Deces de Elie Azagury, doyen des architectes marocains
Posté par:
darlett (IP enregistrè)
Date: 20 mars 2009 : 00:42
Lu dans la presse
TELQUEL :
Au royaume des architectes
Il y a quelques semaines s’éteignait notre doyen, Ely Azagury, premier diplômé des architectes marocains de souche. Monsieur Azagury (de la région de Zagora) a consacré sa vie et sa longue carrière à tenter de rénover et de revisiter l’architecture marocaine traditionnelle pour la mettre au diapason avec son époque, tout en préservant l’essence même de cette architecture qui en fait l’une des plus authentiques au monde.
M. Azagury nous a quittés après une carrière pleine, qui lui a permis de côtoyer des architectes de renommée mondiale. Il était considéré au Maroc comme le père des architectes et tous avaient du respect pour son travail et son intelligence. En 1958, Ely Azagury a été à l’origine de la création de l’Ordre des architectes au Maroc, il a œuvré pour que l’architecte marocain, dont le métier était nouveau à l’époque, soit reconnu et jouisse de tous ses droits auprès des commanditaires et notamment l’administration. Beaucoup de nos architectes sont d’ailleurs ses disciples… Mais voilà, aujourd’hui, j’ai honte. A l’enterrement d’Ely Azagury, nous étions tout au plus une cinquantaine, essentiellement des proches, des amis, des architectes. Mais aucun, je dis bien aucun, des membres du Conseil national des architectes n’était présent à la cérémonie. Personne parmi ceux qui représentent la profession au niveau national n’a jugé utile de faire le déplacement. Je n’ose pas le croire et, aujourd’hui, ma colère a fait place à une certaine lucidité. Je relativise. Après tout, ce Conseil national ne représente presque que lui-même, son président ayant été élu avec 250 voix sur les 8500 que compte le royaume…
Aziz Lazrak, architecte, Casablanca (21 AU 27 FEVRIER 2009 N°361)
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LA GAZETTE DU MAROC :
Elie Azagury, une mémoire casablancaise
Elie Azagury fait partie du patrimoine humain marocain et mondial. Immense architecte, homme de grands engagements, il est l’une des figures emblématiques de l’architecture marocaine. Pour ce natif de Casablanca qui a sillonné le monde, l’architecture est une alchimie, une poésie du corps et de l’espace. Retour sur un homme exceptionnel.
Qui d’entre nous savait que Derb Jdid, l’actuel Hay Hassani, a vu le jour grâce aux dessins d’Elie Azagury ? D’ailleurs la mémoire de cet héritage a été oblitérée, puisque le legs de l’architecte a subi les plus folles transformations. Reste que malgré le temps, l’ensemble d’habitat économique réalisé par Azagury, défie le temps et se tient solide. Jusqu’à quand ? Là c’est une autre paire de manche qui relève de la compétence des autorités qui ont laissé faire, malgré les mises en garde de l’architecte lui-même, qui a attiré l’attention sur les risques à encourir.
Aujourd’hui, à 89 ans, Elie Azagury n’a rien perdu de sa fougue, de son sens de l’engagement, toutes ses idées de jeunesse, qui ont fait de lui l’un des visages les plus marquants de l’architecture marocaine depuis 60 ans. D’autres chantiers et des plus prestigieux, d’autres projets à venir. Cet homme vit d’architecture, se nourrit des espaces qu’il remodèle. Voyageur aguerri qui a visité presque tous les continents (voir la Bio-express), son style est unique et rappelle beaucoup celui d’un autre grand nom de l’architecture moderne qu’il a connu au Brésil, Oscar Niemeyer. La même approche grâce aux croquis qui sont à la base du concept architectural, mêmes courbes et lignes qui défient les règles les plus élémentaires de la physique comme un défi, face à la rigidité des règles.
Une constante pourtant dans ce long et riche parcours : l’habitat économique et le logement de masse. Azagury qui a participé à la reconstruction de la ville d’Agadir après le tremblement de terre, celui qui a lancé le développement des cotes du Nord, sait comment reloger dignement les populations. Très proches des valeurs sociales, visitant des pays comme la Hongrie, la Tchécoslovaquie et la Yougoslavie de l’après deuxième guerre mondiale, il a une idée bien précise de la reconstruction après le désastre. Aujourd’hui, la ville de Casablanca, où il a vu le jour et où il a laissé quelques traces de son œuvre, demeure l’exemple de la ville moderne pour lui. On peut encore visiter les différentes constructions qui portent sa signature, toutes ces lignes épurées, ce raisonnement de l’espace qui font de lui l’un des visionnaires de l’architecture mondiale.
Fouzia Ejjawi, 28 SEPTEMBRE 2007 - N°544