Ne répondons pas aux provocations du minus habens "gilou" maus voici plutôt quelques références pour éclairer (il en a bien bsesoin après les énormités des sieurs gilou, lionel, tartenpion et consorts) le forum sur les résidents généraux pendant le protectorat. :
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Juin au service de Vichy (http://fr.wikipedia.org/wiki/Alphonse_Juin)
Issu d'une famille modeste (fils de gendarme),francaise d'Algerie, il sort major de Saint-Cyr en 1912 dans la même promotion que le général de Gaulle. Pendant la Première Guerre mondiale, Alphonse Juin se bat au Maroc jusqu'en 1914, puis sur le front français à la tête des tabors marocains. Grièvement blessé en Champagne en 1915, il perd définitivement l'usage de son bras droit. Nommé général de brigade en 1938, il reçoit à la mobilisation le commandement de la 15e Division d'Infanterie Motorisée : couvrant la retraite sur Dunkerque, cette unité est encerclée dans la poche de Lille et combat avec le groupement du général Molinié jusqu'à l'épuisement de ses munitions. Juin est fait prisonnier et interné à la forteresse de Königstein. Libéré le 15 juin 1941, sur la demande du gouvernement de Vichy, en application des accords de Paris (accords de collaboration militaire) passés par Darlan avec l'Allemagne, il est nommé commandant en chef des forces d'Afrique du Nord. Il se rend alors en Allemagne, le 20 décembre 1941, avec le ministre de Brinon, pour y rencontrer le maréchal Göring, qui lui demande d'accueillir en Tunisie les troupes germano-italiennes de Rommel, en cas de repli de ces dernières. Brinon, qui accompagnait Juin, a soutenu que ce général aurait alors répondu très favorablement à Göring. Juin, au contraire, affirme dans ses mémoires qu'il aurait opposé à Göring son refus le plus formel. Ce qui est certain c'est que, dans la pratique, lors de l'entrée des Germano-italiens en Tunisie, le 9 novembre 1942, les subordonnés de Juin allaient leur livrer ce protectorat sans un seul coup de feu, dans le même temps qu'ils tiraient sur les alliés à Oran et au Maroc, ce qui confirmerait les déclaration de de Brinon lors de son procès. Le 8 novembre 1942, lors du débarquement allié en Afrique du Nord, Alphonse Juin fut d'abord arrêté par un groupe de jeunes patriotes commandés par l'aspirant de réserve Pauphilet, tandis que 400 civils mal armés neutralisèrent son XIXe Corps d'Armée à Alger, et permirent ainsi aux alliés de débarquer sans opposition, d'encercler la ville et d'obtenir sa capitulation le jour-même. Juin, destinataire d'une lettre de F. Roosevelt lui demandant d'accueillir les troupes alliées en amies, rejeta cette demande qui fut présentée par le consul Murphy, en s'abritant derrière l'autorité de l'Amiral Darlan, présent à Alger, puis, libéré au matin par la garde mobile, il organisa la reconquête de la ville contre les résistants. À 17 heures 30, alors que la résistance tenait encore son principal point stratégique, le Commissariat central, et que les alliés pénétraient enfin dans la ville, Juin capitula, mais pour Alger seulement. Le même 8 novembre 1942, à Oran et au Maroc, les subordonnés de Juin, qui n'avaient pu être neutralisés comme à Alger, y accueillirent à coups de canons les alliés, tandis qu'ils allaient livrer sans résistance la Tunisie aux Allemands. Pendant ce temps à Alger, Juin, commandant en chef et Darlan commencèrent par refuser d'ordonner le cessez le feu au Maroc et la reprise du combat aux troupes de Tunisie. Il fallut 3 jours de pression et de menaces du général américain Clark, pour que Juin et Darlan ordonnent enfin le cessez-le-feu les 10 et 11 novembre 1942 (coût humain de ces 3 jours d'obstination de Juin et Darlan : 1 346 tués Français et 479 alliés + 1 997 blessés français et 720 alliés). Juin donna enfin, le 14 novembre, l'ordre à l'armée de Tunisie repliée sur la frontière algérienne, de faire face aux Allemands, mais son chef le général Barré attendra jusqu'au 18 novembre pour reprendre le combat. L'armée de Tunisie renforcée par des éléments alliés allait alors se battre très courageusement, mais le coût humain des 6 mois de guerre nécessités ensuite pour reconquérir la Régence qui n'avait pas été défendue allait être très élevé. Juin, sous l'autorité de Darlan, autoproclamé Haut Commissaire de France en Afrique et du général Giraud (voir Régime de Vichy en Afrique libérée (1942-1943)), se rallia enfin aux Anglo-Américains et reçut le commandement des forces françaises engagées en Tunisie. Celles-ci, qui ne demandaient qu'à se battre, contribuèrent, au prix de lourdes pertes à l'anéantissement des forces d'occupation de l'Axe et de l'Afrika Korps de Rommel.
- 1951, résident général au Maroc il s'oppose au sultan Mohammed V ben Youssef et au parti nationaliste, en s'appuyant sur Thami El Glaoui, pacha de Marrakech.
Son bras droit est alors Marcel Vallat 1898-1986. : Fils de Louis-Ferdinand Vallat (1871-1919) et de Louise-Eugénie Périnet (1878-1963), il s'unit à Solange Ponty (1908-1989) avec laquelle il a trois enfants. Ses études au lycée de Troyes, puis Lakanal (Sceaux) sont interrompues par la guerre de 1914-1918. Mobilisé dans l'artillerie, il est blessé à Verdun. Sa licence de lettres achevée, il apprend l'arabe, et sort diplômé de l'Ecole des langues orientales. En 1923, pendant la guerre du Rif, il est professeur au Collège musulman de Fès. Ses gendres, Claude Dallier, contrôleur civil, et Jean Bernhardt, officier des affaires indigènes, travailleront sous ses ordres. Il est en 1948, Directeur de l'Intérieur, bras droit du Résident le Général Alphonse Juin. Il est, en 1953, avec le Pacha de Marrakech, Thami El Glaoui, l'artisan de la déposition du Sultan Mohammed ben Youssef - Mohammed V du Maroc - et de son remplacement sur le trône marocain par Mohammed Ibn Arafa, plus favorable à la présence française. S'opposant aux extrêmistes, en particulier l'Istiqlal, aux influences étrangères et aux transactions métropolitaines, il ne peut empêcher le retour de l'ancien sultan, évènement qui aboutira, en 1956, à l'indépendance du Maroc.
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Charles-André Julien
Homme politique, journaliste et historien spécialiste du Maghreb (1891-1991)
Charles-André Julien, arrivé en Algérie à l'âge de 15 ans, fut très tôt marqué par l'iniquité du système colonial. Il s'engage dans l'action politique dans les rang du parti socialiste et fait la connaissance d'intellectuels et d'hommes politiques opposés au système colonial parmi lesquels : Félicien Challaye, André Gide et Albin Rozet.
En 1917, Charles-André Julien est président de la Ligue des droits de l'homme et est élu en 1920 conseiller général, socialiste, d'Oran. En 1921, il rencontre Lénine et Trotski à Moscou, mais au au congrès de Tours, il se range du côté de la SFIO (socialiste). Il devient un collaborateur de Léon Blum, qui en 1936, le charge de créer une structure, le Haut comité méditerranéen, afin de proposer des solutions aux problèmes de l'Algérie, de la Tunisie et du Maroc. En 1945, il est élu conseiller de l'Union française de 1947 à 1958.
« En 1931, il écrit son premier livre, Histoire de l'Afrique du Nord; dans ce livre, il contredit les thèses colonialistes selon lesquelles l'histoire de l'Algérie commence à partir de 1830. Après s'être constitué un réseau d'informateurs, il parvient à recruter ses correspondants au sein même des mouvements indépendantistes comme dans le clan de Bourguiba avec qui il se lie d'amitié. Dans les années 1930, il devient le secrétaire de rédaction de la Revue historique. » (Wikipedia)
Charles-André Julien a enseigné à l'École de la France d'outre-mer, à l'Institut d'études politiques de paris, à l'ENA et à la Sorbonne. Il fût aussi fondateur et doyen de la Faculté des lettres de Rabat (1957-1961). Il est mort en 1991 alors qu'on s'apprêtait à fêter son centenaire, Charles-André Julien a mené de front, sa vie durant, un même combat contre le colonialisme et pour l'histoire.
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(...) Lors d'un voyage en Russie, il rencontre lors du Congrès de Moscou en 1921 l'intelligentsia révolutionnaire, Lénine, Trotsky, Gorki et Hô Chi Minh. Il espère voir les révolutionnaires s'engager contre le colonialisme, ce qui n'est pas le cas à cause des difficultés que rencontrent les révolutionnaires dans leur pays. Mais plus tard, il décide de quitter l'extrême gauche pour le Front populaire. C'est par cette occasion, que Léon Blum l'appelle à Matignon et le charge de créer une nouvelle administration, le Haut Comité méditerranéen qui devait permettre au Front populaire de trouver des solutions aux problèmes liés à l'Algérie et aux protectorats marocain et tunisien. Il conçoit un centre de documentation pour le chef du gouvernement et rédige avec Pierre Viénot des notes de synthèses faisant des propositions concrètes.
Après la chute de Léon Blum, il travaille pour Albert Sarraut. Après la Seconde Guerre mondiale, il est nommé au Conseil de l'union française, ce qui lui permet de travailler à la bibliothèque parlementaire où il a en main tous les travaux de l'assemblée. En 1931, il écrit son premier livre, Histoire de l'Afrique du Nord; dans ce livre, il contredit les thèses colonialistes selon lesquelles l'histoire de l'Algérie commence à partir de 1830. Après s'être constitué un réseau d'informateurs, il parvient à recruter ses correspondants au sein même des mouvements indépendantistes comme dans le clan de Bourguiba avec qui il se lie d'amitié. Dans les années 1930, il devient le secrétaire de rédaction de la Revue historique.
Professeur d'université, membre du Parti socialiste, conseiller de l'Union française, il est alors marginalisé et surveillé par les autorités. Il dénonce alors les abus de la politique française au Maghreb, et s'indigne des dérives de la IVe République. Il défend également les Maghrébins et mène une contre-enquête après la mort du syndicaliste tunisien Farhat Hached, où il accuse l'organisation de la Main rouge et la résidence d'être à l'origine de sa mort. Lors de la crise marocaine, il se fait le conseiller du sultan Mohammed V. L'après Seconde Guerre mondiale marque l'éclatement de révoltes dans les quatre coins de l'Empire colonial français, d'abord en Algérie à Sétif, puis en Indochine et enfin, en 1947, à Madagascar. C'est après la révolte de Madagascar, durement matée, qu'il décide de s'engager dans la voie journalistique.
Il participe à la création du journal Le Monde, ce qui lui permet de gagner l'amitié de son fondateur, Hubert Beuve-Mery. Le 19 avril 1950, il signe un papier dans Le Monde, où il demande à la France de réviser sa politique de protectorat en Tunisie et en particulier le traité du Bardo et de la Marsa qui sont, pour lui, politiquement dépassés. Après l'indépendance du Maroc, il est invité par le roi Mohammed V à fonder l'université marocaine. Il est nommé premier doyen de la faculté des lettres de Rabat, et il assumera en même temps la charge de professeur à la Sorbonne. Après avoir quitté ses fonctions universitaires, il continue à travailler sur l'Afrique du Nord en dirigeant une collection de biographies. Il meurt en 1991.
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Varia : 20 août 1953: Déposition du sultan Mohammed V (Maroc)
En 1927, Mohammed V est choisi par la France comme sultan du Maroc au détriment de ses deux frères aînés. Sous Vichy il refuse d'appliquer les mesures antijuives et de s'opposer au débarquement anglo-américain. Encouragé par les Américains et l'émergence de la Ligue arabe, il laisse paraître en 1945 sa sympathie pour la cause de l'indépendance soutenue par l'Istiqlal, le parti nationaliste. En 1947, à la suite des massacres de Casablanca, le Sultan, dans son discours de Tanger, omet de parler de l'action civilisatrice de la France et évoque la Ligue arabe. Bidault, déclare au Conseil des ministres du 14 mai 1947, après le départ des ministres communistes : « Cet homme [le sultan], dont le passé jusqu'à maintenant est pénible, est hostile à la France et vient de le manifester. Il faut le remettre dans le creux. » Bidault oublie aussi que de Gaulle a fait Mohammed V Compagnon de la Libération pour le rôle des troupes marocaines dans la campagne d'Italie et la libération de la France. Le gouvernement remplace le résident Labonne, trop libéral, par le général Juin qui prend des mesures « sévères » . En 1952, ce dernier mobilise les tribus berbères et le pacha de Marrakech, le Glaoui contre le sultan . Le général Guillaume, qui succède à Juin dépose le sultan, sous le gouvernement Laniel, dans lequel Bidault détient le portefeuille des Affaires étrangères. Le sultan est déporté en Corse puis à Madagascar en 1954. Il est remplacé par son cousin Ibn Arafa, en violationdu traité de 1912 qui exclut l'administration directe, pratiquée de fait par le protectorat. Les nationalistes engagent la lutte armée, avec des attentats et une reprise de la guérilla dans le Rif. La France réprime et les colons font du contre-terrorisme. Pris par la guerre d'Algérie, le gouvernement Edgar Faure rappelle, en 1955, Mohammed V qui fait un retour triomphal au Maroc. La France reconnaît l'indépendance du Maroc le 3 mars 1956 et l'Espagne, le 7 avril.
Sources : Yves Benot, Massacres coloniaux, La Découverte, 1994, p. 136, 160, 163.
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Décrivant la situation à l’époque, Charles André Julien notait "L’exil du sultan était une de "ces fautes capitales" dont parle le Cardinal de Retz "après quoi l’on ne peut plus rien faire qui soit sage". Pourtant, tout semblait réussir aux exécuteurs des basses oeuvres". La déposition de feu S.M. Mohammed V n’a pas donné lieu dans l’immédiat à une réaction d’éclat de la part des citoyens.
(http://www.bladi.net/2044-il-y-a-41-ans-avec-l-exil-de-mohammed-v-la-france-signait-sa.html)
La résidence générale avait choisi aussi une conjoncture internationale qui lui semblait favorable avant d’éviter les réactions chaudes, notamment de la part des Américains. Ainsi, les forces coloniales constataient certes, la tristesse profonde des Marocains à l’annonce de la nouvelle, mais elles croyaient avoir réussi leur opération. Néanmoins, dès l’annonce de la nouvelle de l’exil du Roi et de sa famille, les citoyens marocains s’étaient accrochés à leur radio pour écouter la voix du Mouvement national diffusé par la radio égyptienne. C’était Allal El Fassi qui s’exprima ce soir-là pour remettre les pendules à l’heure. Le 20 août 1953 correspondait à la fête de l’Aid El Kebir et le leader nationaliste a dénoncé vigoureusement dans son discours la France, pour avoir transformé un jour de fête des Marocains en un jour de deuil. "Le vrai Roi du Maroc est et reste Mohammed V", avait déclaré Allal El Fassi, insistant sur la revendication de l’indépendance nationale et assurant que tout sera fait pour restituer au Maroc sa liberté et chasser les usurpateurs du Trône.
C. André Julien poursuit le récit des événements comme suit : "Dès le 21 août, les représen-tants, des quinze Etats arabo-asiatiques à l’ONU, soutenus par une opinion publique qui, dans tout le monde musulman, manifestait sa réprobation, saisirent le Conseil de sécurité, en raison de la menace que l’exil du sultan faisait peser sur la paix en Afrique du Nord."
Le Conseil de sécurité sous l’influence de la France a refusé d’inscrire la question à son ordre du jour. Mais les quinze pays ont soumis l’affaire à l’Assemblée générale de l’ONU où les débats ont démontré l’avancée incontestable des revendications nationales du Maroc et de la Tunisie à l’échelle nationale.
Au niveau national, le montage aménagé par l’administration coloniale avec la collaboration de Glaoui et de Kittani avait démontré son échec dès la première semaine de l’exil de la Famille Royale. C’est toujours C.A. Julien qui constate dans l’un de ses écrits "Ben Arafa, ne gagna aucun prestige par sa désignation par les "oulemas", les citadins à proportion de 90% de l’avis même des personnes averties, demeuraient fidèles à Mohammed V". Le même auteur cite une enquête d’un responsable français au Maroc où ce dernier avait écrit : "Même ceux qui n’étaient pas nationalistes avaient été profondément blessés par la déposition du Roi."
Les anecdotes couraient le Royaume sur le ridicule et les mésaventures vraies ou supposées de Ben Arafa et même les colons français ont été pris à ce jeu à l’époque.
Autre fait, fut celui des mosquées qui se vidaient de fidèles à la prière du Vendredi ; les gens ne voulaient pas prononcer les assentiments rituels des pêches concernant le Roi et que les Français obligeaient les Imams à les destiner à Ben Arafa.
En tout cas, très rapidement la résistance s’est organisée dans tout le Royaume ; les opérations des cellules armées se sont multipliées ; un nouveau tournant de la cause marocaine avait été pris aboutissant au retour de S.M le Roi Mohamed V, et de sa Famille. Un retour digne, triomphal que les Marocains avaient fêté unanimement.
L’heure de l’indépendance avait sonné !
Libération ( Maroc )
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Biblio de C. A. JULIEN
Histoire de l'Afrique du Nord, édition Payot, ISBN 2228887897
L'Afrique du Nord en marche, édition Omnibus, ISBN 2258058635
Les voyages de découverte et les premiers établissements (XVe ‑ XVIe siècles), édition Gérard Monfort, ISBN 2852265516
Et la Tunisie devint indépendante, 1951-1957, édition Jaguar/Jeune Afrique, ISBN 2852583720
Histoire de l’Afrique blanche, édition Paris-Puf-1966
Préface à Aimé Césaire, Toussaint Louverture : La Révolution française et le problème colonial, édition Présence africaine, ISBN 2708703978
Une pensée anticoloniale, édition Sindbad, ISBN 2727400365
Techniciens de la Colonisation, édition Pays d'Outre-Me, ISBN 2130408397
Histoire de l'Algérie contemporaine - tome 1 seul : la conquête et les débuts de la colonisation 1827-1871
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Daniel RIVET, Le Maroc de Lyautey à Mohammed V
Le double visage du Protectorat,
Paris, Éditions Denoël, 1999, Collection L’aventure coloniale de la France, Destins croisés, 464 p., 250 F
Onze ans après la publication de sa thèse monumentale (Lyautey et l’institution du Protectorat français au Maroc, 1912-1925, Paris, L’Harmattan, 1988), l’ouverture des “archives de gestion” du Protectorat à Paris et à Rabat et le début de leur exploitation permet à Daniel Rivet de donner corps à un projet qui remonte à son expérience de coopérant à l’université Mohammed V de Rabat au début des années 70 : embrasser dans sa totalité la période couverte par le Protectorat (1912-1956). Visant à se démarquer du travail de la mémoire et de “l’étrange amnésie sur le fait colonial qui enveloppe la société d’où [il] écrit et métamorphose les “tristes tropiques” en tendres tropiques” (p. 18), son ouvrage aboutit à un bilan sans concession, mais loin d’être exempt de tendresse des effets et réalisations du Protectorat au regard de ses ambitions initales. Dans l’esprit des Annales de l’époque braudélienne, “Mon Lyautey au Maroc aurait été un tremplin pour écrire un Maroc à l’époque de Lyautey”, écrivait-il en introduction à sa thèse, en 1985, avant de justifier un recentrage sur son personnage et une place plus large accordée à l’événement. Ici encore, malgré l’ambition affichée par le titre, l’auteur doit admettre qu’il est contraint de louvoyer entre les deux écueils de ce qu’il ne veut pas faire — “une énième histoire politique du Protectorat français au Maroc” et de ce qu’il ne se sent pas en mesure de faire — “un ouvrage sur l’histoire du Maroc prétendant éclaircir son opacité vertigineuse” (p. 14). Tout comme il y a onze ans, il s’agit “d’entrelacer le récit et l’explication, la mise en scène de mon personnage central et la présentation des “forces profondes” sans leur donner la dimension de fatalités.” Lyautey…, p. 13). A cette différence près que le personnage central “à la fois abstrait et incarné” (p. 16) de cette histoire n’est plus Lyautey, mais bien ce Protectorat qu’il avait institué et personnifié, au point que “l’icône moustachue” s’impose à ses successeurs et à tous les acteurs comme une statue du commandeur (p. 134). Ce parti-pris lui permet de livrer une perspective d’ensemble, non à la manière d’un manuel — l’événement y est trop souvent traité de façon allusive —, mais au travers d’une série de questions systématiquement énoncées auxquelles une démonstration, étayée par une documentation éclectique et servie par une plume claire, permet d’apporter des réponses : une histoire-problème que n’auraient pas désavouée les fondateurs des Annales.
Le double visage du Protectorat, c’est peut-être d’abord ces deux figures de Lyautey et Mohammed V, campées aux deux extrémités du texte : le premier sur la “ligne de partage des eaux” entre une période exaltante et féconde (1912-1918) et une phase déclinante qui s’ouvre dès 1919 ; le second saisi de son avènement (1927) à la formation de son premier gouvernement en 1956, trois décennies au cours desquelles les Marocains, peu à peu, “redeviennent les acteurs de leur propre histoire” (p. 17). L’un et l’autre n’eurent pas seulement l’intelligence politique de capter des aspirations éminemment contradictoires ; ils furent aussi les points de cristallisation de ce “processus ayant des effets tangibles sur des hommes concrets” (p. 17) que représente aux yeux de
Daniel Rivet le Protectorat.
Les deux premiers chapitres “couvrent” sa mise en place. Le premier est empreint d’une fascination avouée pour ce “grand lord colonial de la Troisième République”. Lyautey, en rupture avec le milieu colonial métropolitain, et fort du savoir-faire des officiers d’élite héritiers des “bureaux arabes” d’Algérie, sut comprendre, à chaud, la dimension patriotique du soulèvement d’août 1912, et en tirer toutes les conséquences politiques qui donnent à ce “premier Protectorat” un aspect particulièrement novateur : préférer la collaboration à l’administration directe, restaurer l’autorité du Makhzen central, circonvenir les élites urbaines en instaurant des espaces de délibération et en se posant en recours contre la colère des tribus, imposer à celles-ci le maintien des seigneurs de guerre mais protéger leurs droits par une législation conservatoire de leurs biens qui sut, sans totalement enrayer la dépossession foncière, soustraire leurs terres aux appétits des colons. C’est l’une des composantes de son charisme que d’avoir su convertir son entourage à cette “politique des égards” respectueuse de l’Islam sans équivalent dans le reste de l’empire colonial français.
Le chapitre suivant inscrit la “pacification” lyautéenne dans le contexte plus large d’une “guerre de trente ans” “qui a pour foyer le Maroc du début du siècle à l’orée des années 1930” (p. 51). Guerre “chloroformée”, puisqu’à l’exception de l’épisode rifain de 1925, on ne parlait que de “pacification” et de “soumission” de “tribus dissidentes”. L’énormité des moyens déployés, conflit autorisant toutes les permutations de rôles donnent à cette “guerre confuse, trouble,glauque
par moments” (p. 83) sa physionomie particulière. Stylisée comme une Illiade ou un tournoi — au moins jusqu’à l’intervention massive de l’aviation —, elle ne relève plus du “primitivisme colonial” (p. 71) de la guerre d’Afrique façon Bugeaud, et pas encore des guerres de décolonisation, totales, et marquées par le terrorisme civil. La violence coloniale répond à la violence archaïque des tribus et la redouble ; mais elle contribue aussi à la détourner et à “contraindre le colonisé à désapprendre la culture de la violence, dans laquelle il baignait” (p. 84). Elle n’en demeure pas moins le revers sombre et lancinant de ce “premier Protectorat”. En contrepoint, sur la fin du régime, avec la figure de Mohammed ben Youssef, on assiste à la transformation d’un “sultan décoratif pour Protectorat tranquille” (p. 382) en “malik” souverain d’un peuple devenu nation. (chapitre 11) Il y eut, certes “les remarquables dons politiques” (Charles-André Julien) d’un homme “patient, obstiné, subtil” (p. 385), soucieux de ses prérogatives, qui prit conscience de son rôle historique lors du débarquement américain (10 novembre 1942) et sut mieux que quiconque moduler son discours en fonction de ses interlocuteurs. Mais Daniel Rivet montre surtout à quel point le personnage fut un produit même du Protectorat : dans le choix opéré parmi ses frères qui le porta au trône, dans l’apprentissage, chaperonné par Noguès et son épouse, de son rôle de sultan vis-à-vis des grands feudataires du Sud, et plus encore dans la genèse de ses soutiens politiques (notamment l’Istiqlal) et la cristallisation du “mythe de Sidna” (Jean Lacouture) : le Protectorat finissant en fut, jusque dans la “politique de choc frontal de la Résidence” et le “conservatisme obtus” de Paris, le véritable accoucheur. Le nationalisme au sens moderne, dont le chapitre 10 retrace la construction et la diffusion, ne procède pas, en effet, du “patriotisme confessionnel des sociétés tribales”. Il prend acte au contraire de la réalité du Protectorat et retourne “contre le colonisateur le langage et les instruments de la modernité qu’il introduisait sur place” (p. 357). De même, “la passion youssefiste” (p. 373) qui anima les femmes des médinas lors de la déposition du sultan et marqua leur irruption sur la scène publique peut-elle être considérée comme une manifestation — il est vrai très ambiguë et infra- politique — de l’émergence de la “femme nouvelle”. On comprend dès lors l’enjeu que représente pour l’auteur de mettre au jour ces “forces profondes” à l’œuvre dans une société marocaine dont il souligne, au chapitre 3, la grande diversité. C’est à cela que sont consacrés les chapitres centraux. Une question sous-jacente pourrait en constituer le fil directeur : quels changements le Protectorat a-t-il induits On pourrait y adjoindre
une question subsidiaire : comment le Protectorat prend-il acte de “cette nouvelle configuration sociale et politique [engendrée] à son corps défendant” (p. 304) ? Le chapitre 9 s’attache à y répondre de façon plus nuancée qu’en concluant à l’immobilisme d’une “politique indigène”. Celle- ci fut largement remise en cause après 1945 au profit de véritables essais d’action sociale, qui n’étaient pas uniquement destinés à servir des desseins politiques. Le double visage du Protectorat, c’est peut-être alors dans l’écriture qu’il est le plus perceptible, dans cette manière systématique qu’a Daniel Rivet de préciser par le terme arabe ou berbère le concept français qu’il vient d’énoncer — ou vice-versa. Ce n’est pas là simple coquetterie d’orientaliste, même si l’absence de glossaire est susceptible de rendre plus ardue la lecture de l’ouvrage au non-arabisant. Le caractère récurrent du procédé permet, certes, comme dans d’autres livres consacrés à l’étude du monde arabe, de lever les ambiguités de la traduction concernant les institutions ou les fonctions ; il invite surtout ici à ne pas prendre au mot le discours que le colonisateur plaque sur le réel. Il fonctionne comme une manière de rappeler, en permanence, qu’en situation coloniale, toute réalité est sujette à une double énonciation avant même d’être l’objet de visions distinctes. Il renvoie à la méthode, bien rodée par Daniel Rivet, qui consiste à croiser les archives d’État, irremplaçables, avec “d’autres traces écrites ou orales de cette histoire à peine refroidie” (p. 17) : appareil statistique d’État, indicateurs économiques, rapports officiels et mémoires de stages réalisés par des contrôleurs civils et officiers des Affaires indigènes, mais aussi enquêtes ethnographiques ou sociologiques, entretiens semi-directifs mettant en œuvre les procédés de l’histoire orale, analyses de presse, recours aux indices de l’anthroponymie ou à une iconographie parlante, dont quelques échantillons sont insérés en pages centrales. On ne pourra qu’énumérer les questions abordées, donnant lieu à autant de tableaux particulièrement suggestifs. Le Protectorat, ce fut d’abord “une expérience de transplantation étatique” (chapitre 4) : greffés sur un Makhzen rénové et fonctionnarisé qu’ils finissent par éclipser, les services résidentiels s’hypertrophient et se complexifient, s’affirment comme “un lieu de gestion de la société globale” (p. 130). Cet État technocratique à l’extrême échouera, jusqu’à la fin du Protectorat à constituer un encadrement marocain, et demeurera toujours “le Makhzen des Français”. Il n’en reste pas moins qu’il constituera la matrice fonctionnelle de l’État marocain jusqu’au début des années 1980. Le bilan de son action dans le monde rural (chapitre 6), considéré à l’aune de “l’archaïsme équilibré des campagnes avant 1912” (chapitre 5) est mitigé les illusions
du premier Protectorat s’évanouissent avec la crise de 1929 et le retour des grandes calamités naturelles provoquant la disette de 1937-1938 et la grande famine de 1944-1945. En dépit d’indéniables efforts demeurés souvent inefficients, la croissance de la production agricole fut celle des surfaces cultivées, et ne fut que ponctuellement corrélée à une mutation du vieux système agraire si vulnérable. Mais le décalage entre les intentions et les réalisations éclate surtout au grand jour dans “les métamorphoses de la ville marocaine” (chapitre 7). L’urbanisme lyautéen, si novateur, “ne résiste ni à la rupture d’équilibre qui affecte la société rurale et jette un million d’hommes — en une génération — dans les villes de la côte atlantique, ni à la pression de la spéculation” (p. 227), la ville devenant le lieu de l’affrontement privilégié entre Européens et Marocains. Enfin, les politiques scolaires et sanitaires (chapitre 8), si elles se heurtent, pour les premières, à “des résistances sourdes et agissantes” et confinent pour les secondes jusqu’en 1945, à un véritable “despotisme sanitaire”, furent de réels vecteurs de changement. Ce qui les réunit dans un même chapitre, c’est peut-être, après 1945, l’adhésion commune des Juifs, des femmes et de l’élite à ces institutions emblématiques de la modernité. Le double visage du Protectorat, c’est peut-être enfin, derrière la brutalité du fait colonial et la mutation de la colonisation — “cette étape ambivalente du processus d’occidentalisation des mondes” — en colonialisme “vulgaire et abject” (p. 391), la quête presque obsessionnelle et la mention régulière des “Justes” à la façon dont les dépeint Camus, qui agirent, de façon souvent anonyme, dans l’ombre du Protectorat, et parfois même contre lui. Il en souligne la présence parmi les médecins, les travailleurs sociaux, les officiers, les enseignants, les religieux ou les intellectuels, ceux-là mêmes qui “considèreront que le Protectorat se transcende dans la coopération, qui en est non pas la négation, mais l’aboutissement” (p. 428). Il y eut aussi cette “catégorie d’inclassables, échappant à toute réduction sociologique : ceux qui vouèrent à ce pays une passion inextinguible
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