Elle arrivait le mardi, bien avant notre depart pour l'ecole.
Elle venait d'une obscure medina, je n'ai jamais su laquelle ; elle n'avait pas de nom, elle n'avait pas d'identite, alors nous l'appelions Fatma ; elle n'avait meme pas de travail, car chez nous, elle etait une extra , une laveuse occasionnelle; et encore ne lavait-elle les pulls et les chaussettes, non, elle ne venait que pour les draps et le linge de maison, torchons, serviettes, ce que Maman nommait le " gros linge ".
Nous avions des employees attitrees qui n'avaient sans doute pas plus de contrat de travail que Fatma, mais qui etaient chez nous a demeure, et en securite : Madame Sol, la cuisiniere, qui veillait aussi sur nous, les enfants, ou Hlima, la bonne, qui faisait le menage.
Mais Fatma, elle, ne venait que le mardi, et que pour le " gros linge ".
Elle arrivait dans notre petit appartement de la rue Lassalle, telle un fantome dans son grand haek blanc, et commencait aussitot a se deshabiller, laissant un tas de linge, le sien, sur un coin du carrelage de la salle de bain ou elle s'installait jusqu'a midi.
L'odeur de ce tas de linge m'intriguait, il charriait avec lui la vie de Fatma, les epices, le henne, l'odeur du lait de son sein, de sa sueur, et sa misere.
Fatma lavait des kilos de linge de ses grosses mains rugueuses et usees qui n'auront jamais connu un gant de menage, puis elle rincait. Elle faisait parfois bouillir le linge qui avait auparavant trempe toute la nuit grace aux bons soins de Maman dans la lessiveuse a trous, sous laquelle un foyer se consumait ; objet insolite et merveilleux pour les petites filles que nous etions, d'ou s'echappait une fumee rigolote par une collerette inattendue, dans une forte odeur de cristaux de soude?
Parfois Fatma frottait la fibre sur la planche a laver, objet de bois venu du fond des temps, qu'elle posait a cheval sur la baignoire, ainsi que le faisait le soir Mme Sol quand elle nous lavait, au retour du " jardin ", de ce Parc Lyautey d'ou nous revenions couvertes de terre, de bave couleur de piroulis, et, pour moi seulement, ma soeur etant une petite fille modele, de sang de genoux couronnes apres des gadins a velos, voltiges dont j'etais specialiste.
Puis venait pour Fatma le temps du rincage, et la torsion des draps au dessus de la baignoire, travail pour lequel elle ?tait aidee de Maman ou de Mme Sol.
Et alors arrivait l'etendage sur la terrasse, apres avoir introduit d'enormes baquets remplis de linge blanc dans l?ascenseur. Mais personne n'allait sur la terrasse ; Maman en tete disait on va etendre a la terrasse, comme elle parlait de laver le parterre, usant d'un vocabulaire d'Afrique du Nord, mais tout le monde se comprenait.
Les draps secheraient tres vite sous le soleil de Casa et dans le vent de l'ocean proche, et qui savait si bien les coucher a l'horizontale, nous permettant de passer en dessous en nous courant apr?s.
Hlima descendrait les draps dans l'apres midi, longtemps apres le depart de Fatma, qui recevait de la menue monnaie apres qu'elle se fut minutieusement et longuement rhabillee.
La buanderie de la terrasse n'a jamais connu notre linge, car Maman voulait qu'on s'en occupe a la maison exclusivement.
Mais j'ai le souvenir de jeux extraordinaires en ce lieu avec mes copines de l'immense immeuble du 10 rue Lassalle. De scenes a la Tarzan avec des cordes attaches aux cheminees qui s'effritaient, dans le bruit de la machinerie d'ascenseur et les claquements du vent.
Et je me rememore les petits flirts innocents, et les baisers voles aux freres de mes amies.
Mais toujours, je me souviendrais de la Laveuse, bete de somme, fantome, techeronne tout a la fois; anonyme dont je ne saurai rien, ou seulement ceci : elle etait moins qu'un numero de Securite Sociale, moins qu'un matricule ; meme pas une personne : elle n'etait personne
Ce texte est beau, vrai, douloureux, triste,
triste car chez nous aussi il y avait une laveuse, celle des mardi,elle lavait avec son bebe sur le da'ari(dos) Ces lavandi?res, Leur unique occupation, la lessive,elles ne parlaientpas mangeaient dans un petit coin parterre,et avait tres honte de mon papa.
ELLES NE SAVAIENT NI LIRE NI ECRIRE...........
les mains habimees le sang qui coule des doigts ...........les pauvres
J'ai lu ce texte il y a quelques mois. J'avais alors ete epoustouflee par sa verite, ses multiples notes comme autant de petits cailloux qui me ramenaient sur un chemin ancien.
Je viens de le relire et, avec tant d'emotion, que je me demande si c'est bien le meme. Oui, c'est lui. Sa force est telle qu'une relecture est une re-creation. Il faut en faire l'experience. Laisser le texte reposer et, dans quelques jours, soulever le couvercle. A la prochaine visite, le genie de ce recit, de ce conte, ressurgira intact.
Cette lessive m'a lavee de mes hesitations. J'ai ecrit juste trois mots a l'auteur pour lui dire que c'etait une chose precieuse. Cela m'a decoincee parce qu'elle se montrait telle qu'elle est, attentive aux etres et aux choses, tous les sens en eveil.
Cela m'a ramen?e vers cette chere Damia qui faisait elle aussi la lessive, tout en fumant. Elle etait menue mais puissante pour soulever ces gros draps blancs qui avaient vu naitre, sans doute, bien des enfants.
Je revois aussi la terrasse inondee de soleil, le partage houleux des cordes, entre les femmes de l'immeuble.
C'est la, sur la pointe des pieds, que j'ai vu le defile du retour de Mohammed V....
Voila un recit qui ne va pas disparaitre comme une bulle de savon, encore qu'il en ait toutes les teintes irisees.
Et on l'appelait "la sebana". Elle arrivait tous les lundi.
Et j'y pense maintenant, en hebreu "sabon" veut dire savon, donc la racine de sebana et sabon, kif kif borico !
La sebana travaillait dans ce qu'on appelait "la buanderie" et frottait energiquement le linge sur une plange a laver. Je me souviens qu'on parlait avec emerveillement de ces "machine a laver le linge que toute menagere possedait en Amerique" et pour ma mere c'etait le reve lointain.
Ensuite le linge etait porte a la terrasse qui se trouvait juste au dessus de notre appartement pour etre etendu au soleil. Cette terrasse qui etait le lieu de rencontre privilegie des voisines de l'immeuble bavardes.
Savez-vous mes chers darneurs que la seule chose que j'ai garde de tous mes voyages, deplacements, et que j'ai recupere quand mes parents sont partis, c'est la planche a laver; leuha de sabone. Quand je l'ai montre a mes fils en leur expliquant que c'etait notre "machine a laver", ils m'ont bien ri au nez. Je leur ai repondu que le linge atait bien mieu lave, plus blanc, les couleurs eclatantes, bref, le linge sentait bon et n'etait pas deforme, Il faut dire aussi que le stah (terrasse) y etait aussi pour beaucoup. A Paris tout est confine dans des petites pieces, quand ce n'est pas le sechage en machine, une vrai cata......LOVE
Une "laveuse", moi aussi mes parents en avait une, elle s'appelait fatma aussi, et comme tu as raison Love, la lessive qui s?chait en plein air , lavee avec ce savon dont j'ai encore l'odeur dans le nez !
J'allais lui tenir compagnie pendant qu'elle posait la planche, la mouiller, mettait le linge et passer et repasser le savon, pour ensuite donner toute son energie pour que ce soit bien propre.
Mais, il y avait une autre personne que j'aie dans le coeur aussi, c'est ma BARKA qui etait notre "femme de menage" et aussi qui m'emmenait et venait me chercher a l'ecole.
Je pense tres souvent a elle, car fait partie de ma jeunesse et de mes bons souvenirs.
MAYTE
Chere Darlett,
Oui, c'est moi avec ma BARKA, si tu savais comme elle est douce et jolie.
Bisous
MAYTE
La photo etait surement trop grande, je ne l'a revoit pas dans le message ?
Bisous
MAYTE
Adorable ! Tu etais adorable sur cette photo !!!! mais elle a disparu !!! Stp. replaces la, car tu es tellement mignonne la-dessus !
Etrange qu'elle ait disparue ainsi ???
Non, elle n'etait pas grande du tout. En general, ce qui me derange c'est la largeur plutot que la longueur, or la largeur etait tout a fait dans les normes.
Merci du compliment chere Darlett, et j''tais aussi tres espiegle....
Je te renvoie la photo, mais depuis ce matin, je m'entraine pour inserer sans deborder.
La photo de BARKA, aujourd'hui on dit "nounou".
Bises
MAYTE
Bonsoir Mayte
C'est une tres jolie photo de 2 personnes qui font partie de la meme famille....
En arabe darija (dialectal marocain) , nounou se dit "dada". Amities.
Cher Lilbg,
Darlett, dis "ce joli sourire", je crois et meme j'en suis sure, ma "DADA" n'y etait pas pour rien.
Je suis heureuse, car parler d'elle en 2006 avec vous qui avaient connu le Maroc, c'est pour moi, lui dire merci ma Barka, je t'aime.
MAYTE
yahassra, pour ses laveuses qui venaient le dimanche matin de bonne heure chez ma mere, dans la cour de notre maison y avait la grande bassine , el kedra en alluminium et la planche ellouha desabon, mdr.
c'etait le desordre complet ce jour la. mais on sentait l'odeur du savon de marseille.
