PESSAH AU MAROC
Posté par:
darlett (IP enregistrè)
Date: 18 avril 2005 : 10:22
LA PESSAH, UNE FETE JUIVE TOUJOURS CELEBREE AVEC FERVEUR AU MAROC
LE DON DE SOI
Au-dela de la liberation physique du peuple juif, la Pessah commemore son emancipation spirituelle. Les dix commandements que le prophete Moise a reçu sur le mont Sinai visaient a elargir le peuple juif, à l'epoque assujeti a de nombreuses croyances. La Pessah est une fete chargee de symbolique qui celebre l'amour de son prochain et la purification de l'ame.
VOICI UN TEXTE ECRIT PAR UN JOURNALISTE MAROCAIN : Kamal BenBrahim (Maroc-Hebdo.press)
Casablanca. Boulevard du 11 janvier. Un immeuble a l'architecture ancienne et a l'aspect modeste. Des escaliers sombres. Un calme presque mortuaire. Aux deuxieme et troisieme etages vivent encore deux familles juives marocaines : les Bitton et les Ouanounou.
Quatorze heures. La table a ete debarrassee depuis un moment. Les assiettes rangees. Une main minutieuse a arrange le mobilier modeste, mais parfaitement propre. Les membres de la famille se reunissent au salon, attend avec un melange de curiosite et d'apprehension ce journaliste qui manifeste de l'interet pour la celebration de la Pessah, la Paque juive.
Chez les Ouanounou, l'accueil est franchement chaleureux. Sitot les presentations faites dans le hall frais de l'appartement, chacun regagne sa place au salon. Max Ouanounou, un quinquagenaire bien portant, tapissier de son etat et son fils David, la trentaine branchee, etudiant en sociologie politique, font face a Luna Ouanounou, une maitresse de maison tout sourire. Edna, la petite derniere, la quinzaine, s'assoit par terre a cote de son frere.
Amour de son prochain
Sourires, mots de bienvenue en francais et en arabe et le silence s'installe. Les questions attendues, presque redoutees, ne viennent pas. Chacun essaye de mettre l'autre a l'aise.
Albert Bitton, le voisin, vient a la rescousse pour expliquer que la Pessah commemore, au dela de la liberation physique du peuple juif, son emancipation spirituelle. Les dix commandements que le prophete Moise a recus sur le mont Sinai, explique-t-il, visaient a elargir le peuple juif, a l'epoque assujetti a de nombreuses croyances.
Max Ouanounou, mis en train, prend le ton des veillees familiales pour raconter comment les Juifs avaient fui le joug de pharaon et s'etaient retires au Sahara. La, affirme-t-il, ils etaient heureux. Mais Dieu a voulu qu'ils se dispersent sur la terre pour transmettre son message d'amour. Il observe un moment de silence puis se redresse pour clamer "quelle que soit la religion, presque tous les humains croient en Dieu. Tous ont ete crees a l'image du Createur. Ce qui leur manque, c'est l'amour". Toute une philosophie.
Depuis ces temps recules, la celebration de la Pessah est une occasion de rappeler aux Juifs leur devoir d'amour a l'egard d'autrui et de chanter la fraternite entre les peuples de la terre, poursuit le chef de famille.
Dans le salon, les membres de la famille sont attentifs. Quelqu'un a eteint le poste de television. Ils boivent litteralement les paroles du pere, jetant de temps a autre un regard au journaliste craignant de deceler des traces d'incredulite.
Encourage par l'attitude de son auditoire, Max Ouanounou continue sur sa lancee. Aujourd'hui, la celebration de la Pessah ne se fait plus avec autant de convivialite que par le passe. Pourquoi ne se cherche-t-on plus? On dirait qu'on a peur de quelque chose, alors que le but meme de cette fete est l'amour de son prochain !»
Il a son explication et la debite avec une triste conviction. "les traditions sont toujours la. C'est plutot la qualite humaine qui se perd"». Il se tait un instant et ajoute d'une voix à peine audible "Partout dans le monde».
David Ouanounou, qui jusque-la se taisait, tirant pensivement sur sa cigarette, observe qu'il faut placer les choses dans leur contexte. La communaute juive marocaine a ete videe, constate-t-il. Il n'y a plus d'intellectuels et souvent les jeunes perpetuent la tradition sans savoir pourquoi, sans comprendre la signification des fetes celebrees. Ils le font simplement parce que leurs parents le faisaient.
Pour l'etudiant en sociologie politique, cette situation favorise certains derapages et porte le risque que de telles celebrations soient utilisees à des fins autres que celles pour lesquelles elles ont ete creees. Le message est à peine perceptible. David l'appuie un peu constatant : "chacun tire la couverture sur lui"».
Nostalgie et rituel
La modernite aidant, les contacts se sont quelque peu relaches. Edna sort l'album-photos de la famille. Au fil des annees, le nombre de convives s'est considerablement reduit. Sur l'une des photos recentes, seuls quelques invites sont attables aux cotes des Ouanounou.
La mere de famille, qui s'affairait, servant the et fruits secs, confie les larmes aux yeux que la celebration de Pessah est souvent douloureuse. En cette periode de fete, elle ressent toujours le besoin de revoir ses enfants partis poursuivre leurs etudes à l'étranger. "Et puis, dit-elle, dans l'immeuble, il n'y a plus que Mme Bitton pour partager nos joies et peines».
Pourtant, les femmes sont au centre des rituels de la Pessah. Leur tache commence un mois avant la semaine des festivitas. Il s'agit de laver la maison de fond en comble a grande eau, de recurer les ustensiles de cuisine, de traquer le moindre grain de poussiere. Une tache de titan, qui porte cependant une profonde symbolique. En fait, explique Albert Bitton, a travers la maison, ce sont les curs et les esprits qu'on entend purifier.
Autrefois, les Juives marocaines confectionnaient le Rekkak, les galettes rituelles devant etre consommees pendant les fetes. Aujourd'hui ce n'est plus le cas. La communaute juive s'est tellement reduite que les familles restantes preferent importer des galettes de France.
"Savez-vous pourquoi ces galettes ne contiennent pas de levure ?» demande le pere qui revient a la charge. C'est encore une question de symbolique. La levure leve la pate, c'est un symbole d'orgueil, explique-t-il. Or la Pessah est une occasion de lutter contre toute forme de vanite.
Symbole d'orgueil
Il en est convaincu "Tout redeviendrait comme avant, si chacun pouvait sacrifier cette partie animale qu'il a en lui : l'orgueil» .
Pour Mme Ouanounou, il reste encore a preparer la Mimouna, la fete qui cloture la Pessah. Samedi soir, elle recevra les amis de la famille pour chanter, danser et diner ensemble. Le lendemain, tout sera termine.
La Mimouna est une fete typique des Juifs maghrebins. Ce nom est derive d'un mot hebreu qui veut dire "croyance"». Il a ete change en Mimouna, qui existe en langue arabe, car autrefois juifs et arabes musulmans celebraient ensemble ces fetes dans la joie, le respect mutuel et la dignite, dit Max Ouanounou.
D'ailleurs, ajoute-t-il fierement, les Juifs marocains sont tellement attaches à leur nationalité que cette fete est devenue un jour ferie en Israel.
La derniere nuit de la Pessah, la Mimouna doit procurer l'espoir et la force psychologique pour persister a croire dans une vie d'entente et de paix.
C'est egalement l'occasion d'un travail pedagogique en profondeur. Le soir de la fete sont versees cinq coupes de vin pour chacun. Les quatre premières qui symbolisent "l'intelligent", "le rebelle"», "le simple" et "celui qui brille par son absence" sont bues, la communaute desirant integrer ses sujets ayant de telles caracteristiques. La cinquieme coupe n'est pas bue.
C'est celle de l'enfant que l'on attend et qui apportera la paix et l'amour.
