Joseph Mergui, 48 ans, est un conteur et une mémoire. Pour donner le ton, il accueille son visiteur non pas avec un cigare mais avec une citation de Winston Churchill, « Never, never, never give up ». Ne jamais, jamais, jamais renoncer.
Il est vrai que ce natif de Casablanca, issu d’une famille juive parfaitement francophone, ingénieur agronome qui a appris l’hébreu et l’anglais en Israël, s’est montré tenace.
« Être israélite marocain, c’est une bonne éducation pour partir. Ce sont 2000 ans d’histoire qui se contractent dans le contexte moyen-oriental. Mes parents sont devenus analphabètes du jour au lendemain du fait de l’arabisation de l’administration marocaine… »
«Je me vis comme Africain, fier d’être Marocain»
Un silence. Et puis Joseph Mergui reprend: «La seule lumière que l’on pouvait voir alors, c’était le départ. La plupart des gens de mon âge n’ont trouvé d’avenir qu’en partant. Ce fut un exode silencieux de plusieurs centaines de milliers de personnes ». Pour illustrer son récit coloré et chaleureux, Joseph Mergui convoque Isabelle la Catholique, les Berbères alliés des Juifs et dévide le fil d’une immense histoire. Jusqu’en Birmanie, au large de laquelle l’archipel Mergui a gravé sur le globe la trace d’un aïeul.
«Caldera, c’est d’abord une aventure humaine»
De la nostalgie sans doute, mais peu d’amertume dans ces propos :
« Je me vis comme un Africain, je suis fier d’être Marocain, fils de ce royaume où le judaïsme est la seule autre religion que l’islam à être reconnue. Nos professeurs au Maroc étaient les meilleurs de France. En développant Caldera, qui approche les cinquante salariés aujourd’hui, je compense ce que la France m’a donné ».
Il est aussi Français, aujourd’hui, soulignant avec une trace d’ironie à quel point la France sait intégrer ceux qui ’l’intéressent. Joseph Mergui est loin d’être le seul à avoir fait son nid en Alsace : « Nous disons souvent qu’on a suivi les cigognes. Nous avons trouvé en Alsace des gens travailleurs et sérieux. Je me sens bien ici.»
Aujourd’hui membre de la communauté Oséo Excellence, qui distingue des affaires d’innovation et de croissance, il nuance son enthousiasme : « J’adore la France pour ce qu’elle m’a offert. Mais il y a toujours un côté conservateur par rapport à l’échec et à l’innovation. Il faudrait qu’il y ait ici cette injection de… résilience et de défi pour transformer le monde, un peu comme aux États-Unis. Beaucoup plus de Français innovent en Californie qu’en France ! ». Il se dit aussi un peu déçu par le monde universitaire français : « Il y a des trésors de technologie qui dorment dans ces labos, mais ils ne sortiront jamais. »
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