voici un autre document et un texte trouve sur rashi
Commentaire de Rashi sur le Deut?ronome
ms. h?breu, c. 1260
Biblioth?que nationale de France, d?partement des manuscrits
? clich? BNF
Mort il y a neuf cents ans, Rashi continue aujourd?hui ? ?tre le commentateur de r?f?rence dans l?ex?g?se juive de la Bible. Comment expliquer cette fortune singuli?re qui, d?s la g?n?ration de ses disciples, fait que ses ?uvres sont diffus?es, recopi?es, reconnues pour leurs qualit?s p?dagogiques, dans les communaut?s juives mais aussi, tr?s rapidement, chez les biblistes chr?tiens ? Rashi, c?est-?-dire R[abbi] Sh[elomoh] I[tzhaki], Salomon fils d?Isaac ? Rabbi Salomon ou Salomon de Troyes, comme le d?signeront les auteurs chr?tiens, apr?s des ?tudes dans la vall?e du Rhin, revient dans sa Champagne natale, y fonde une ?cole talmudique, c?l?bre dans tout l?Occident, et y passe le restant de ses jours, se consacrant surtout ? l?enseignement mais peut-?tre aussi ? la viticulture. Ses ?uvres sont issues de cet enseignement : commentaire de presque toute la Bible h?bra?que, commentaire du Talmud, r?ponses ? des consultations (teshuvot).
Le moment o? il vit explique en partie le succ?s de cette ?uvre. En -Occident chr?tien, les communaut?s juives, ?tablies depuis longtemps, n?ont pas encore connu d?essor intellectuel : si, d?s la seconde moiti? du XIe si?cle, les signes avant-coureurs d?un renouveau du savoir se font tr?s largement percevoir, tant chez les juifs que chez les chr?tiens, avec la multiplication pour les uns des yeshivot (?coles rabbiniques), pour les autres des ?coles cath?drales, si de plus en plus des ma?tres c?l?bres attirent ? eux des ?tudiants que n?effraient pas les distances ? c?est un peu plus tard, avec ce que l?on a appel?, peut-?tre avec quelque exag?ration, la ? Renaissance du XIIe si?cle ?, que se produira l??closion des savoirs, dans tous les domaines de la vie intellectuelle.
Rashi fait partie de ces ma?tres qui pr?parent et expliquent cette floraison. Il recueille l?h?ritage de ses pr?d?cesseurs juifs ? grammairiens et commen-tateurs de la Bible, dont les travaux ont ?t? recueillis dans de grands recueils anonymes, comme le Midrash Rabba sur le Pentateuque. Or, il se trouve que l?ex?g?se mise en ?uvre dans ces ouvrages (qui transmettent les plus anciennes traditions d?interpr?tation), fond?e sur les cat?gories du midrash, ?trang?res aux sch?mes mentaux des intellectuels d?Occident, n?est plus comprise. En pr?nant un retour aux textes bibliques, en exigeant une compr?hension r?elle de leur signification litt?rale (sans pour autant renoncer totalement aux apports du midrash), Rashi op?re une v?ritable r?volution. Son ?uvre f?conde ? son tour les travaux de ses disciples, que l?on regroupe sous l?appellation d? ? ?cole ex?g?tique de France du Nord ? ? puisqu?en effet c?est des pays de langue d?o?l que sont originaires les principaux d?entre eux.
L?ex?g?se chr?tienne se trouve elle aussi stimul?e par le renouveau de l?ex?g?se juive : ? une ?poque o? les ?changes entre juifs et chr?tiens sont particuli?rement intenses, les biblistes chr?tiens r?alisent l?importance de l?intelligence litt?rale des ?critures : les ma?tres de l??cole parisienne de Saint-Victor, Hugues et Andr? notamment, posent les fondements de ce renouvellement de l?ex?g?se chr?tienne et mettent ? profit l?apport des auteurs juifs ? qu?ils citent tout d?abord anonymement (Hebraei dicunt, ? Les H?breux disent ?) ; le r?le m?me de Rashi sera pleinement reconnu, au d?but du XIVe si?cle, par l?un des plus grands ex?g?tes du Moyen ?ge, le franciscain Nicolas de Lyre, dont chaque page de la Postille sur l?Ancien Testament cite Ra. Sa., o? l?on aura reconnu notre Rabbi Salomon.
De la sorte, Rashi est l?un des premiers grands auteurs fran?ais ? ant?rieur ? Chr?tien de Troyes, il est contemporain des premi?res Chansons de geste. Auteur fran?ais, non seulement parce qu?il a v?cu la plus grande partie de sa vie en France, mais surtout parce que son ?uvre fournit le premier grand corpus de termes fran?ais dans les domaines de la vie quotidienne et des techniques. En effet, selon une tradition qui s?est h?las perdue, la lecture liturgique de la Bible h?bra?que s?accompagnait d?une traduction en langue vernaculaire ; les tr?s nombreux mots fran?ais dont sont ?maill?s ses commentaires proviennent sans doute de cette traduction. Mais le vocabulaire fran?ais qu?il fournit est encore plus consid?rable, si l?on ajoute les gloses fran?aises des commentaires talmudiques. Auteur fran?ais aussi par ses qualit?s majeures ? celles qu?on louera chez les ?crivains du Grand Si?cle : absence de verbosit?, pr?cision, clart?.
Gilbert Dahan
directeur de recherche au CNRS
directeur d??tudes ? l??cole pratique des hautes ?tudes (section des sciences religieuses).
