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Une communaute oubliee : Les Juifs du Cap Vert
Posté par: darlett (IP enregistrè)
Date: 06 mai 2009 : 03:56

UNE COMMUNAUTE OUBLIEE : LES JUIFS DU CAP VERT


[sefarad.org]

L’origine de la communauté juive du Cap Vert est très mal connue. On n’a trouvé aucune trace de présence humaine dans l’archipel avant sa découverte par Diego Afonso, en 1460. le peuplement fut lent, mais les îles devinrent petit à petit un lieu de transit pour les esclaves africains enlevés en Afrique de l’ouest et déportés vers les Amériques.

Luis Romano, dans son livre Ilha, nous parle de l’installation sur le site actuel de Sinagoga, dans l’île de Santo Antao, d’un groupe d’esclaves fugitifs qui en furent sans doute les premiers occupants. L’endroit était, semble-t-il, plus verdoyant que nos jours. Les fugitifs purent y trouver des moyens de subsistance mais aussi la possibilité de se réfugier et de se cacher rapidement dans la montagne toute proche en cas de danger. Malheureusement, l’auteur ne mentionne aucune date.

Plus tard et sans autre précision chronologique – ce pourrait être au début du XVIIIème siècle – un navire transportant des émigrants juifs, sans doute en partance pour le Brésil, se brisa, au cours d’une tempête, sur les récifs nombreux et redoutables en cet endroit. Luis Romano parle de la présence dans ce groupe d’un « prêtre », sans doute un rabbin. Dans l’impossibilité de poursuivre leur voyage , les naufragés s’installèrent, édifièrent une synagogue et se mêlèrent petit à petit à la population locale. Un tel métissage, qui eut lieu partout dans l’archipel, est d’ailleurs à l ‘origine du peuple capverdien. Il a débouché, au cours du temps, sur un puissant sentiment national et une spécificité culturelle très marquée.

La communauté juive de Santo Antao ne fut pas le seule du Cap Vert. Une deuxième communauté s’établit dans la grande île de Boa Vista. Son origine est encore moins précise que celle de la Communauté de Santo Antao. Il existe à Sal Rei, la seule localité importante de l’île, un petit cimetière où les inscriptions gravées sur les pierres tombales ne laissent aucun doute sur l’origine de ceux qui y reposent.

La communauté de Boa Vista paraît avoir émigré rapidement vers d’autres îles, essentiellement vers celle de Santiago où se trouve Praia, la capitale et vers l’île Sao Vincente où se trouve la deuxième ville du pays, Mindelo. Cette cité devint un port actif dès l’époque de la navigation à voile et son développement s’accéléra avec les débuts de la vapeur. Mindelo devint un important dépôt charbonnier sur les routes maritimes de l’Atlantique et diverses activités économiques bénéficièrent de cette situation.

Actuellement, Mindelo, malgré la présence de son port, a perdu de son importance mais la ville conserve une tradition culturelle plus marquée que celle de Prata, ville plus jeune. Mindelo est un lieu de rencontre pour les musiciens, les artistes et les poètes.

Je n’ai pas la prétention d’être un historien. Je suis plus modestement intéressé par l’Histoire en général et passionné par l’Histoire d’Israël et du peuple juif.

Je n’ai pas pu, jusqu’à ce jour, séjourner à Boa Vista. Je me suis limité à l’île de Santo Anato où je réside, et j’ai relevé les inscriptions presque toutes bilingues (hébreu et portugais) des pierres tombales des deux cimetières juifs de l’île, l’un situé à Ponta do Sol, l’autre à Ribeira Grande, en un lieu nommé Penha de França. Le petit cimetière de Ponta do sol est situé derrière le cimetière chrétien. Il abrite sept tombes. La dernière inhumation remonte à 1921.

Le cimetière de Ribeira Grande compte cinq tombes, essentiellement des membres de la famille Barros. Il est situé à environ quatre kilomètres du premier. Les tombes sont plus anciennes. Une des pierres tombales est brisée transversalement. Les dates de décès vont de 1870 à 1905. Sur une des tombes est gravée l’année 5659. les cinq tombes sont alignées sur une seule rangée, mais il n’y a pas (ou plus) de mur d’enceinte et les tombes sont enclavée au milieu d’un groupe d’habitations, dans le vieux quartier de Ribeira Grande. Les deux cimetières sont orientés dans la direction de Jérusalem.

Un professeur et journaliste de Mindelo à qui j’ai parlé de mon travail, m’a communiqué les divers patronymes juifs existant dans le pays. J’ai ensuite consulté l’indicateur des téléphones, édition 93-94. J’y ai retrouvé des Lévy, essentiellement à Praia, des Cohen, des Mendes, des Pinto, des Bringham et des Benoliel, tant à Praia qu’à Mindelo. J’ai retrouvé un Abrao Benoliel, toujours présent à Boa Vista et, à ma grande surprise, j’ai découvert qu’une très vieille dame, âgée de 91 ans, habitant comme moi à Paul et que je soigne en tant que médecin depuis deux ans et demi, était aussi juive et originaire de Boa Vista, où elle est d’ailleurs née. Le nom d’origine de la famille est Ben Ros, lusitané en Barros. La famille est originaire de Gibraltar mais n’en sait guère plus. Un des frères de cette dame a émigré il y a plus de 60 ans en Argentine et est revenu l’an passé, malgré son grand âge, revoir la famille à Paul.

Cette famille tire une légitime fierté de ses origines. Malheureusement, le petit nombre de Juifs capverdiens, leur isolement, l’absence de vie religieuse et communautaire, l’émigration importante à la fin du 19ème siècle et au début du 20ème siècle, ont bien réduit la communauté et les Juifs capverdiens, comme d’une façon générale les « blancs » du Cap Vert, tout en gardant le souvenir et al fierté de leur origine, ils se sont fondus dans la communauté capverdienne. Pourtant, dans une société qui ne connaît pas le racisme, où il n’y eut jamais de réaction, de rejet ou d’hostilité envers qui que ce soit, il est bon ton de se prévaloir d’une « judéité » qui apparaît comme une marque de distinction sociale, à tel point que certains se prétendent Juifs dès qu’ils se connaissent un ascendant, même lointain, qui le fut. C’est bien sûr difficilement vérifiable, sauf peut-être dans le cadre d’une recherche généalogique.

Je trouve bien émouvant de retrouver dans ces îles perdues, qui furent pourtant malgré leur isolement un des berceaux du républicanisme portugais dès 1885, la trace d’une communauté qui n’a ni oublié, ni renié ses origines et ses valeurs, et qui a survécu à l’isolement et à l’oubli.

Il semble que, à l’origine des Juifs capverdiens, il y ait eu avant tout des Juifs originaires du Portugal, des Juifs du Maroc (ou du Portugal via le Maroc) et j’ai parlé plus haut d’une famille originaire de Gibraltar.

Je n’ai pas pu retrouver sur le terrain, à Sinagoga, des traces de l’ancienne synagogue. Les villageois m’ont aimablement montré trois emplacements différents, laissant le choix à mon imagination. De toute manière, s’ils savent qu’il y eut autrefois une synagogue dans leur village, il n’est pas du tout certain qu’ils sachent ce qu’est une synagogue.

Si le site a pu autrefois favoriser un établissement humain par ses conditions climatiques favorables, le dessèchement et la désertification actuelle de ce lieu évoquent plutôt la Mer Morte, la chaleur mise à part. Il y a plus de 30 ans que les plies sont devenues de plus en plus rares, mais dévastatrices lorsqu’elle se mettent à tomber. Le niveau de vie de la population actuelle est bien bas et le village se dépeuple.

J’ajouterai qu’au temps où l’idéologie catholique faisait de la lèpre une maladie concentrationnaire, il y eut à Sinagoga un hôpital de lépreux fermé en 1960. Il en subsiste des ruines imposantes. De loin avec un peu d’imagination, l’on peut penser à quelques site antique.

Dans une optique très chrétienne, on peut penser que ce n’est pas par hasard que les lépreux ont été installés à côté du village juif. Les lépreux n’étaient-ils pas frappés d’un châtiment divin, envoyé par un dieu infiniment bon et miséricordieux ? La Sainte inquisition elle-même n’avait-elle pas, pour but unique, de sauver les hérétiques en écrasant impitoyablement tous ceux qui avaient osé enfreindre l’ordre catholique romain ? Je m’éloigne de mon sujet et m’arrêterai donc là. Le but de ce petit article était d’intéresser les lecteurs et peut-être de susciter chez un professionnel de l’Histoire le désir d’en savoir plus sur les Juifs du cap vert. Peut-être les archives du musée de la Diaspora ou d’autres grandes bibliothèques israéliennes ou étrangères, renferment-elles des renseignements plus complets, plus précis ?

En ce qui me concerne, j’ai tenté d’évoquer, d’imaginer, souvent avec émotion, ce qu’à pu être l’existence de ces Juifs oubliés, mais toujours présents dans ce petit pays accueillant, tolérant et digne où je vis et travaille depuis deux ans et demi, et que j’ai appris à connaître et à aimer.


Je tiens à remercier, pour leur amabilité et pour les précieux renseignements qu’ils ont bien voulu me communiquer, Monsieur Francisco Lopes da Silva, professeur au Lycée de Mindelo, et Monsieur Hildo Barros (Ben Ros) de Paul, ainsi que Monsieur Le Pasteur de l’Eglise Nazarienne de Ribeira Grande.





Jacques Massart est médecin. Il vit et exerce à Santo Antao (Cap Vert).

[74.52.200.226]






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