Les anciens de Meknes
Posté par:
claude sandeaux (IP enregistrè)
Date: 10 juin 2011 : 21:57
Lettre adressee a Mr Michel Boujenah.
Je me sens mal a l'aise suite aux remarques que vous vous etes permis de faire au sujet des Pieds Noirs. J'etais naivement convaincu que vous faisiez partie de notre communaute parce que tout comme nous vous aviez grand besoin de retrouver vos racines face au traumatisme cause par l'exode. Difficile de vous entendre dire,Mr le Juif du Maghreb,vous vous nommez ainsi, que la plupart des P.N.sont racistes, d'extreme droite et OAS. Vous semblez ignorer que la plupart d'entre nous etions des produits de l'immigration, des Grecs, des Italiens, des Espagnols, des neo-francais s'exprimant souvent dans leur langue, des proletaires devenus proprietaires, agriculteurs, commercants,artisans.
Je ne peux pas rester indifferent a vos propos sachant que 90% des P.N. appartenait aux classes moyennes et populaires.Nous habitions un pays ou toutes les communautes vivaient en paix. Les Arabes partageaient nos fetes, nous mangions les gateaux que les Juifs faisaient pour les leurs et nous nous avions l'habitude de leur offrir nos specialites a Noel et a Paques. Nous vivions par la force des choses dans une societe dont la fusion entre les differentes composantes ne s'etait jamais faite.
Tres peu de filles musulmanes voilees des l'age de la puberte ne purent sortir de leur environnement familial avant que leurs parents aient pu arranger leur mariage. Les Juifs vivaient dans des quatiers separes, Mellahs, ces derniers pratiquaient l'endogamie par respect sans faille a la loi ancestrale qui continue a interdire la mixite du mariage, craignant de disparaitre par assimilation, ce qui equivalait a un rejet systematique de l'etranger. Quand au Francais ou Europeens, aux prejuges ecules, leurs attitudes s'inscrivaient aussi en negatif. Pourtant le racisme n'existait pas, ce n'etait pas l'Afrique du Sud ou une certaine Amerique.
Les enfants de toutes les communautes userent leur fond de culotte sur les bancs de l'ecole laique et republicaine, les transports etaient a la disposition de tous. Dans les rues, sur les plages, dans les salles de cinema, dans les cours d'immeuble, enfants juifs, arabes et europeens manifestaient leur belle sante dans de bruyantes parties de football.
Apres l'ecole ou la partie terminee, chacun retrouvait sa communaute comme on retrouve ses parents. On decouvrait, non pas le racisme, mais une sorte de segregation au quotidien.
Michel, le temps des prejuges et des idees recues sur les P.N. est revolu car la plupart, je dirais la plus grande partie d'entre nous n'avons jamais succombe aux sirenes de l'extreme droite. Tout cela est un moyen grossier pour nous faire supporter les erreurs commises lors de la decolonisation baclee de l'Afrique du Nord.
Pourquoi, vous croyez-vous investi du pouvoir de jeter l'anatheme, de lancer des condamnations racistes sur le peuple P.N. en vehiculant de ridicules contre-verites. Porquoi ne pas nous retrouver pour parle de ces tantes, de ces cousines qui se retrouvaient devant la porte de leur maison, apres la sieste a l'heure tranquille de la premiere fraicheur du soir, pour le cafe con leche. Dans une Afrique du Nord ou tout le monde s'entraidait, ou la rue etait un lieu de vie, pas de passage et ou nous avions pas besoin de grand chose pour etre heureux.
En tant que Pied-Noir raciste et d'extreme droite, je me souviendrai toujours, Michel, de ces soirees de Sabbat passees chez nos voisins les Levi et de la decouverte d'une religion codifiee depuis la nuit des temps. Jamais je ne me suis senti aussi bien. C'etait la premiere fois que je me retrouvais integre a une communaute, une des composante de la nation P.N.differente de la mienne, partageant avec elle leurs croyances, priant Yahve dans la ferveur,l'emotion et l'amitie. Ces Sabbats ou Mme Levi preparait du poisson, des soupes de poulet avec des pates aux oeufs, roulees qu'elle recouvrait d'un vernis d'oeuf battu. Comment ne pas se souvenir, Michel, des tables dressees pour la Bat-mitzah, pour les fiancailles et les mariages, ainsi que pour le Souccot, la fete des cabanes. Chretiens, Musulmans et Juifs se retrouvaient pour faire la fete. Un Pied-Noir du Maghreb.