Brillante reaction de Stephane Juffa de
"Menapress" suite au scandaleux documentaire "Un oeil sur la planete" denonce par ailleurs par le CRIF et Philippe Karsenty. Pour voir l'emission en question (finalement, c'est de la pub que nous faisons a ce torchon!),
cliquez ICI
Juifs de France : la dernière fracture (1ère partie)
Par Stéphane Juffa
Premiere partie
France2 : miroir de la normalisation de l’antisémitisme radical
Les sites Internet et les media communautaires israélites français, de même que les institutions juives, ont massivement et clairement réagi à la diffusion, cette semaine, d’une émission de la série "Un œil sur la planète", consacrée au différend israélo-palestinien.
Ils ont décrit, de manière suffisamment précise et objective, en général, les carences de ce documentaire, pour ne pas que nous ayons à y revenir en détail.
Il est vrai que le reportage de cette semaine a dépassé, dans la médiocrité journalistique, le bidouillage intentionnel de la vérité, et la promotion de la haine antijuive, tout ce qui avait été proposé jusque-là par une chaîne du service public.
Quoique… la Ména avait dénoncé la mise en scène, par des "confrères" tricolores, d’un assassinat "en direct" par Tsahal de jeunes Palestiniens, "parce qu’ils donnaient des coups de pied dans la barrière de sécurité". Cette mise en scène avait été réalisée dans la même émission d’ "Un œil sur la planète".
Cela s’était passé en février 2004, Ilan Tsadik avait alors consacré l’article Les émules d’Enderlin à un doigt de l’accusation de crime rituel à cette mystification. Patrick Boitet était déjà le rédacteur en chef de cette émission ; il avait commis l’imposture de 2004 en compagnie du reporter Thierry Thuillier. Une malversation criminelle, qui n’était, intrinsèquement, pas moins grave que celle d’Enderlin à Nétzarim, en 2000. Mais la conjoncture, ainsi qu’une espèce de reconnaissance des faits de la part de Thuillier, avaient fait qu’on en parla un peu moins.
Depuis, Thuillier est devenu directeur de l’information de France Télévisions, en remplacement d’Arlette Chabot, licenciée. Cette promotion participe à expliquer l’orientation choisie par les préposés au service public français dans leur couverture du Proche-Orient. Un choix politique, s’entend. Alors, que ceux qui l’ont coopté fassent l’économie de nous bassiner les oreilles avec leur prétendue lutte contre l’antisémitisme, car avec des nominations de ce genre, on n’aspire pas à le combattre mais de le propager !
La faute de Thierry Thuillier aurait, en considération de tous les critères éthiques en vigueur, dû lui valoir son congédiement séance tenante. Celle de Boitet, qu’on déprogramme son émission et qu’on l’éloigne du service public.
Cela n’a pas été fait ; on les a, au contraire, promus et encouragés dans leur dénigrement des Hébreux par tous les moyens possibles, y compris le mensonge et la mise en scène. C’est cela qui a conduit à la réalisation d’une émission comme "Un Etat palestinien est-il encore possible ?", diffusée lundi dernier.
Pour cerner l’étendue de la licence que ces ersatz de journalistes se sont appropriée dans la chasse aux Juifs : en 2004, ils s’étaient "émus" de ce qu’aucun media israélien n’avait parlé de l’assassinat par leur armée des shooteurs de grillage. Ils avaient attribué à la presse des Hébreux un désintéressement condamnable pour le sort des Palestiniens. Ils avaient donc accusé la presse israélienne de n’avoir pas couvert un événement qu’ils avaient inventé de toutes pièces, qui ne s’était pas produit dans la réalité, ailleurs que sur les écrans des téléspectateurs français.
L’émission de cette semaine fut, bien évidemment, de la même veine, à la différence qu’elle ne se focalisait plus sur un seul incident stigmatisant l’attitude "asphyxiante" des Juifs, mais sur une situation globale, entre eux et les Arabes.
A ce titre, la dernière livraison d’ "Un œil sur la planète", doit interpeler les gens qui réfléchissent ; en cela qu’elle indique le franchissement d’une étape supplémentaire dans la détestation officielle d’Israël – Fr2 est un media public -, et qu’il ne suffit pas de décrire le contenu fallacieux de ce qui a été montré, ni de pousser des cris légitimes de révolte – on ne perd son pucelage qu’une seule fois ! -, pour prendre la mesure de la nouvelle situation prévalant dans l’Hexagone à l’encontre des Juifs et d’Israël.
D’abord, de poser que le contenu du reportage de cette semaine est objectivement faux. Erroné, à 90%, d’un point de vue factuel et historique. Ce à quoi il faut ajouter la recherche d’effets à charge contre les Juifs, par le choix des sujets, des images et des personnages, en plus des traductions infidèles des langues étrangères en français, et de l’exercice consistant à remplacer, dans la bouche des personnes interviewées, des mots qu’ils disent, par ceux que les réalisateurs de l’émission avaient envie de faire entendre.
Bref, au niveau de l’objectivité fondamentale, de l’information brute communiquée dans cette émission, quant au fond et dans la forme, il s’agit purement et simplement d’un exercice d’intoxication ; d’une tentative d’influencer le téléspectateur afin qu’il développe (ou entretienne) de l’empathie à l’égard des Arabes et de l’hostilité à l’encontre des Juifs.
Au surplus, comme souvent dans ces cas de désinformation préméditée, la qualité des journalistes est également en cause. La volonté d’influencer la sensibilité du public ne va visiblement pas de pair avec un travail d’investigation de qualité.
Pour exemple de ce qui précède, ce commentaire de la voix off dans le reportage, au sujet des habitants juifs de la ville d’Hébron : "Forts de cet attachement biblique, des colons se sont installés à Hébron dès 1968"…
C’est faux, grossièrement mensonger ! Hébron est l’une des quatre villes saintes du judaïsme ; on y trouve le caveau de Makhpela, le lieu de sépulture présumé d’Abraham, de Sarah, d’Isaac, de Rébecca, de Jacob, de Léa, et même d’Adam et Eve.
Contrairement à ce qui est indiqué dans l’émission, une présence juive continue à Hébron a été maintenue pendant des millénaires, ce, quel qu’ait été le régime qui régnait sur la ville. Cette continuité est à ce point exceptionnelle, que les historiens la considèrent comme un évènement en tous points extraordinaire.
La présence des Juifs dans la ville des Patriarches n’a été que brièvement interrompue, par une action violente, en 1929. Cette année-là , 67 Juifs d’Hébron furent assassinés par des émeutiers et des policiers arabes.
Les survivants furent transférés, dans l’urgence, à Jérusalem par camions. Tous leurs biens et propriétés furent pillés par les habitants arabes.
Mais "Un œil sur la Planète" n’avait pas pour vocation de décrire la complexité de la double légitimité des Juifs et des Arabes sur Hébron. Lors, Etienne Lennhardt et ses camarades n’ont pas hésité une seule seconde à dénaturer la réalité pour la représenter aux yeux du téléspectateur sous la forme d’une dichotomie simpliste. Ils lui font croire que des Juifs extrémistes – les fameux "colons" - sont arrivés de nulle part, sous la protection des baillonnettes, en 1968, pour s’emparer des biens et des terres arabes. Et tant pis pour les millénaires de la légitimité indiscutable des Israélites à Hébron. Nous sommes en plein déni.
Médiocres, les fabricants de légendes fielleuses d’ "Un œil sur la Planète" ? Certes, quand dans le même souffle ils affirment, péremptoires, qu’aujourd’hui, 35 000 Palestiniens vivraient à Hébron !
En vérité, la casbah d’Hébron compte 200 000 habitants arabes palestiniens, la ville avec ses banlieues 400 000, et la grande région d’Hébron 700 000. Cette dernière démonstration ne visant qu’à prouver que ces pseudo-confrères n’ont pas la moindre idée de la réalité dans laquelle ils évoluent, et qu’ils étaient censés rapporter à l’intention des téléspectateurs.
Le trait de la stigmatisation des Juifs, le long du documentaire, est parfois si gras, qu’il pourrait prêter à sourire, si le genre n’était pas à ce point préoccupant ; à l’instar de ce vieux bédouin, montrant les étendues de sable vierge dans le désert de Judée, et s’exclamant : "C’est un désert par manque d’eau !".
Ouah ! Comme le Sahara ! On aborde ici le précipice du crime originel "commis" par les Juifs : ils sont à l’origine de la sécheresse mondiale, de l’existence des déserts, même s’il est clair, qu’avec de l’eau, beaucoup d’eau, et si les Juifs n’existaient pas, grâce aux Arabes palestiniens, tous les déserts de la planète seraient rapidement transformés en terrains de golf.
Cette forme de racisme hyper-primaire est plus que ridicule.
Sous le titre trompeur "Les 1000 visages de Gaza", les "confrères" s’essaient à propager leur décision : Gaza n’est pas un califat islamique, c’est un territoire encerclé et affamé par Israël, en dépit des quatorze kilomètres de frontière avec l’Egypte, auxquels ils n’attribuent aucune fonction dans ce pseudo blocus, se contentant d’exprimer que l’Egypte impose à son tour le siège aux Gazaouis à la demande des monstrueux Israéliens.
Depuis quand les gouvernements égyptiens obéissent-ils aux ordres de Jérusalem ? Où donc proposera-t-on cette ineptie crasse hors du cadre d’ "Un œil sur la Planète" ?
Et puis, "presque tous les Gazaouis aspirent à la paix" : c’est en tout cas le choix du message des réalisateurs de ce film de propagande, quand ils filment cette seule jeune fille, intrépide et tremblante, en chemise boutonnée et sans niqab, dans le coin d’un café de Gaza-city.
La voix off lui demande quel est son vœu pour le futur ? La jeune femme répond en anglais : mon vœux "is a peaceful place to live in". Ce qui signifie : mon désir est d’aller vivre dans un endroit où l’on vit en paix, donc de partir de Gaza. Or cette déclaration est traduite par "mon vœux, ce serait de pouvoir vivre en paix".
Evacuée, la peaceful place ! Introduit, en lieu et place, le vœu pieux des journalistes français : "presque tout le monde à Gaza aspire à vivre en paix".
Mais comment espérer vivre en paix lorsque l’on balance, spontanément, sans la moindre provocation, et souvent, sans engendrer de représailles, 10 000 roquettes sur les villages de ses paisibles voisins ?
La question n’a même pas effleuré les réalisateurs du documentaire, elle est sans doute hors-propos. Comme sont hors-propos les dispositions conservatoires prises, postérieurement à ces attaques, par les Israéliens, afin qu’elles deviennent plus difficiles à réaliser. Des dispositions qui sont considérées par les gens de France 2 comme autant d’actes agressifs et barbares.
On trouve également des formules orphelines parsemant le commentaire du documentaire. Comme celle-ci : "Aux Palestiniens (…) on rationne l’eau, beaucoup se découragent. Ils étaient 300 000 en 1967, ils ne sont plus que 80 000 aujourd’hui !".
80 000 ? Qui ? Où ? Ces chiffres ne se rapportent à rien du tout, pas même d’un point de vue philologique ; ils émergent d’un chapeau de magicien afin de "démontrer" que les éternels "colons" juifs s’emploient, jour et nuit, à trouver des astuces pour chasser les Arabes de leurs terres et s’en emparer.
En réalité, la population de Cisjordanie et de Gaza a plus que doublé depuis 1967. Mais le commando de désinformation de Patrick Boitet n’a visiblement rien à faire des chiffres réels et vérifiables. La vérité, ce sont eux qui la fabriquent !
L’ossature idéologique de l’émission de lundi dernier reste à reposer principalement sur un seul concept : le mot "colon". Il apparaît toutes les quelques phrases et à toutes les sauces. L’Israélien est un colon, le Juif est un colon, l’agresseur est un colon, le tourmenteur des braves Arabes palestiniens est un colon. Le colon, c’est le mal absolu, le monstre.
Ce documentaire constitue le paroxysme, à ce jour, du processus néo-existentialiste que j’avais identifié et décrié déjà en 2004, dans ma série d’articles intitulée "Une explication" [1].
On évolue ici dans le domaine de l’hyper-caricature ; une transposition simplificatrice du différend israélo-arabe, exécutée à l’intention du consommateur français. Pour "qu’il pense bien".
Le colon juif israélien, c’est la transposition récente du colon français en Algérie. Celui stigmatisé par Sartre et Fanon, le porteur de tous les maux, celui qui fait suer le burnous. Tandis que le Palestinien devient, forcément, dans la même dialectique, la victime de la France coloniale, le paysan algérien torturé à la gégène, exploité, massacré par centaines de milliers.
Peu importe que les habitants des implantations juives ne remplissent aucun des critères définissant, en science politique, les paramètres de la colonisation. Les media français ont décidé qu’il s’agissait de colons, de même que les instances officielles de l’Hexagone, ce seront donc des colons.
Et si ce sont des colons, cela confère aux Palestiniens, en suivant la doctrine existentialiste, le droit, à priori, d’utiliser la force la plus violente et extrême afin d’assassiner lesdits colons et la puissance colonisatrice qui les mande. Ils sont absous, globalement, génériquement, quoi qu’ils fassent. Avant même d’avoir commis leurs crimes.
Avant même d’avoir lancé une roquette de 25 kilos d’explosifs dans la salle à manger d’une famille débonnaire, d’avoir égorgé et décapité des nouveau-nés, d’avoir kidnappé des innocents, de les torturer, de les assassiner.
Au contraire, provisionne Fanon, plus la réaction contre le colon est radicale et extrême, et plus le processus de libération de l’opprimé est efficace. Il n’y a pas de dialogue israélo-arabe qui tienne. La reconquête de sa dignité, ne peut passer, pour l’opprimé, que par l’usage de la violence la plus sauvage possible. C’est dans Fanon.
C’est la doctrine que les journalistes français, dans leur quasi-totalité, emploient - par l’accolement indu du terme "colon" aux Israéliens -, afin de les délégitimer, et de donner raison, quoiqu’ils fassent, à ceux qui les agressent.
C’est pour cela, notamment, que l’association de mots "terroriste palestinien" n’apparaît pas dans les dépêches de l’AFP et, par conséquent, dans les media bleu blanc rouge : un opprimé ne saurait être un terroriste. L’assassinat systématique de civils, par des opprimés armés, ne constitue pas des assassinats collectifs de civils - terroristes par essence et définition -, mais des tentatives absolument légitimes de la part de victimes de la colonisation de recouvrer leur liberté.
C’est, du moins, la grille de lecture schattnerienne qui s’impose, lorsque l’on a pris le parti, comme l’écrasante majorité des journalistes et responsables politiques français, de transposer la doctrine existentialiste de Fanon et Sartre, au conflit proche-oriental. C’est idiot. Cela n’a ni queue ni tête. Cela participe d’un acte d’antisémitisme génocidaire, coulé dans une application usurpée d’une théorie, qui fut conçue et écrite pour des conflits d’un autre temps, d’autres lieux, et pour d’autres belligérants.
Même si, dans les autres langues, les commentateurs ne disent ni ne pensent "colons" !
Même si aucun des intervenants arabes du film n’emploie le mot colon ! Pour la raison qu’il leur est inconnu, qu’il ne participe pas de leur phraséologie, mais du combat, à disposition pathologique, des journalistes français.
[
www.menapress.org]