Alors que dans le monde entier les puissances coloniales ont trouvé un règlement aux questions territoriales de leurs ex-colonies, la présence espagnole continue aujourd'hui au Maroc à travers pas moins de 11 colonies: les deux villes de Sebta (Ceuta) et Mlilya (Melilla), trois îles à Al Hoceima dont l'île de Nkor, la presque-île de Badis ( Vélez de la Gomera), trois îles Al-Jaafarya (Chafarinas), île d'Alboran et l'île de Leila (Perejil) qui vient s'ajouter, très récemment, à la collection de colonies espagnoles et qui a failli déclenché un conflit armé.
Cette présence armée de l'Espagne au Maroc demeure méconnue en Europe et a été longtemps oubliée des espagnols eux-mêmes. L'affaire de l'îlot aura eu au moins le mérite de sensibiliser l'opinion publique internationale sur cette présence anormale et anachronique des dernières colonies de l'Empire colonial espagnol en Afrique.
D'autre part, cette crise pouvait paraître incongrue mais elle révèle l'ambiguïté du colonialisme espagnol au Maroc en général et au Nord du Maroc en particulier. La décolonisation espagnole au Maroc s'est déroulée à dose homéopathique: le Rif en 1956, Tarfaya sur l'Atlantique en 1958, Sidi Ifni en 1969, le Sahara en 1975. Les deux villes et les îles attendent leur tour.
Les arguments avancés par l'Espagne pour justifier sa présence au Nord du Maroc relèvent tous de l'idéologie coloniale du siècle passé. Il n'y a aucun argument soutenable, aucune raison objective ni sur le plan stratégique, ni militaire, ni économique pour ne pas rendre ses territoires au Maroc.
L'occupation espagnole ne se limite pas au territoires de Sebta et Mlilya et les îles, mais elle s'étend au-delà pour englober une part importante des eaux territoriales et de l'espace aérien du Royaume.
La décolonisation du Maroc demeure inachevée, elle constitue une source permanente de crises et de tensions entre les deux pays.
A ce lourd et conflictuel héritage colonial vient s'ajouter le grignotage méthodique, sournois et progressif, des eaux territoriales marocaines pour accroître l'espace maritime espagnol des îles Canaries, le problème de la contrebande intense en provenance de Sebta et Mlilya, la question de l'immigration clandestine et les attentats de Madrid, sont autant de dossiers suspendus comme un volcan en sommeil qui hypothèque l'avenir et la stabilité des relations espano-marocaines.
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