Les juifs marocains revendiquent leur mémoire
Par Khouloud KEBALI-SAJID
Qui est Khouloud KEBALI-SAJID ?
Khouloud Kebali-Sajid, 29 ans, Journaliste, est née le 24 juin 1982 à Casablanca. D’un père originaire d’un petit village proche de Fès « Qariat Ba Mhamed », une petite bourgade nichée entre Fès et Taounate et d’une mère « Regraguia », de la région de Chiadma (actuelle région arabophone de la province d’Essaouira).
« La présence des Juifs au Maroc est vieille de deux millénaires. Elle a largement contribué à l’enrichissement de la culture, de l’artisanat et de la gastronomie du Maroc. »
L’histoire enseignée dans les écoles est tronquée. Si l’on croit les manuels scolaires, le judaïsme n’aurait jamais existé au Maroc et que notre pays n’a été habité que par des musulmans !
Et pourtant, la présence des juifs au Maroc est vieille de deux millénaires. Des siècles d’une présence qui a largement contribué à l’enrichissement de la culture, de l’artisanat et de la gastronomie nationaux.
Dans le contexte actuel de développement des identités plurielles, il ne serait que bénéfique de remettre les pendules à l’heure et de montrer l’imbrication et la coexistence des traditions juive et musulmane au Maroc.
La coexistence entre ces deux communautés constitue l’un des ferments de l’identité marocaine. En nous arrêtant sur l’héritage juif, nous ne pouvons que mettre en relief notre propre histoire.
Comment expliquer aux générations actuelles que le judaïsme marocain a toujours fait partie intégrante de notre culture, qu’il a fait partie, tout au long de son histoire, de la vie quotidienne au Maroc ?
Cette problématique interpelle, depuis longtemps, les communautés juives du Maroc.
Un comité d’une quarantaine d’historiens et d’universitaires a été récemment mis en place par celles-ci afin de réfléchir aux moyens de tordre le cou à certaines idées reçues et de faire en sorte que tous les Marocains puissent comprendre que le Maroc d’aujourd’hui est le fruit d’un travail commun de plusieurs communautés très différentes les unes des autres.
Une visite au Musée du judaïsme marocain permet de s’en imprégner.
C’est dans une rue on ne peut plus anodine du quartier de l’Oasis que se trouve ce musée que ne marque qu’une porte modeste, peut être trop modeste pour un établissement d’une aussi grande importance.
Une discrétion qu’on peut justifier par la volonté d’une telle institution de « passer inaperçue » et de s’« intégrer à la masse ».
Simon Levy, directeur de cet établissement revendique cette « clarification ». Il explique : «Si la vision historique est différente de la réalité, sa portée devient nulle et sans importance». Il n’omet pas de rappeler que le Maroc : «n’a jamais été un pays musulman à cent pour cent et que ceux qui le prétendent connaissent mal leur propre histoire».
Sans vouloir entrer dans une quelconque polémique avec qui que ce soit, il considère que ce travail de mémoire est tout à fait normal. Pour lui, personne ne refuserait de voir l’histoire du Maroc dans sa réalité, ses vérités et ses détails: «Ce ne sera pas inutile que les historiens se penchent sur le passé. Qu’ils combattent les préjugés et les idées reçues accumulées au cours des siècles ».
A la question de savoir si pareille demande avait reçu l’écho mérité auprès des parties concernées. Simon Levy répond avec optimisme : «On parle beaucoup de cette réforme et nombre de journaux en ont traité, ce qui constitue un début prometteur».
L’histoire de notre pays est millénaire. Personne n’a le droit d’en soustraire ce qui fut un modèle de vie commune et de traditions partagées entre des hommes et des femmes de confessions différentes. Dans un passé pas si lointain, la communauté juive était suffisamment nombreuse pour rappeler qu’on pouvait naître marocain et juif.
Le départ massif vers l’étranger des membres de cette communauté dont l’importance dans l’histoire du Maroc dépasse de loin son poids démographique (dans les années 50, 3 % des Marocains étaient de confession juive) a laissé un vide qu’aucun travail de mémoire n’a encore comblé.
Certes, il y a des écrits et des lieux de mémoire qui en attestent, mais aucun enseignement officiel n’a mis en relief la symbiose particulière qui a toujours existé entre les différentes communautés qui composent le tissu social marocain. Peut-être parce l’idée selon laquelle l’identité marocaine est le fruit d’une histoire plurielle n’a jamais été suffisamment explicitée dans les programmes scolaires.
Aujourd’hui, 3 000 juifs environ vivent au Maroc, sur une terre où leur présence est attestée depuis l’Antiquité. Mais plusieurs centaines de milliers de juifs originaires du Royaume ont choisi de vivre sous d’autres cieux ; notamment en Israël, en France, en Espagne, en Grande-Bretagne, aux USA et en Amérique du Sud. Malgré cela ils demeurent attachés à leurs traditions culturelles ainsi qu’à la terre de leurs ancêtres.
Leurs pratiques culturelles liturgiques et cérémonielles quotidiennes ou particulières aux fêtes et au Shabbat proviennent aussi bien des traditions fastueuses arabo-andalouses que de pratiques et symboles berbères avec lesquels les premiers juifs, installés au Maroc bien avant l’Islam, se sont familiarisés.
Cette mixité est très manifeste dans l’orfèvrerie. Elle sous-tend aussi certaines cérémonies de mariage.
À Ifrane, appelée jadis Oufrane, une petite synagogue subsiste toujours même s’il n’y reste aucun Marocain de confession juive.
Cette synagogue existe grâce à l’entretien des habitants et à l’aide de la Fondation du patrimoine culturel judéo-marocain.
Cette fondation continue son combat contre l’oubli en restaurant les synagogues et autres lieux de mémoire du judaïsme marocain.
Une histoire plurielle
Le judaïsme marocain n’est ni une histoire rose, ni une histoire composée que de pages noires. La réalité est toujours plus complexe que les images d’Epinal. À l’image du Maroc, les communautés juives marocaines ont été plurielles. Leur coexistence dépendait étroitement des régions, des tribus et des espaces partagés. Et c’est justement cette pluralité qui s’est inscrite de manière indélébile dans l’histoire, la mémoire et l’identité marocaine.
Le legs patrimonial en témoigne : musique, costumes, bijoux. Tout ce qui constitue une culture populaire et qui vous renvoie votre propre image. Personne n’a donc le droit de « travestir » l’histoire. Ceci d’autant plus que notre pays est l’un des très rares pays au monde où la vie, le progrès et l’épanouissement ont toujours été conjugués au pluriel..
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Khouloud Kebali-Sajid
Diplômée en journalisme francophone, presse écrite et audiovisuel et d’un DEUG en littérature française…Une grande amoureuse de lecture, d’art, de voyages et une vraie passionnée d’Histoire.
A 12 ans, sa mère lui offre un dictionnaire des mythologies du monde… Et c’est en parcourant l’ouvrage, qu’elle découvre, entre autre, les Hespérides, Hercule et Atlas… Elle cherche alors les liens entre ces légendes et son « pays »… Et apprend que l’école n’est pas suffisante et que les manuels scolaires ne « racontent » pas tout….
Elle continue donc de chercher, à une époque où Internet n’existait pas encore pour les Marocains… Plonge dans les bibliothèques, les livres de familles… Et enfin, les « Interrogatoires » familiaux !
Même les amis de la famille n’échappent pas à cette période de « grandes questions », Hélène, la meilleure amie juive de la mère, qui a allaité et bercé Khouloud Bébé… donne quelques détails, des brides d’une existence qui remontent à des siècles… bien avant l’Islam et les Musulmans… Une dame au grand cœur chez qui Khouloud a puisé tout son amour de l’histoire et toute son ouverture sur les autres !
Elle découvre en même temps que même ses parents ne parlent pas souvent de leurs origines…
Et c’est en voulant apprendre beaucoup plus, qu’elle a été confrontée à énormément d’obstacles…
L’absence d’archives, de témoignages… et le plus important : De livres illustrant le passé !
Grand choc : Bien au-delà de « ses origines à elle », l’histoire de son pays est tout simplement méconnue d’un grand nombre de Marocains !
D’une expérience qui aurait pu durer le temps d’une adolescence, d’une quête d’identité, Khouloud s’est retrouvée dans une perpétuelle quête de vérité…
Qui est le Maroc ? Qui est le Marocain ? Qui a bien pu vivre sur ces terres avant les Arabes… Les Musulmans ? Pourquoi un tel déni de notre histoire ? Etait-ce « Voulu » ? Et c’est pour s’offrir TOUS les moyens de répondre à des questions qui désormais l’obsédaient, qu’elle a décidé, à 16 ans, qu’elle deviendrait journaliste !
Un choix qu’elle n’a jamais eu le temps de regretter : Chercher, investiguer… écrire des vérités qui se perdent, à cause d’une volonté, ou d’une autre… Ce sont les objectifs qu’elle s’est fixée alors qu’elle n’était qu’une gamine… Et qu’elle continue de pourchasser !
En 2005, Khouloud publie un article sur les « Juifs du Maroc », à une époque où des intellectuels marocains, juifs et musulmans réclamaient une reconnaissance, dans les manuels scolaires, de la présence juive au Maroc.
L’article est publié, dans un quotidien marocain, avec les témoignages de Simon Lévy, en tant qu’historien…
L’article est publié… Sous un autre nom, un nom fictif…
Une décision du directeur de publication… qu’il n’a jamais pu justifier devant la jeune journaliste, fraîchement diplômée !
Certaines parties de l’article ont été modifiées… Certaines supprimées (drapeau marocains…)
La situation est tellement inacceptable que Khouloud quitte ce grand quotidien… Et décide que si certains ne veulent pas parler Histoire du Maroc… d’autres le veulent…
Elle rejoint donc une équipe d’Amazones J Un magazine féminin où elle inclut quatre pages de reportages et interviews, magazine pour lequel elle réalise un reportage sur la présence juive au Maroc… en plus d’une longue interview de Robert Assaaraf, historien et écrivain, mécène et ancien administrateur de l’ONA.
Khouloud décide également de chercher les personnes qui, comme elle, se sont consacrées à cette quête de vérité… Et jusqu’à ce jour, les rencontres qu’elle fait ne cessent de la surprendre !
Dans un pays où la Culture est en léthargie, où certains préfèrent les émissions radios, les reportages, les émissions télévisées… et la plupart des programmes scolaires qui ne font qu’abrutir la masse… Elle milite pour une reconnaissance et une connaissance de son « Histoire »… Un débat qui prendra tout son temps, mais qui finira par s’installer dans chaque famille marocaine !
L’histoire riche du Maroc… Une histoire dont sont jaloux d’autres pays, ne mérite absolument pas d’être oubliée, ignorée… ou pire : TRAVESTIE !
Khouloud milite donc pour que demain : Les émissions télés, les radios, les livres, les manuels scolaires, admettent la présence juive et ce que nos ancêtres ont construit pour nous !
Elle s’arrêtera (peut-être) le jour, où elle assistera à l’inauguration d’un centre culturel intitulé (Kahena)… Ou d’un musée national, qui reprendra l’histoire du Maroc Juif… Du Maroc berbère… Du Maroc VRAI !
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