QUI SE SOUVIENT DE LALLA amina
hassan
Née à Madagascar en 1953, pendant l'exil de feu SM Mohammed V, la Princesse Lalla Amina est restée très proche des couches les plus vulnérables du peuple. Portrait
Lalla Amina, Une Princesse sans chichis
Mouna Izddine
C'est l'histoire d'une Princesse marocaine pas comme les autres. Une Princesse née le 8 avril, un beau jour de printemps 1954, dans une île lointaine du Pacifique nommée Madagascar.
Lalla Amina est le fruit de l'union entre son père, le Sultan Mohammed V et de sa seconde épouse, Lalla Bahia. Dans l'exil forcé de sa famille, ordonné par le colon français le 20 août 1953, la petite princesse vit ses premières et tendres années au milieu de son père, et ses frères et sœurs, dont le Prince héritier et futur Roi du Maroc, Hassan II.
Lalla Amina, haute comme trois pommes, fait déjà montre d'un caractère trempé dans l'acier. Petite rebelle, elle refuse la présence permanente de gardes du corps à ses côtés et ne brille pas non plus à l'école. Pourtant, ou peut-être bien pour cette raison, c'est une enfant d'une intelligence étonnante. Lalla Amina se rebiffe en fait dès lors qu'il s'agit de règlements, de contraintes et de convenances.
Elle se passionne très tôt pour le cheval, cet animal noble. Racé, fier, fidèle et indompté à la fois. Peu démonstratif, mais d'une loyauté et d'une affectivité à toute épreuve. Sportive, robuste, avide comme lui de liberté, d'indépendance et de grands espaces, Lalla Amina, qui devient vite une cavalière hors pair, retrouve auprès de ce compagnon à quatre pattes quiétude et sérénité. Son monarque de père, percevant précocement, derrière son tempérament farouche et sanguin les qualités humaines et altruistes de sa fille, lui confie, à la fleur de l'âge, la présidence de la Ligue marocaine pour la Protection de l'Enfance, créée en 1957, deux années après le retour de la famille alaouite au pays.
Pour Lalla Amina la philanthrope, c'est le déclic. La voie du social lui est dès lors royalement ouverte. Ses études primaires et secondaires au Collège Royal de Rabat achevées, elle entame des études supérieures en philosophie. Lalla Amina maîtrise l'arabe, le français et l'anglais.
Prise dans ses occupations sociales multiples, Lalla Amina n'en oublie pas pour autant sa passion originelle, le cheval, qu'elle qualifie de « plus belle conquête de l'homme». Elle monte une écurie privée pour l'élevage des chevaux à Sidi Brini et lance la célèbre Semaine du Cheval en 1980. Parmi ses objectifs, démocratiser pour les Marocains l'accès à ce sport dit d'élite. Lors de cette kermesse annuelle devenue désormais incontournable, c'est elle-même, aidée de ses employés, qui établit l'ordre et chapeaute rigoureusement, point par point, l'événement. Des dizaines de participants du monde entier et près d'un million de visiteurs, des familles notamment, affluent tous les ans à l'hippodrome Dar Essalam de Rabat pour ce spectacle à ciel ouvert. La princesse, qui préside depuis 1999, la Fédération royale marocaine des Sports équestres (FRMSE) et le Trophée Hassan II des Arts équestres traditionnels, a, par ailleurs, contribué à faire du Maroc un pays exportateur de chevaux. L'engagement de Lalla Amina pour la promotion de l'équitation dépasse les frontières du Maroc. La Princesse est ainsi élue première dirigeante sportive d'Afrique en 2003.
Fort courtoise, parfaitement au fait du savoir-être et des exquises manières inhérentes à l'éducation de toute dame de lignée royale, Lalla Amina est fière de son appartenance à la famille royale et de sa descendance aristocratique. Mais elle n'en refuse pas moins le protocole de la Cour, ses codes complexes et séculaires.
C'est d'ailleurs pour échapper à l'emprise de son frère, l'intransigeant Hassan II, que Lalla Amina épouse Moulay Driss El Ouazzani.
Cette dame au grand coeur a quelque chose en elle de Lady Di de par sa générosité envers les faibles et les démunis, son amour pour les enfants et les choses simples de la vie.
Femme de l'ombre, noble dans son humilité, touchante dans sa discrétion, Lalla Amina a les paillettes en horreur et n'aime pas attirer l'attention sur elle. Dans les cérémonies officielles, elle se distingue par son look décontracté. On remarque davantage son sourire que ses vêtements sobres et sa coiffure à la garçonne. Vous ne la verrez quasiment jamais en tailleur ultra-chic, création sur-mesure d'un grand couturier pour grandes dames du monde, ou en caftan makhzénien, tenues pourtant toujours de rigueur chez les femmes de la Cour marocaine, malgré un allégement sensible du protocole vestimentaire princier depuis quelques années.
Les passe-droits? Ce n'est vraiment pas sa tasse de thé. Comme n'importe quel autre Marocaine, elle s'arrête aux feux rouges, et, quand l'envie lui en prend, elle s'attable avec ses amis à un quelconque troquet de la ville. Seule compte pour Lalla Amina la bonne compagnie.
C'est que la Princesse croit énormément en l'amitié et n'affectionne pas la solitude. Sociable, curieuse de tout, elle adore organiser des dîners avec ses amis où, des heures durant, elle refait le monde en leur compagnie, débattant de la polémique autour du dernier film hollywoodien, des sorties littéraires européennes, des phénomènes de société ou des derniers événements politiques dans le monde. Autodidacte, Lalla Amina s'est forgé au fil des ans un surprenant bagage culturel de grande intello.
Son temps libre, Lalla Amina le consacre aussi à sa passion pour la nature, les animaux, en particulier les chevaux. Douce et maternante, la princesse entretient elle-même son jardin et refuse que quelqu'un d'autre qu'elle-même s'occupe du toilettage de ses deux chiens. Mais, lorsque le climat quelque peu contraignant de la Cour lui pèse un peu trop, Lalla Amina s'évade. Elle part camper avec des amis sur une quelconque plage sauvage dans le Nord ou au Sahara, là où elle est sûre de se déconnecter.
Son statut de membre de la famille royale, Lalla Amina le met à profit pour la bonne cause.
Chez cette dame à l'époustouflante dynamique, la figuration et les discours creux n'ont pas lieu de cité. S'il y a quelque chose qu'elle ne supporte pas, c'est bien l'oisiveté. Ses proches racontent qu'elle dort peu et qu'il lui suffit d'une heure d'inactivité pour s'ennuyer fermement. C'est qu'il y a tant des choses à faire, comment peut-on prendre plaisir à se languir quand tant de personnes attendent notre aide?
La Princesse est là où le besoin se fait ressentir. Présidente de la Ligue de Protection de l'Enfance, de l'Organisation marocaine des Mères, de l'Organisation panafricaine de Lutte contre le Sida (OPALS) et présidente d'honneur de l'Association «Hadaf» pour la protection des personnes handicapées, porte-parole active de l'enfance marocaine auprès de l'UNICEF notamment, elle cumule les fonctions sans jamais se démonter.
Divorces pénibles, enfants abandonnés, maltraités ou femmes victimes de violences, erreurs judiciaires, demandes d'emploi, aide aux handicapés, dans son cabinet à Rabat, Lalla Amina reçoit les demandes des citoyens qui font appel à elle, intercédant autant qu'elle peut en leur faveur. Son bonheur, sa raison d'être, c'est la reconnaissance de ces familles en détresse à qui elle a rendu le sourire. En retour, Lalla Amina jouit d'une aura de femme respectable et à l'écoute des autres. La famille a toujours été un « point faible » pour Lalla Amina. C'est à elle que le petit Sidi Mohammed (le futur roi Mohammed VI) courait confier ses soucis d'enfant et ses peines d'adolescent. Quand le Prince héritier voulait transmettre un message à son monarque de père, c'est aussi à son attentive et compréhensive tante qu'il s'adressait, contournant les circuits officiels. A ce jour, Lalla Amina et SM Mohammed VI sont d'ailleurs demeurés très liés. De son défunt mari, Lalla Amina a eu une seule fille, Lalla Soumaya, épouse de Karim Tazi, pilote à la RAM, qu'elle a toujours entourée d'amour et d'affection.
Lalla Amina fêtera bientôt ses 53 ans. Rêveuse et pragmatique à la fois, elle continue à se battre pour ces nobles causes qui lui tiennent à cœur. Bien des jeunes d'aujourd'hui lui envieraient son tonus et son ambition.