Apres quarantes ans
Posté par:
ron294 (IP enregistrè)
Date: 10 décembre 2007 : 21:17
Visite a Tanger, a l"ecole de l"Alliance
Le present et l"avenir passent par le passe.La rue, Calle Italia, elle aussi passe par le passe, avec ses anciens immeubles de la fin du 19 siecle, dot les fenetre beantes se laissent baigner par un puissant soleil, belle cite de nos promenades, aujourd"hui un immense marche du genre Arabe avec toutes les couleurs et les gouts d"antan,milliers de commercants aux carrosses ambulantes. A trois pas, je debouche au cinema Alcazar et au Capitol,juste ici, nous passions nos meilleures heures a voir les beaux films de l"epoque,c"est ici que les autorites de l"alliance nous prenaient voir gratuit un beau film le jour des festivites de Pourim.
Me voila dans "la calle de las escaleritas" ou la temptante et savoureuse Calentita est encore servie avec sa pimente et son huile d"olive, il faut bien que je m"arrete pur deguster cette splendide tarte salee toute faite de farine de poichiches, et malgre mes soucis d"hygiene, j"en avale deux belles delicieuses tranches,(para la vida o la muerte).c"etait si bon, je retrouvais mes dix ans, je tremblais d'emotion, je me souviens avoir pleure.
Je commence a marcher, je tourne vers un petit carrefour qui donne sur la calle nueva et sur la calle Tetouan.Je suis devant une large place dallee,morne et plateh pavage en granit.Au bas, derriere de hautes cimes verdoyantes, s"erigent les longs etages de la rue Tetouan, 120 familles Juives,les familles botbol, sarraga, saragat, abitbol, berros, guita, azuelos, arama, castiel,trojman, corcias, corcos, abitbol, querub, beniluz, castiel, danan, bunam, bentolila,
elgali, ezagui, amselem, delmar, roffe, bengio, bohssira, cohen, levy, levit, soberano, moreno, sultan, labos, busidan, bencheton, gavison, beniflah, nahon, hammou, garson, edery, pers, benitah,bensason,bensadon,saporta, oziel, tobelem, bentata, maudi, bendahan, marques, fresco, ghinon, benadiba, bengualid, bendayan, coriat, candero, pilo, pinto, ponte, dodo, rozilio, serruya, azagury, many, sato, sultan, berros, serrero, benasuli, bendelac, medina, ruah, pimienta, caro, fhima, benjoar, pariente abensur, bergel, guenun, carciente,tobi,busbib,toledano, benlolo, merghi, siboni, murciano ,elmaleh, nezri , laredo, almosnino, gozal ,azancot, benatar, sananes, bentes, niddam, benoliel, siso, benudis, buadana, benhamou, azzerraf, azzerrad, benezra, susana, benegbi, malka, hashuel, farache, marrache, salama, benassayag, keslasi.........et que Dieu me pardonne si j"ai oublie d"autres saints noms de notre communaute, la aussi habitait la noble Nejma. fameuse cuisiniere des noces.....
Voila quarantes ans separent cette immense batisse de la rue Tetouan, immense batisse inchangee, demeure intacte dans ses moindres details, c"etait, je vous jure chers lecteurs, un retour au carrefour des temps perdus.
Mon sejour a Tanger ne peut pas etre bref,je suis de nouveau en brusques saccades de sanglots,je frissonne,j"ai 12 ans,je suis toujours la, ici, quelque part dans l"esoterique, juste en face de l"immeuble de la respectee famille Oziel, Marie, Rachelita que j"ai tant aimee et languie apres le depart de toute la famille au Canada, Rachelita a qui j"avais offert des bijoux en argent, cette douce creature a nulle autre pareille dont le souvenir se grava dans mon coeur pour toujours.
Un souffle leger me caresse le visage, suivi de nouveau d"un frisson, etrange et profond qui me laboure mes sens.
Tout au long de la rue,des enfants en petits groupes jouent la toupie,quelques uns sont coiffes de berets bizarres qui leur recouvrent l"oreille, la plupart portent des Jeans sales et dechires, d"autres portent des pantalons bouffants,les mains enfouies dans leurs poches, Ils sont tous la a me devisager, a me sourire, a m"offrir leurs objets en vente.
Me voici devant la grande porte de l"ecole Alliance, ma visite etait prevue a dix heures du matin. C"est un endroit qui m"attire et me fait frissonner de nouveau,il emane une sorte defamiliarite et de fierte melangee d"un sentiment presque patriotique,c"est bien ici que j"ai ete forme par d"excelents maitres,c"est ici ou j"ai connue Villon.Rabelais, Hugo, Lamartine et Musset. c"est ici ou j"ai appris le Francais que J"ecris maintenant bien que pour moi, Espagnol expulse,le Francais restait pour moi une langue etrangere.
Et entraine par le souvenir,je descends en direction principale attenante au poste de guarde, je montre mes papiers /'veuillez
chaleuresement accueillir Monsieur Joseph Levy Ronny et l"accompagner a mon bureau".
Me voici dedans, chez moi, voici la grande cour aux marronniers, voici les 26 classes (elementaires,premiere annee...certificat d"etudes, commercial,fin d"etudes....), voici le refectoire ou la cantine ou etaient servis chaque jour les menus speciaux de Madame Bengio,que son me repose en paix.De meme le dispensaire, la dentisserie, le service anti-tuberculeux,il y avait meme un service de blanchisserie et des douches chaudes tros fois par semaine.
Un amalgame stupefiant de bienveillance de la part du directeur et de quelques instituteurs fusionnait danv une atmosphere amicale, je leur racontais que j"etais ecrivain et ils me repondaient:Bon,si vous avez ete eleve de l"alliance Israelite de tanger cela ne nous etonne pas :
Il y a chez moi de l"inquietude et de la fatigue marquant mes regards egares qui cherchent un encouragement dans l"expression compatissante de mes collaborataires. Des fillettes vetues bien a la mode,attroupees autor de moi me devisagent,et moi j"etais saisi de cette d"une sorte d"epouvante pitoyablequi caracterisait des exiles comme moi.
Et dans cet egarement,dans cette sorte de peur imprecise qui hurlait dans mes yeux, je percevais une sorte de reconfort vacillant une frele consolation.
Trois paliers au premier etage, des adolescents partout,au second c"est les grandes classes ,les classes d"examens,quelques bureaux,les memes classes,les memes couleurs. Apres avoir franchi une large porte en planches metalliques, j"arrive aux toilettes,rien n"a change,il me semblait penetrer dans un tunel de lepreux ,les grandes fenetres de fer etaient toujours la,bien ouvertes et laissant passer un peu de fraicheur. Au fond, sur le cote qui regarde la cour,un grand trou obscure fait jaillir un petit flot de lumiere,c"est juste ici, pendant plus de cent ans,que des milliers de jeunes juifs comme moi venaient et allaient pour une petite pensee,et malgre le bruit, je pouvais sentir les memes odeurs d"antan dont la predominance se manifestait a present.
La voix imperieuse du directeur balaie d"un coup mes frissons, il me quite sans ardeur, me sourit faiblement :"Bon sejour a Tanger monsieur l"ecrivain, un bon bonjour a Monsieur Peres le president, il faut faire la paix mauntenant".
Sa disparition est soudaine, je reste seul, il faut quitter, quelques photos, dehors un bon air vif et genereux s"introduit dans mes poumons, une agreable fragrance de Hrira s"echappe dans la rue et excite mon appetit, je commence a marcher retrouvant en moi une forte odeur d"amour et de detresse,des gens partout me devisagent, ils m"ont pris pour touriste, j"ai voulu leur dire que j"etais chez moi,que la que ville que je frequentais m"appartenais,qu"elle etait tout a moi, que c"etait ma ville natale , la ville de mon enfance, de mes reves et premiers amours, mais je me taisais, je recommencais a frissonner, a sangloter. c"etait une funeste verite que je ne pouvais leur confesser.
Apres ce debacle, je m"enfuyais dans les bruits confus de la rue, un brouhaha sourd qui crepitait sans fin et auquel je m"accomodais facilement car je me sentais chez moi.
Dans ma chambre d"hotel, hotel Rembrandt sur le boulevard Pasteur,je me regardais au mirroir, mon visage taciturne avait pali et mes yeux tristes s"emplissaient de buee, et avec mon regard mouille, J"attendais
un appui. C"etait une emotion continue, c"etait le visage reprehensible de mon identite, une sorte de culpabilite pour laquelle j"avais ete arrache de ma ville natale sans bien encore comprendre la nature de mon delit.
Ron Levy Joseph,Beersheva, Israel, Decembre2007