des familles et ne manquaient pas de se produire lors des émeutes des tribus rebelles contre le gouvernement du Sultan. Sans compter le vol des jeunes enfants pour les convertir et les élever dans l’islam.Les dhimmis au Maroc sont l’archétype de l’opprimé et de l’exclu. La justice est un registre qui leur est inconnu. Tout cela est attesté dans des sources historiques juives et non-juives. Les lettres envoyées par les directeurs de l’Alliance Israélite Universelle sont déposées dans les archives de la Bibliothèque et peuvent être consultées. Elles émanent de témoins directs des événements qui ont secoué les communautés juives au Maroc depuis 1862 jusqu’en 1912. Le sac du mellah de Casablanca en 1907, celui de Fez en 1912 à la suite du Protectorat. Massacres, incendies, viols, vols, rapts, rien ne manque. La vulnérabilité des dhimmis juifs est telle que même Charles de Foucauld qui ne les aimait pas, a décrit leur condition à la fin du xixe siècle en des termes qui en donnent une idée bien précise : « Les Israélites qui, aux yeux des musulmans, ne sont pas des hommes… »

Au Maroc, les seuls Juifs qui aient pu accéder à des postes importants n’étaient pas à l’abri de la disgrâce du Sultan et encore moins à l’abri des vicissitudes dues aux périodes de succession . Financiers attachés à la personne du Sultan, parfois diplomates ou espions, mais surtout interprètes à cause de leur connaissance des langues étrangères, ils trouvaient là des fonctions utiles dans les sphères proches du pouvoir politique. Les délégations étrangères les utilisaient également comme interprètes auprès des fonctionnaires du Makhzen .

Le Maroc, pays d’Islam, applique les lois de dhimma avec la plus grande sévérité : la discrimination sociale est un fait politique constitutif de la condition des Juifs dans ces pays. Elle est un argument politique que viennent aggraver la cruauté et l’arbitraire systématique. Les Juifs n’avaient aucun droit politique. Ils avaient, en revanche, beaucoup de devoirs et de contraintes. La pauvreté comme l’humiliation sont leur lot parce qu’ils n’ont pas cru dans l’islam 
Paradoxalement, l’antijudaïsme n’y est pas le vrai problème ; les Juifs sont des dhimmis, c’est-à-dire qu’ils peuvent pratiquer leur religion même sur un ton discret et non agressif. Ils sont protégés par les clauses d’un pacte qui leur assure la vie sauve en échange de nombreuses contraintes sociales et fiscales. Tandis que la ségrégation sociale se révèle être une forme de domination et de conquête par d’autres moyens que les armes. La mort sociale et l’écrasement fiscal sont des armes d’une autre nature que l’épée mais ils sont très efficaces. M. de Chénier, consul de France au Maroc au xviiie siècle donne une estimation précise de l’impact de la discrimination sociale et des persécutions sur la démographie juive au Maroc après l’expulsion d’Espagne : au début du xvie siècle, il y avait trente mille familles juives au Maroc. Au xviiie siècle, il n’en restait plus que le douzième 
La dhimmitude consiste à instrumentaliser politiquement le dhimmi, l’exposer en permanence aux avanies alors que, d’un autre côté, on cherche à protéger une source sûre de revenus. Car les rentrées fiscales de l’État musulman sont assurées par l’impôt de protection du dhimmi, la djizya 
. Tuer un dhimmi ou le pousser à la conversion consiste à appauvrir l’État. Tuer un dhimmi pour le motif le plus futile consiste à enfreindre le pacte légal de « protection » due au dhimmi. Cela devrait signifier que l’on enfreint la loi de l’État puisque la loi de dhimma est inscrite dans la Charia.
Les émeutes au Maroc font d’abord des victimes chez les dhimmis avant d’en faire dans les autres couches sociales. Il est évidemment plus facile de s’en prendre au maillon social le plus faible qui, en dehors du fait qu’il ne peut pas se défendre, ne provoque ni procès en justice ni condamnation. Car la justice ne saurait jamais s’exprimer en leur faveur, c’est un registre qui leur est totalement inconnu. Aussi, ni les tribus rebelles ni les fonctionnaires, ni la « populace » ne s’en privent. C
D’une manière générale, leur condition était partout mauvaise avec des degrés de gravité plus ou moins différents selon le contexte politique, la conjoncture économique et la localisation géographique. Nulle part, elle n’était bonne ou acceptable. C’est pourquoi et, a posteriori, la question se pose de savoir s’il était possible de penser la haine antijuive et le pacte discriminatoire de dhimma tel qu’il a été appliqué au Maroc avant le Protectorat, selon les catégories de l’antisémitisme moderne ? La haine antijuive ne se limitant pas à la sphère religieuse.
Bernard Lazare pensait qu’il s’agissait d’un antijudaïsme de type médiéval comparable à celui qui sévissait encore en Europe centrale et orientale. Léon Poliakov précise qu’il est plus correct de parler d’anti-judaïsme dans les pays où la religion est une institution d’état
L’isolement social des dhimmis au Maroc était étanche. Les habitants musulmans et juifs y ont mené des vies parallèles. Ils ne se rencontraient pas véritablement. Puisque tous les attributs ou critères de la discrimination sont présents : exclusion sociale, condition infamante, humiliations et mépris, surimposition, délits et meurtres impunis et arbitraire permanent, vols, viols de jeunes femmes et de jeunes garçons, rapts d’enfants et de femmes, avanies de toutes sortes, il convient alors d’en parler selon les catégories de définition de l’antisémitisme Par conséquent, il est inutile de se cacher sous la catégorie du religieux et du fanatisme de certains zélateurs pour expliquer (sans justifier) qu’il ne s’agit pas de phénomènes antisémites. Tous les domaines de l’État sont impliqués dans cette exclusion institutionnalisée. Le nationalisme tribal et le mépris venant se surajouter à l’ensemble.
Cela permettra de clarifier le débat et d’éviter, peut-être, que l’on continue à opacifier le discours par des arguments religieux ou en évoquant une symbiose judéo-marocaine totalement illusoire, que les faits historiques démentent. D’où l’importance qu’il y a à définir et à comprendre pourquoi les Juifs du Maroc n’ont pas pu se pencher sur leur propre histoire, ignorant qu’ils avaient été pris, eux aussi, dans la tourmente de l’antisémitisme et n’arrivant pas à prendre de la distance pour réfléchir et témoigner.
Cette réflexion ne peut être menée qu’a posteriori, parce que les Juifs du Maroc n’ont pas pensé leur condition sociale dans ce pays en termes politiques. Quelques auteurs ont écrit, en hébreu, des chroniques racontant les événements les plus tragiques qui ont endeuillé les communautés. Mais ces documents n’ont pas été publiés jusqu’à une date récente. Les archives de l’Alliance israélite universelle à Paris contiennent des documents qui éclairent la vie de ces communautés depuis que cette organisation a ouvert la première école pour les Juifs à Tétouan en 1862. Cette organisation a développé un réseau scolaire important au

Les intéressés eux-mêmes se désintéressaient de la question : les conditions d’existence ont sans doute englouti leur disponibilité à comprendre l’ensemble des phénomènes religieux, politiques et sociaux à l’origine de leur condition. Peut-être étaient-ils comme pétrifiés par la substance même de leur mémoire au point qu’ils l’aient ignorée. Il a peut-être fallu enfouir tout cela pendant un certain temps avant de vouloir s’y frotter, s’y confronter. Sans doute l’image que cela leur renvoyait d’eux-mêmes était-elle suffisamment difficile, douloureuse pour qu’ils l’aient oblitérée. Sans doute aussi aurait-il fallu qu’ils aient acquis une conscience politique qui leur permette d’appréhender le phénomène avec pertinence. Toujours est-il que les Juifs du Maroc, en particulier, ne sont pas seuls responsables de cet état de choses.
L’absence de définition adéquate des phénomènes générés par le statut de dhimmi n’a pas contribué, semble-t-il, à élucider la question. Les auteurs qui ont étudié l’antisémitisme ont réservé cette terminologie aux États laïques alors que, manifestement, au Maroc comme dans les autre pays d’Islam, l’antijudaïsme et l’antisémitisme étaient enchevêtrés.
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Albert Memmi reproche aux historiens qui ont soutenu exclusivement la thèse de l’antijudaïsme pour qualifier les phénomènes liés à la dhimma, d’avoir contribué à entretenir le « mythe d’une entente judéo-arabe » comme argument politique. Selon lui, quatre complicités se sont conjuguées pour favoriser la propagation de ce mythe après l’indépendance du Maghreb.
En fait, l’histoire juive a été écrite par des juifs occidentaux, il n’y a pas eu de grand historien juif oriental. Et c’est la distinction absurde faite par Isaac (que par ailleurs je respecte beaucoup) entre “vrai” et “faux” antisémitisme, le “vrai” étant celui produit par le christianisme et l’autre étant appelé “antijudaïsme”. Non, ce n’est pas seulement le christianisme qui fait l’antisémitisme, mais le fait que le Juif soit minoritaire ; et malheureusement en faisant de l’antisémitisme une création chrétienne, Isaac a minimisé la tragédie des Juifs des pays arabes, et contribué à fausser les esprits.
Quatrième complicité, enfin : c’est la nôtre, c’est cette complicité plus ou moins inconsciente des Juifs orientaux déracinés qui ont tendance à embellir le passé, et qui, dans leur regret de l’Afrique du Nord, minimisent ou effacent complètement le souvenir des persécutions. »
Il faudrait encore interroger un phénomène étrange qui s’est produit après que le Maroc eut retrouvé sa souveraineté politique et son indépendance en 1956. Alors qu’ils venaient d’être reconnus comme des citoyens marocains, les Juifs ont quitté ce pays en masse. Près de 90 % d’entre eux ont émigré en Israël entre 1961 et 1974. Seule une minorité s’est installée au Canada et en France
Ils n’ont pas retenu les paroles de Mohamed V dans son discours du Trône du 18 novembre 1955 dans lequel il réaffirmait solennellement sa volonté de voir le Maroc nouveau « accéder à un régime de démocratie éliminant toute distinction raciale et s’inspirant de la déclaration Universelle des droits de l’Homme . Il est évident que les Marocains israélites ont les mêmes droits et les mêmes devoirs que les autres Marocains ».
Il est vrai que ces paroles d’accueil et d’espoir venaient après le traumatisme provoqué par les émeutes de Petit-Jean (aujourd’hui Sidi-Kacem) dans lequel cinq Juifs de Meknès venaient d’être sauvagement massacrés et brûlés par la population musulmane en état d’ébullition à la veille de l’anniversaire de la déposition de Mohamed V par le pouvoir colonialiste français. Après ce massacre, l’Alya vers Israël battit des records. En outre, Mohamed V mourut le 26 février 1961 et les départs reprirent jusqu’à ce qu’il n’y ait presque plus de juifs au Maroc.
De manière apparente, on pense que leur mémoire n’a pas retenu les événements liés à leur condition de dhimmis au Maroc puisque certains parmi eux, aujourd’hui, participent du mythe de la symbiose judéo-marocaine. Cependant, comment ne pas penser que leur mémoire n’ait pas conservé le souvenir de la terreur qui les étreignait pendant les interrègnes ? Comment ne pas penser à la peur panique des mères juives lorsque les filles tardaient à rentrer à la maison ? Et cela, même après l’indépendance. Comment ne pas penser au malaise qu’ils éprouvaient dès qu’ils devaient s’approcher des fonctionnaires du gouvernement, de tout ce qui relevait du politique ? Comment ne pas penser au sentiment d’insécurité permanent que les parents éprouvaient alors que les plus jeunes balayaient leurs craintes d’un geste inconscient ? Comment ne pas penser à l’arbitraire qui se manifestait encore, quoique de manière plus atténuée, après l’indépendance ? Alors, mémoire ignorée ? Peut-être. En tout cas, mémoire non ignorante et si bien avertie qu’ils ont préféré partir plutôt que de se retrouver seuls, face à face avec la population

Et il est tout à fait étonnant que le mythe de l’entente judéo-marocaine soit réfuté par le témoignage d’un Arabe marocain, Saïd Ghallab, paru dans Les Temps modernes 
« Nous avons grandi. Mes amis d’enfance sont demeurés antijuifs. Ils voilent leur antisémitisme virulent en soutenant que l’État d’Israël est la création de l’impérialisme occidental. […] Or il suffit d’ouvrir les yeux pour voir que les croix gammées tapissent les murs et de tendre l’oreille pour saisir combien est ancrée dans les cœurs la haine du Juif, même dans une classe paysanne très arriérée, qui ignore ce que signifie Israël, donc qu’il y a un ‘‘conflit politique’ judéo-arabe. Tout se passe au contraire comme si le Juif était cet ennemi héréditaire qu’il faut éliminer, une épine dans la plante des pieds qu’il faut arracher, un mal qu’il faut detruire.






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