Re: A la memoire de Samuel tue par les allemands il y a 64 ans
Posté par: Esmeralda (IP enregistrè)
Date: 19 février 2006 : 16:49
Ce qui m'a fait le plus impression e Yad Vashem, glaeant mon sang, a ete la lecture de ces steles, sauf neanmoins celle en hebreu car je ne le parle pas, helas.
Je me suis souvenue en les revoyant ici, d'un Discours prononce en juillet 2005 par Dominique de Villepin.
Un tel discours ne sera jamais politique, il fait appel e la Memoire des peuples et e celle des Franeais en particulier; Dominique de Villepin est Premier Ministre et natif du Maroc, comme nous; il pleurait en lisant ce message.
Je pense que ce texte a sa place ici meme si mon grand pere n'est pas passe par la France pour sa deportation.
Lalla Klein.
17-07-2005
Ceremonie officielle e la memoire des victimes de la Rafle du "Vel deHiv"
Monsieur le Maire de Paris,
Monsieur le President,
Chere Simone Veil,
Monsieur le Grand Rabbin,
Mesdames, Messieurs,
Ceest avec une emotion profonde que je prends la parole aujourd’hui devant vous. Avant de venir a votre rencontre, j ai tenu ce matin e faire le chemin du memorial de la Shoah. Jeai tenu a me recueillir devant le mur des noms, celui des 76 000 juifs deportes de France. J ai tenu a allumer la bougie du souvenir.
Les 16 et 17 juillet 1942, 4 500 policiers et gendarmes franeais arretaient a leur domicile 12 884 juifs pour les conduire au Velodrome deHiver. Parmi eux, 4 051 enfants furent emmenes seuls, separes de leurs parents, dans les camps de transit de Pithiviers puis de Drancy. Pas un seul de ces enfants ne revint. Devant leurs vies brulees, dont ne restent que les noms, je veux d abord faire silence.
Les 16 et 17 juillet 1942, la France livrait a la detresse et a la cendre ceux qui etaient sa lumiere et sa vie. Aux premieres heures du matin, elle bafouait les plus essentielles de ses valeurs pour se faire la complice des bourreaux. Prevenant les ordres de l occupant, Laval assiste de Bousquet et de Darquier de Pellepoix, recommandait de n epargner personne. Il y a dix ans, le President de la Republique Jacques CHIRAC, au nom du peuple francais tout entier, l a reconnu : "La France, ce jour-le, accomplissait l irreparable".
Vous tous ici rassembles aujourd hui, vous nous avez appris la verite : les familles brutalement arrachees a leur sommeil, les portes enfoncees, les escaliers qu on devale pour un voyage inconnu, les bus parisiens et les fourgons de la prefecture de police requisitionnes pour la besogne, les heures d attente, les journees dans la chaleur atroce du Vel deHiv, sans jamais savoir pourquoi, sans jamais imaginer jusqu ou. Vous nous avez appris aussi les gestes d heroisme ou d humanite de trop rares policiers francais qui ont permis a des enfants d echapper, dans un coin d ombre, au detour deune rue, a un malheur queils ne pouvaient pressentir.
Pas de photo. Pas de trace. Ce jeudi noir, "der fintzerer Donnerstig", aurait pu rester un jour blanc si vous n aviez ete la pour lui rendre un visage. Votre temoignage a tire l impensable de l oubli. Vous avez su affronter votre memoire, avec tout ce qui remue encore en elle de secret, d incomprehensible et de dechirant, pour eclairer la notre.
Je veux rendre hommage ici a votre courage. Je veux saluer la patience et la determination des historiens qui ont recueilli un a un les temoignages, les rapports administratifs, les portraits, les notices biographiques. Tous ces documents qui font foi, toutes ces images bouleversantes que Serge KLARSFELD a rassemblees dans son Memorial des enfants juifs deportes de France.
Je voudrais citer aussi ces lettres d inconnus, internes au Vel deHiv et a Drancy, qui sont partis dans un ciel, comme le dit Celan, ou leon est moins a l etroit. Leurs mots travaillent a jamais nos consciences. Clara, 14 ans, deportee a Auschwitz par le convoi ne16 du 7 aoet 1942 : "Hier on nous a donne du lait pour les enfants de moins de dix ans, une tartine de pain, une tablette de chocolat, une madeleine, des pates. Je ne sais pas si on pourra supporter encore longtemps ceci. Maman n en peut plus." Marc Moise, onze ans, dans un billet jete du train qui l emmene vers les camps : "Je suis dans un train pour ou ? Je vous jure que ce n est pas par imprudence que je suis la." Des lettres de tous ages, de toutes conditions, qui commencent simplement par : "Ma chere maman", "Papa cheri", et qui n auront trouve d autres depositaires que nous. Ces mots lances a l aventure, abandonnes a une main amie ou sur un banc pour etre lus, pour rassurer des proches, des parents, mais qui pour la plupart seront disperses sur la terre seche de l ete 42, je souhaite que nous en gardions a jamais au fond de nous la detresse infinie et l espoir fou.
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Nous sommes a un moment decisif de l histoire de la commemoration de la rafle du Vel deHiv. A l heure ou la memoire brulante des vivants peut encore faire surgir pour nous les images de ce qu ils ont vecu. A leheure ou une parole, votre parole, est encore possible.
Aussi plus que jamais, restons fideles a la source premiere, a cette exigence de transmission qui vous a guides depuis plus de soixante ans. Rien ne doit s effacer de cette lente maturation des consciences. Pour que vive notre histoire commune, vos paroles doivent etre entendues. Vos regards doivent veiller en chacun de nous. Ils doivent etre nos avertissements pour demain. Je sais que beaucoup d entre vous trouvent encore la force de se rendre dans les classes d ecoles pour raconter ce qu ils ont vecu. Je veux vous dire ici ce matin que votre temoignage est irremplaeable. Quey a-t-il de plus fort que la voix de celui qui a vu et qui parle, de celui qui a vecu et qui partage ?
A vous qui portez temoignage, nous devons repondre par la certitude de la memoire, qui fait la vie plus grande, qui fait la vie plus vraie. Elle represente la seule vraie revanche contre tous ces peut-etre qui ont ete votre lot durant les jours de drame et de desarroi. A l effritement du temps doivent repondre la priere du chemin, la reverence de l aube qui sont au ceur de votre heritage. Vous, juifs de France, devez avoir la certitude que vos enfants, vos petits-enfants, vos proches, pourront a leur tour raconter et rappeler. Vous devez avoir la certitude que les livres d histoire garderont l empreinte de ce qui devait rester secret, que chaque citoyen, que chaque enfant portera grave au fond de lui votre temoignage. Je veux vous dire que les autorites de votre pays se porteront garantes du souvenir et du respect. Contre ce qui ronge, nul neoubliera vos bagages deombre et les visages a claire-voie. Votre histoire et celle de la Republique, que vous avez toujours servie, ne font qu un.
Pour chacun d entre nous, qui regardons avec lucidite notre passe, qui voulons savoir, qui voulons comprendre, la memoire est un souffle perpetue. Meme dans le malheur et la honte, nous avons connu des heures de courage et de grandeur. Rappelons-nous que leannee 1942 marque aussi le debut du sursaut, le rejet des lois antisemites par beaucoup de nos compatriotes et l entree pour certains dans la resistance. Rappelons-nous que de nombreuses familles, des fondations, des religieux, prirent le risque dans ces annees de fer de cacher des juifs pour les soustraire a la traque de l occupant et de la Milice.
Nous avons connu l egarement et la souffrance. L idee que nous nous faisons de la France s apprecie a l aune de ses valeurs comme de sa capacite a reconnaetre et a dire ses fautes. La memoire n est jamais d une piece. Elle est le rendez-vous de la conscience. Notre volonte est de l accepter tout entiere pour en faire le lieu d un rassemblement et d un depassement.
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Car il n y a de memoire que vivante et active. Nous devons apprendre avec elle a eviter les pieges d un fanatisme qui malgre les lecons du passe ne desarme jamais tout a fait. Nous devons trouver en elle la force de construire le monde. Votre memoire ne sera pas un tombeau mais une lumiere qui transperce la nuit.
Contre toutes les formes d antisemitisme, de racisme ou de xenophobie, qui sont autant d atteinte a la dignite de chaque homme, luttons sans relache. Dans ce domaine, toute attaque physique ou verbale, toute atteinte, toute negation est inacceptable. Ce sont des fautes contraires a l esprit de la Republique. Mon gouvernement les combattra avec la plus grande severite.
Contre la haine, toutes les haines, contre le terrorisme, qui ensanglante nos capitales et fait peser une menace sur tous les peuples, affirmons nos principes et le respect de l Etat de droit. La plus grande fermete, oui. La plus grande vigilance, oui. La cooperation la plus etroite entre tous les Etats, oui. Ne donnons pas aux terroristes la satisfaction de semer la peur et le doute dans nos esprits. A force de volonte et de justice, nous gagnerons ce combat.
Contre le terrible ressassement de la violence, qui n epargne aucune region du monde, faisons preuve deaudace et d imagination. Ne laissons pas les situations se deteriorer sans fin. Je ne crois pas a la fatalite du mepris. Des hommes et des femmes se dressent pour dire non, par fidelite a un ideal, par refus de la repetition du malheur.
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Oui, votre memoire est un appel.
Rien n est jamais comparable dans l histoire des hommes. Et aucune experience n est moins reductible a une autre que celle de la Shoah. Que grandisse la promesse ! Que votre memoire murmuree de proche en proche, a vos enfants, a vos amis, a tous vos descendants, que votre memoire partagee avec chacun de nos compatriotes, fasse echo et soit un appel a denoncer sans relache l injustice et leirreparable. Queelle soit une incitation a ecarter l etau de la resignation pour ouvrir un horizon nouveau. Qu elle reste pour nous, face a l aveugle des jours, une lecon de lucidite.
Je vous remercie.