En restant un peu dans le même esprit voici un article (et son lien) apparu dans la magazine Tel Quel (numéro 242, Octobre 2006) qui retrace l'histoire des meilleures "Success stories" des "brand names" Marocaines. Il y'a une variété de marques anciennes et nouvelles. Je pense que tout le monde trouvera un moment de nostalgie même ceux qui ont quittes le pays il y'a des décennies.
Bonne lecture!
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Consommation. La saga des marques mythiques (source Tel Quel, numero 242, 7 – 13 Octobre 2006)
Elles ont marqué notre enfance. Elles font partie de notre culture collective. Certaines ont disparu, d'autres sont toujours là, insensibles aux ravages du temps. Florilège de marques marocaines qui ont accédé au rang de mythe.
Centrale laitière.
Pionnier de l'industrie laitière au Maroc, la Centrale Laitière est créée en 1940 par la Compagnie continentale du Maroc. La fabrication de produits laitiers y démarre en 1944, mais c'est bien plus tard que l'entreprise lancera son produit légendaire : le berlingot d'un demi-litre de lait frais, plus communément appelé “Central”. Sa forme pyramidale unique (et brevetée) lui confère en effet une originalité esthétique et une facilité d'utilisation que la concurrence n'arrivera jamais à égaler. Le produit est tellement commun qu'il entre dans l'imagerie populaire, la “rabâa dial lahlib” -la déclinaison en 25 cl- servant à qualifier des formes tarabiscotées ou, plus souvent, d'insulte. La Centrale laitière se gardera d'ailleurs de toucher aux formes du berlingot, ne se permettant, au fil des années, que de légères retouches.
Pingouin.
Cela peut paraître étonnant, mais c'est un Danois qui fut à l'origine de la création du premier fabricant marocain de glaces. M. Bilk, cet entrepreneur original eut, en 1959, l'audacieuse idée de fournir en rafraîchissements et autres produits laitiers les militaires américains, stationnés dans quelques régions du Maroc.
Et les affaires marchent tellement bien que l'entrepreneur scandinave commence à lorgner du côté du marché grand public. La marque Pingouin, à la dénomination et au logo on ne peut plus opportuns, voit le jour. Bientôt, bâtonnets et pots sont distribués dans l'unique point de vente de l'époque : les salles de cinéma casablancaises ! Depuis, de l'eau a coulé sous les ponts. Après être passé dans le giron de la Centrale laitière, Pingouin est aujourd'hui une filiale du groupe Mobigen (propriétaire de Henry's), multipliant les contrats de fabrication et de commercialisation sous licence.
La Cigogne.
Nous sommes en 1929. La Brassière glacière internationale (BGI), qui commercialise déjà une bière sous le nom de La Cigogne, met sur le marché une boisson gazeuse homonyme, histoire de draguer le consommateur marocain, pas encore friand de blondes.
Ainsi naîtra la première marque de soft drink marocaine, qui rencontra un succès immédiat et se confondra à jamais avec l'histoire des Brasseries du Maroc : ce n'est pas un hasard si le logo de l'entreprise porte le dessin de l'oiseau.
Huit ans plus tard, l'entreprise récidive avec Judor, dont la recette diffère cependant de celle de son aînée. Alors que La Cigogne est fabriquée à partir d'un concentré importé de France, Judor est une production 100% marocaine, composée d'extraits naturels d'agrumes et de pulpe d'orange. Ça ne vous rappelle rien ? Exactement, le fameux Orangina.
Pendant des décennies, les deux stars du soft drink marocain allaient faire jeu égal avec les Coca-Cola et autres Pepsi. Elles eurent même le renfort d'autres marques locales, dont Youki, Atlas, ou encore Gil. Mais dès le milieu des années 80, la cote des boissons gazeuses marocaines allait entamer un long déclin. Et, après quelques tentatives de relance, La Cigogne et Judor allaient définitivement tirer leur révérence en 1997. En attendant un futur repreneur ?
Raïbi Jamila.
Pour une fois, nous étions les premiers ! Bien avant les Yop et autres Dan'Up, la Centrale laitière avait commercialisé le premier yaourt à boire. C'était en 1966, le leader national des produits laitiers mettait sur le marché un breuvage de couleur rose, à base de petit-lait et d'arôme de grenadine, l'affublant d'un nom tout aussi local : Raïbi - par analogie à un produit à base de lait caillé, fait maison celui-là. Et ça marche !
Depuis, sa recette n'a pas évolué. Son producteur s’est contenter d'y apporter quelques évolutions mineures. Le nom a été complété par “Jamila” -paraît-il en référence au quartier homonyme de Casablanca, après que le très vintage bocal en verre a laissé place à un gobelet en plastique strié, de couleur rose. Rose, ce fut aussi la couleur de sa première mascotte, une panthère assez grossièrement dessinée, qui illustrera l'opercule des pots comme les spots publicitaires. Elle passera ensuite la main, probablement pour des histoires de copyright, à un personnage vaguement inspiré de Sindibad. Depuis, la communication de Raïbi Jamila est rentrée dans le rang, jouant la carte de la santé, un classique dans l'univers des produits laitiers.
Le succès du Raïbi Jamila à la grenadine encouragera son producteur à le décliner dans d'autres parfums : banane, menthe, pistache… Nouveautés qui ne sont cependant jamais parvenues à s'imposer durablement auprès des consommateurs.
Oulmès.
En plus d'être une localité appréciée des touristes, Oulmès est surtout une eau minérale, qui a désormais une jolie place dans notre culture collective. L'histoire commence en 1933, dans la région de Khémisset, où une source, répondant au doux nom de Lalla Hayya, vient d'être découverte. Sa particularité ? Une eau naturellement gazeuse, particulièrement riche en minéraux et à laquelle on attribue des vertus curatives. Un certain Abdelkader Bensalah a l'idée, plutôt saugrenue pour l'époque, de mettre en bouteille et de commercialiser l'eau de Lalla Hayya, sur un marché totalement vierge. Les premières bouteilles, en verre et consignées, sont sur les étals dès 1934, pour ne plus les quitter.
Véritable visionnaire, feu Bensalah, fondateur du groupe Holmarcom, allait récidiver en 1978, en lançant Sidi Ali. Une nouvelle eau minérale qui jaillit de la source de Sidi Ali Chérif, située comme son “aînée” dans la région de Khémisset. Objectif : troubler le monopole de Sidi Harazem. Avec le succès que l'on sait…
El Kef.
“Houa Sabone El Kef” ! Le refrain du fameux spot publicitaire est passé à la postérité comme dans le langage populaire, parfois pour décrire quelques activités solitaires et grivoises. Quel manque de respect pour cette marque aujourd'hui cinquantenaire, dont le logo, une “khmissa”, relève d'une signification quasi religieuse !
L'appellation d'origine, la Main, est pourtant bien francophone et la marque ne sera officiellement rebaptisée El Kef qu'en 2000. Lancé au lendemain de l'indépendance par la Société industrielle des huiles au Maroc (aujourd'hui dans le giron de l'ONA, via Lesieur Maroc), La Main n'était au départ qu'un savon ménager à tout faire, commercialisé en vrac.
Depuis, El Kef a su s'adapter aux nouvelles donnes du marché en réajustant son image. De produit polyvalent de seconde zone, il devient le savon écolo, fleurant la nostalgie du bon vieux temps. Bref, une copie conforme du positionnement du fameux savon de Marseille.
Casa Sports.
La cigarette populaire, la clope des prolos… Casa Sports est surtout l'une des plus anciennes marques de cigarettes marocaines, aux côtés de la regrettée Favorites et de la toujours verte Olympic.
Car il faut remonter à la fin des années 1910 pour retrouver les traces de cette marque, curieusement associée aux sports. Et hormis la présence d'une étoile à six branches, alors emblème du Royaume chérifien, le paquet a bien peu changé depuis. Son antique logo, au personnage en ombre chinoise et à la gestuelle suspecte (fait-il un salut hitlérien ?), le tout sur fond de symboles sportifs (piscine, stade, voiture de course), est toujours d'actualité.
Et ce n'est pas par romantisme qu'Altadis a gardé Casa Sports dans sa gamme. Avec les deux autres marques locales, Marquise et Olympic, elle représente toujours près des trois quarts des ventes en volume et plus de la moitié en valeur.
Al Faracha.
C'est à cette petite boîte d'allumettes que les Marocains doivent leur connaissance, certes très limitée, de la science des lépidoptères. Lancé en 1972 par Comaral, Le Papillon arrive sur un marché déjà occupé par des marques bien installées (dont Le Chariot, doyen du lot produit par Diversam depuis 1952).
Et pour se différencier, le nouvel arrivant pense à une idée relativement simple : flatter la fibre du collectionneur qui sommeille en chacun. Comment ? En apposant sur ses boîtes des images de papillons, déclinés en espèces aux noms souvent imprononçables. “Hesperiidae Pyrginae”, ça vous dit quelque chose ? Mais l'acheteur moyen est séduit par ces petites boîtes qui flattent son ego de pseudo-scientifique. Et un papillon multicolore, c'est toujours plus joli qu'un char romain approximativement griffonné.
Depuis, Diversam-Comaral (née du rachat de la première par la seconde) a abandonné la collectionnite aiguë comme moyen de séduction. L'originalité, il va la chercher ailleurs, notamment en vendant le revers de la boîte comme espace publicitaire, ou en l'offrant à des causes “citoyennes”, comme l'association Afak ou “Maroc 2010”.
Mais dans cet ensemble de changements, il y a quand même une constante : le prix, resté au même niveau depuis plus d'une décennie. Mais n'y voyez aucune manifestation de philanthropie. Les tarifs sont réglementés par l'Etat, qui répertorie les allumettes comme un bien de première nécessité. Même quand elles servent à allumer des cigares.
Henry's.
Henry's, c'est un peu le signe de reconnaissance alimentaire des Marocains de tous les âges. Un produit qui a traversé les générations sans prendre une ride.
Il faut remonter aux années 30 pour retrouver les traces du fameux biscuit et de son “inventeur”, un certain Henri Pinoncely. À l'époque, on ne parlait pas encore de marque, mais uniquement d'une biscuiterie artisanale, qui vendait ses produits dans une boîte en fer consignée à une clientèle essentiellement française. Après le décès de Pinoncely en 1937, l'atelier est repris par la famille Philibert. Celle-ci récupère également le prénom du fondateur et l'affuble d'un “y” américanisant, pour en faire le nom de la marque. Henry's était né, comme son fameux emballage rouge et vert, estampillé d'une abeille et d'une théière, qui n'ont que peu évolué depuis.
Si évolution il y a eu, c’est surtout dans la taille de l'entreprise. Les Philibert ont effectivement transformé la petite PME en un véritable groupe industriel. Aujourd'hui, Mobigen est l'un des mastodontes de l'agroalimentaire marocain et Henry's une marque parapluie, sous laquelle sont commercialisées toute une gamme de biscuits, mais également des glaces. Mais groupe industriel ou pas, chaque fois que l'on déplie l'emballage vert, la magie continue à opérer.
Aïcha.
Créées en 1929 par la famille De Vico, Les Conserveries de Meknès figurent parmi les plus anciennes industries agroalimentaires du Maroc. Aujourd'hui diversifié dans plusieurs métiers, le groupe est surtout connu pour sa marque-phare : Aïcha. Déclinée sur différents produits, du concentré de tomate à l'huile de table, elle restera, pour le Marocain lambda, l'appellation générique de la confiture. Pour l'anecdote, c'est à la famille De Vico que l'on doit l'introduction de la culture de la fraise au Maroc, pour les besoins de leur industrie.
Très présente sur le champ publicitaire, la marque a donné naissance à l'un des personnages les plus marquants de la mémoire télévisuelle, Aïcha, la petite fille aux nattes, toujours flanquée de ses fidèles petits ouvriers. Dans un célèbre spot d'anthologie, elle a même donné la réplique à Khaled, qui lui susurrait : Aïcha, Aïcha…