Lectures d’étè, lectures de guerre ou lectures de fuite avec "Baumgartner" de Paul Auster
[
gerardrouah.wordpress.com]
1er juin 2024
C’est l’été ici, c’est la guerre encore içi , et il n’y a pas moyen de fuir, reste la lecture.
J’ai lu le dernier livre de Paul Auster “Baumgartner”, drôle de titre, drôle de nom, sur la vieillesse, sur ce que je surnomme personnellement l’âge de rouille, puis, en refermant le livre j’ai recherché sur le web un détail biographique sur Paul Auster, et là, j’apprends qu’il vient de décéder, un choc et du coup la valeur et l’intérêt que je donnais au roman monte d’un cran.
Savoir que c’est le dernier roman d’un grand et bon ecrivain - chose rare de nos temps- c’est poignant.
C’est plus une autobiographie où se melangent des faits réels et aussi un peu de fiction, Paul Auster malade a du écrire ce roman par périodes entre les souffrances du cancer qui le rongeait et des période moins pénibles.
Baumgartner est le nom de famille paternel et Paul adoptera plutôt le nom de famille maternelle, à savoir Auster. Arrivé à 70 ans il sent les petits mais grands changements de la vie.
“Baumgartner incline la tête en hommage au pays perdu de la jeunesse”
“Profitons-en tant que nous le pouvons, Molly. On ne sait jamais ce qui va se passer après.”
“Il a soixante-dix ans, après tout, et il n’est plus temps de tergiverser car le temps compte désormais, et il n’a pas la moindre idée de combien il lui en reste. Pas seulement combien d’années avant de passer l’arme à gauche, mais plus précisément, combien d’années de vie active et productive avant que son esprit ou son corps ou les deux ne commencent à le lâcher et qu’il ne se change en idiot incompétent, perclus de douleurs, incapable de lire ou de penser, de se rappeler ce qu’on lui a dit quatre secondes plus tôt ou de rassembler assez d’énergie pour bander, chose horrible qu’il ne souhaite pas envisager.
Cinq ans ? Dix ans ? Quinze ans ? Les jours et les mois filent devant lui de plus en plus vite à présent, et le temps qui lui reste passera de toute façon en un clin d’œil”
“Rien à faire, se dit-il, rien du tout. La perte de la mémoire à court terme est un aspect inévitable du vieillissement, et si ce n’est pas oublier de remonter sa braguette, c’est fouiller la maison de fond en comble en quête de ses lunettes de lecture alors qu’on les tient à la main, ou descendre pour accomplir deux menues tâches, récupérer un livre dans le salon et se verser un verre de jus de fruit dans la cuisine, et regagner l’étage avec le livre mais sans le jus de fruit, ou avec le jus mais sans le livre, ou ni l’un ni l’autre parce qu’une troisième chose vous a distrait au rez-de-chaussée et vous remontez les mains vides, ayant même oublié pourquoi vous êtes descendu.”
“Vivre, c’est éprouver de la douleur, se
dit-il, et vivre dans la peur de la douleur, c’est refuser de vivre.”
Une bonne partie du roman est consacrée à ses souvenirs sur sa femme Anna têtue comme une mule et décédée noyée. Mais nous entrons dans la fiction car sa femme réelle
Siri Hustvedt elle, est aujourd’hui certes veuve, mais en chair et en os
Siri Hustvedt et Paul Auster
“C’était Anna, une personne qui faisait ce qu’elle voulait quand elle voulait et n’acceptait pas qu’on lui dise non, une personne impulsive et pleine de vie, et une nageuse hors pair.”
“Il aurait été inutile d’insister. Ce n’était pas le genre de personne que l’on peut manipuler ni à qui on peut donner des ordres. C’était une adulte, pas une enfant, sa décision d’adulte était de retourner dans l’eau, et je ne risquais pas de l’en
empêcher. Je n’en avais pas le droit”
Dans le roman le hasard le mettra en contact avec une jeune ecrivaine qui lui rappelle son épouse defunte, et là, Baumgartner se remet à revivre, à imaginer, à fantasmer.
“La douce et aimable Beatrix Coen se révèle être une personne qu’on ne peut pas manipuler, et gare à celui qui oserait mettre enquestion son autorité pour tout ce qui la concerne autre au fil des ans il s’était trouvé pris dans ce genre de conflit avec Anna, qui parfois émettait soudain une plainte au sujet d’une situation ayant complètement échappé à son attention, puis passait à l’attaque, lui rentrant dedans de plein fouet jusqu’à ce qu’enfin il cède et lui accorde qu’elle avait raison. Peu importait qu’elle ait tort ou raison, puisqu’elle avait toujours raison même quand elle avait tort, et Baumgartner avait vite appris que la capitulation était la seule défense raisonnable, car une fois qu’il s’était rendu, la dispute prenait fin et était oubliée en quelques secondes”
A mon avis les affres de la maladie ont empêché Paul Auster de terminer le roman qui se termine en queue de poisson , en attendant “la douce et aimable Beatrix Coen”, Baumgartner fait un accident de voiture , il marche pour trouver du secours , et.....
“et quand il arrive à la première maison et frappe à la porte, le dernier chapitre de la saga de S. T. Baumgartner débute”
Cette derniere phrase du roman je ne l’ai pas comprise, elle est illogique mais ainsi va la vie, ainsi vient la vieillesse et ce qui en découle pour tout humain.
En résumé un livre poignant plus biographique que fictif.
Paul Auster, encore un autre grand écrivain décedé,aprés Philipe Roth, Amos Oz ect, c’est comme si le monde des idées du 20 iéme siécle disparaissait et la pensée unque totalitaire prenait sa place.
Paul Auster parti, je reste avec la question posée dans le livre :
Un événement doit-il être vrai pour être accepté
comme tel, ou la foi en la vérité d’un événement
suffit-elle à le rendre vrai, même si les faits censés
s’être produits ne se sont pas produits ?
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