Installation des Juifs au Maroc
Posté par:
akachmir (IP enregistrè)
Date: 05 novembre 2007 a 20:06
Préhistoire :
L’ancienneté de l’installation des Juifs au Maroc ne fait pas de doute bien que l’histoire en ait gardé peu de traces et qu’en ce domaine les hypothèses sont plus fréquentes que les certitudes. Des légendes, des mythes tenaces et concordants, des témoignages troublants affirment l’ancienneté des relations entre la Terre de Canaan et l’Ifriquia. Dont l’ancêtre ne serait autre que le célèbre chef militaire Goliath (en berbère Jalout).
Cette histoire, c’est à nous de la retrouver, si nous voulons. C’est ce que je me propose de faire, dans cette recherche du temps perdu, dans ce long voyage à travers des siècles, un point d’appui, une oasis pour s’arrêter à chaque étape.
Les Imazighen premiers habitants connus du pays ne seraient selon certaines rumeurs aussi que des…… Philistins, qui auraient préféré volontairement quitter la Palestine au moment de la conquête par Josué ou qui auraient fui les armées de David et de Salomon comme il est écrit dans une stèle retrouvée en Tunisie et selon certaines sources dans le Souss « Jusqu’ici est arrivé Yoav de l’armée du roi David dans sa poursuite des Philistins ». La même tradition se retrouve chez les Juifs de Djerba qui auraient construit leur synagogue, la Ghriba, sur une pierre apprtée du temple de Salomon. Une autre tradition talmudique voudrait qu’une partie des dix tribus perdues ait trouvé refuge au Maroc, dans le Souss.
Une première remarque s’impose : de tous les peuples qui, très tôt, ont commencé à se déplacer en Méditerranée d’Est en Ouest, seuls les Juifs n’avaient aucune visée conquérante ou colonisatrice et tout à fait paradoxalement, de tous les peuples qui se sont succédés, les seuls ont survécu jusqu’à nos jours, s’infiltrant dès le début et s’intégrant dans la trame de la société et de la culture locales.
Quoi qu’il en soit, il semble maintenant définitivement établi que les premiers hebreux se soient installés au Maroc au temps du roi Salomon. Sur les navires phéniciens les commerçants hébreux venaient acheter de l’or à Sala (Salé). Cette présence va renforcer avec la prospérité que va amener Carthage lorsque vers le 8eme siècle avant J.C. Avec Carthage les berbères entrent définitivement dans la sphère sémitique. Très tôt, ils essaimèrent depuis les comptoirs phéniciens côtiers vers l’intérieur des terres, s’insérant de manière organique dans chaque tribu, chaque village, s’imprégnant de l’environnement et l’influençant en retour.
C’est en Afrique du Nord que les Juifs vont rencontrer la Diaspora la plus semitisée. Frères de race et de civilisation ils vont y faire preuve d’un prosélytisme conquérant préparant ainsi le terrain aussi bien au Christianisme que plus tard à l’Islam.
La pénétration, auparavant avant tout maritime, va se faire de plus en plus par la voie terrestre à travers l’Egypte et la Cyrénaique. Selon une tradition orale répandue dans le Sud du Maroc et rapportée par les Rabbins, un vaste royaume juif s’était imposé dans le Souss avec comme capitale Oufrane. Un vaste royaume d’Ephraïm (à l’origine du nom Afriat), aurait imposé son autorité aux tribus berbères et fondé une dynastie. La destruction du second Temple en 70, l’écrasement de la révolte juive en Cyrenaïque lors de la lutte de Bar Kochva contre les Romains en 132 vont accélérer l’arrivée des réfugiés qui vont se répondre dans toute l’Afrique du Nord.
Les Juifs jouissent de toutes les libertés civiles et religieuses comme dans les autres provinces de l’Empire. Il semble que les Juifs s’adonnent à un prosélytisme actif et des tribus berbères se convertissent plus au moins complétement au Judaïsme. Le succés du Judaïsme inquiétait les Chrétiens qui developpent avec succés sa propagande. Mais la domination vandale va être de courte durée. Les Byzantins reprennent le contrôle sous l’Empéreur Justinien (527-567) de toute l’Afrique du Nord. Pendant la période Romaine et Byzantine, les Juifs du Maroc semblent avoir perdu le contact des centres les plus importants de la vie juive en Eretz et en Babylonie. Ils ignoraient le Tamud et la Michna et même l’existence de la fête de Pourim. Nous ignorons si pendant cette période ont été ecrites des œuvres culturelles juives originales et en tout cas l’histoire n’en a conservé aucune trace. C’est là qu’il faut sans doute placer un épisode tragique de l’histoire des Juifs du Maroc : le massacre d’Oufrane, mais la situation, restant au total tolérable en tout cas meilleure que dans les autres provinces. Une des preuves de cette situation plutôt florissante est l’arrivée massive de Juifs d’Espagne vers 612-613 à la suite des persécutions des rois chrétiens Wisigoths
Période islamique :
La chevauchée de l’Islam ne va pas tarder à déferler sur l’Afrique du Nord. C’est à partir de l’Egypte soumise dès 641 que la conquête va s’organiser à partir des années 670. Elle connaît des flux et des reflux et mettre cinquante ans avant de s’imposer et se cimenter définitivement avec la conquête d’Espagne. Le premier raid conduit par Oqba ben Nafî en 670 se termine victorieusement sur les côtes de l’Atlantique et englobe toute l’Afrique du Nord. Après ce premier succès les Imazighen conduits par le prince chrétien Koceila organisent la résistance et repoussent les envahisseurs arabes au dela de la Tunisie. Koceila est tué en 688. C’est alors que va se produire l’épisode qui a le plus enflammé les imaginations, celui de la résistance de la Kahina ; cette reine juive berbère qui stoppa l’avance arabe dans les Aurès. A-t-elle vraiment existé? La question ne se pose plus mais bien, mais bien des épisodes de sa vie tiennent plus du mythe et de la légende que de l’authencité historique.
Pour venger la mort de son allié chrétien Koceila, elle organise la lutte contre les Arabes qui doivent se replier de toute l’Algérie, la Tunisie, la Cyrenaïque jusqu’en Egypte. Pour éviter un retour des Arabes, elle ordonne le saccage de toutes les régions reconquises. Sa défaite et sa mort en 693 entraine l’éffondrement de l’indépendance berbère et donne le signal à l’islamisation massive. L’éveil ethno-culturel amazigh, constitue une motivation supplémentaire pour tenter d’élucider ce phénomène d’osmose entre le Maghreb préislamique et les premiers représentants du monothéisme que les Berbères ont rencontrés, ce qui les a probablement préparés à adopter plus facilement l’autre version du monothéisme, celle de l’islam. Cette rencontre judéo berbère que certains auraient tendance à décrire comme un coup de foudre, présente des aspects énigmatiques que l’absence de preuves historiques irréfutables rend encore plus obscurs. L’intérêt très marqué de la part de certains militants pour le judaïsme, qu’ils considèrent comme une composante de leur identité, est à la fois un adjuvant et un danger. Une recherche plus poussée s’impose pour en savoir plus sur les affinités, les apports mutuels et les relations réelles entre la communauté juive minoritaire qui a conservé sa pleine et entière autonomie religieuse et culturelle, et la communauté berbère majoritaire qui a cependant conservé dans son patrimoine quelques traces indélébiles de son contact avec le judaïsme bien avant l’arrivée de l’islam.
Pour échapper aux massacres, des milliers de Juifs choisissent la conversion à l’Islam. Sous les Idrissides, le nombre de conversions de Juifs et aussi Chrétiens est sans doute le plus élevé du Maroc. Les Juifs vont passer au statut d’une minorité soumise, appeurée, dépendant du bon vouloir des autres. Pour le meilleur et pour le pire, le Juif devient le Dhimmi. Contrairement à son père, Idriss II va attirer une immigration juive de haut niveau de toute la Diaspora. Ils viennent faire bénéficier la nouvelle capitale : Fès, de leur savoir et de leur art. Fès devient le centre juif par excellence du Maroc, et l’un des centres de culture juive de premier plan sous la dynastie Idrissides.
Sous les Almoravides, Youssef ben Tachfine met sa principale ambition à reconquérir les parties de l’Espagne. Les Almoravides épris de liberté et de culture favorisent les communautés juives en Espagne qui connaissent une grande prospérité. Au Maroc, les Juifs connaissent généralement une période de calme et de prospérité sous cette dynastie. Ali ben Youssef était un grand batisseur, le régime entretient les meilleures relations avec la communauté juive qui s’adonne librement au commerce et à l’artisanat.
Après l’avènement de l’Islam et surtout au milieu du XIIe siècle sous le règne des Almoravides, la conversion était sous la contrainte, les non convertis étaient simplement exécutés. Pendant cette période plusieurs tribus juives ou berbères judaïsmes furent convertis à l’Islam et nous en portant les gènes. Et là, c’est un grand tabou. Combien de marocains sont actuellement juifs convertis à l’Islam ?
Avec la montée au pouvoir de la nouvelle dynastie : les Almohades, les Juifs connaîtront un étrange épisode augure de l’apocalype qui va s’abattre. C’est l’un des épisodes les plus noirs et les plus terribles.
La déroute des troupes arabes face aux armées chrétiennes d’Espagne en 1212 sonne le glas de l’unité de l’empire almohade. Chaque seigneur se taille un fief. L’Afrique du Nord est brisée et la région se partage en trois pays qui forment plus tard : Le Maroc, l’Algérie et la Tunisie. Cette liquidation dura 40 ans jusqu’au triomphe des Mérinides. C’est la Tunisie qui se détache en premier lieu de Marrakech en 1148, puis c’est le tour de Tlemcen vers 1235, tandis que les successeurs mérinides s’installent à Fes en 1250 et à Marrakech en 1268.
Le retour de la capitale à Fes sous Maulay yacoub ben Youssef (1269-1286) va favoriser une rennaissance juive en particulier à Fès et à Meknès, et les commerçants juifs jouent un rôle de premier plan. Fés redevient un centre de Tora.
La recherche sur les Juifs vivant parmi les Berbères reste encore à faire et nous sommes conscients des lacunes qui restent à combler. Ce que j’ai essayé de montrer dans cette recherche est que notre savoir sur les Juifs ruraux du Maroc, reste largement tributaire des stéréotypes sur le Juif berbère. Reflétant les divisions qui ont été entretenues en Israël du fait de la parennité des mythes concernant les Juifs berbères. Haïm Zafrani a même identifié un texte sacré, la Haggada de Pesah, écrit en amazigh.
Les propos d’El Bekri témoignent de leurs succès, dit-il « Fez est le centre d’activité commerciale des premiers Juifs expulsés d’Andalous. Ce fut à Fez que Moshé Ibn Maïmoun dit Maïmoudi rédigea en arabe vers 1159-1165 sa célèbre Epitre sur la persécution (Igueret Hachemad). Il préconisait pour sa part, soit de quitter ces lieux pour aller là où on pourra pratiquer la Torah sans crainte ni peur ». En 1165 le Dayan de Fez est brûlé vif. Les Juifs sont restreints à porter des vêtements distinctifs, bleus et larges, avec la tête couverte d’un châle jaune. Il est impossible d’évaluer l’impact des recommandations sur le maintien de la communauté juive, en particulier à Fez, jusqu’à l’événement des Mérinides, où elle s’impose avec éclat.
Le Maroc aurait pu s’enrichir de l’exode d’Espagne mais en fait très peu de refugiés débarquent sur les côtes marocaines et ce sont surtout les communautés d’Algérie qui vont leur servir de refuge au cours de ce qu’on appelle la première expulsion en 1391.
Quoi qu’il en soit la ville de Fès abrite une très importante communauté juive et sa prospérité ne manque pas de susciter des jalousies que certains meneurs détournent à leur profit comme l’illustre l’épisode qui devait apporter un changement fondamental dans la vie des Juifs du Maroc : la fondation du premier quartier réservé aux Juifs, le premier Mellah de l’histoire du Maroc.
Le « Mellah » veut dire en arabe juif marocain un secteur regroupant la communauté juive. Ce mode de vie n’est pas spécialement originaire du Maroc. Il existait déjà presque dans toute l’Europe (genre Ghetto) après l’expulsion des juifs d’Espagne. Les autorités marocaines en avaient alors décrété la construction. Ces secteurs étaient clôturés par des fortes murailles et dont les portes se fermaient la nuit, surveillées par des gardes. Le Mellah était généralement situé non loin du palais royal. Malgré cela, les habitants redoublaient leur prudence afin de prévenir tout envahissement éventuel. L’architecture était ordinaire. Les rues (dribattes) regroupaient marchands et artisans : la rue des marchands d’épices (El Attarines) où l’on avait l’embarras du choix. Celui qui désirait acheter un bijou se rendait à la rue des bijoutiers (Dhaibias), ou encore la rue des brodeurs ou « Fondouk », rond-point du Mellah, pour ceux qui désiraient acheter des broderies. Le Mellah n’était pas seulement peuplé que de juifs marocains ; il y avait là également des correligionnaires venant d’autres pays. Des conseils sans doute ont contribué à nourrir la suspicion tenace dont étaient entourés les Juifs convertis à l’Islam. Descrimination dictée par des considérations autour de ce haut lieu du commerce fassi qui était la kissaria ? En tout cas les musulmans fassis d’origine juive, furent par s’imposer dans tous les domaines. La communauté juive diminuée par les conversions mais grossies par l’arrivée d’autres vagues successives en provenance de la péninsule ibérique, d’ailleurs bénéficia d’un apport décisif en 1391-1392. L’une de leur particularité fut leur intégration avec les autochtones fassis. La stabilité intervient à partir de 1470 et surtout en 1492 avec l’afflux des réfugiés.
La décadence de la dynastie des Mérinides s’accompagne de signes évidents d’anarchie, d’intrigues pour la possession du pouvoir ; face aux sultans impuissants les Vizirs Outaissides s’étaient érigés en régents dès 1420. Les fins de règne sont toujours des périodes périlleuses pour les Juifs. Autres prétendants au trône les Chérifs Sâadiens, authentiques descendants du Prophète mènent contre la dynastie et les Outassides une campagne religieuse.
Intrônisé enfant, le sultan Abdelhaq préférant les joies du harem aux arcanes du pouvoir. Mais chassé la nature elle revient au galop ! Vers 1458, il élimine physiquement les membres de la famille Outasside afin de mettre fin à leurs intrigues et nomme comme vizir son ami et conseiller juif, Haroun ben Bettach. Avec un Juif au moins se dit-il, il pouvait être tranquille et certain de sa fidélité car il ne pouvait rêver de prendre sa place. La jalousie et l’esprit de vengeance se combinent pour créer un climat hostile autour des Juifs. Le prétexte est facile à trouver : le bruit court à Fès que Shaul avait agressée une Chérifa qu’il avait convoqué au Palais. Un sermon le vendredi à la mosquée des Karaouynes à la vengeance en menaçant les Juifs de mort. Cette ruée vers le Mellah et le massacre général. Et pourtant un quart de siècle plus tard le Maroc allait être la terre de refuge par excellence pour les malheureux Juifs d’Espagne fuyant leur paradis perdu.
La greffe va prendre et en se fondant aux Tochavim (les anciens habitants, les indigènes) et les Mégorachim (les expulsés) vont donner au judaïsme marocain une nouvelle jeunesse.
Le 2 Janvier 1492 disparaîtl le dernier royaume musulman de la Péninsule et les Rois très catholiques font leur entrée triomphale à l’Alhambra de Grenade. La victoire est totale, mais pour la parfaire il faut purifier l’Espagne chrétienne des infidèles. En ces heures tragiques le Maroc redevient une terre d’asile. La proximité géographique et culturelle liée à cette offre d’accueil auraient dû amener au Maroc la majorité des expulsés (sur les 800.000 refugiés, 300.000 auraient atterri au Maroc.
Dans cette vague de malheurs le seul réconfort est l’attitude des autorités. Aux malheureux nomades dépouillés à Larache le sultan Maulay Mohamed Echeikh envoie des mulets, des vives et des guides pour les mener à Fès.
En 1493, c’est une autre catastrophe : le feu ravage tout cet immense caravansérail faisant de nombreuses victimes. Et ce que le feu n’avait pas consumé la faim va l’achever. Mlgré ces obstacles nombreux sont les refugiés du Portugal qui en 1496 débarquent au Maroc. Six ans à peine après l’installation des refugiés, cette intégration rapide et réussie s’explique d’une part par la réduction du nombre des expulsés par mort ou par émigration vers d’autres pays.
L’expulsion des Musulmans et des Juifs d’Espagne, la fin d’un épisode 1492. C’est aussi la découverte de l’Amérique. Le Maroc décide de rester le Maghrib, c'est-à-dire l’Extrême occident, ce qu’explique peut-être par l’agression permanante dont était le Maroc de la part du Portugal cherchant à s’y tailler des comptoires. Encore une fois nous allons assister au cycle dynastique si caractéristique de l’histoire.
Le Judaïsme marocain traversa alors des moments difficiles tout en connaissant une crise interne du fait de l’opposition en son sein entre une minorité agissante largement éprise de modernité et une majorité demeurée fidèle sur le plan culturel, intellectuel et encore plus religieux, à une tradition figée depuis l’arrivée des expulsés d’Espagne en 1492-1497
Fès devient un centre de pèlerinage pour tous les pays islamiques, une ville de ferveur religieuse et le moindre incident devait mettre leu aux poudres. Une rumeur au sujet de la découverte d’une jarre de vin dans une mosquée, les Juifs sont accusés d’avoir voulu polluer l’eau de la mosquée ; il semble que l’émeute qui s’en suivit ; il y eut des victimes parmi la population juive mais le résultat le plus clair fut l’exil des Juifs de Fès El Bali et la construction dans la nouvelle ville d’un quartier spécialement réservé aux Juifs, une ancienne carrière de sel qui va donner son nom au quartier Mellah. Cet exil les privait de leurs anciennes demeures. Ce fut un exil amer et épouvantable et de nombreuses familles préfèrent embrasser l’Islam plutôt que d’abandonner leurs demeures.
Le second Mellah n’étant créé qu’en 1557 à Marrakech et le troisième en 1682 à Meknès.
La question religieuse de la Nefiha (signifie textuellement : insufflation « dans le poumon », cette controverse rituelle devient en fait une véritable épreuve politique. En arrivant au maroc les Mégourachim dans leur majorité autorisent la Néfiha au grand scandale des Tochavim pour qui la consommation de cette viande était une abomination équivalent à la consommation de la viande de charogne. Désormais les Mégourachim dirigent en fait les communautés et leurs coutumes deviennent celles de tous les Juifs du Maroc à l’exception de certaines communautés du Sud qui conservent les coutumes des Tochavim.
La dynastie Sâadienne, elle s’installe dans le Sud, à la vallée de Draa près de Zagora. Vers 1510, les Sâadiens avaient soumis toute la région du Souss. Et avec la prise d’Agadir aux Portugais en 1541, c’était la première fois qu’une place forte chrétienne était reconquise et cet exploit frappa les imaginations. Pour l’Europe, le Maroc ayant battu l’une des plus grandes puissances et son alliance recherchée. Sur sa lancée Mohamed El Cheikh n’hésite pas à provoquer les Turcs, lève une armée, chasse les envahisseurs du Souss et reprend Fès en 1554. Le nouveau souverain, Ahmed El Mansour, dont le régne est l’apogée de la dynastie Sâadienne, saura en profiter et avec lui les « marchands du Sultan »
En 1599, par un acte tout a fait inhabituel, autorisant les Juifs à avoir deux épouses, car ils bénéficient d’une autonomie totale. Le nouveau souverain va réorganiser l’armée et poser des bases d’une armée permanante dotée d’un équipement moderne grâce aux étroites relations avec les pays eurapéens dues aux commerçants juifs. Ils ont apporté d’Espagne de nouvelles techniques d’extraction du sucre de la canne à sucre. Les relations commerciales s’élargissent avec les pays européens.
Au lendemain de la mort d’El Mansour, le Maroc perd toute unité et retourne au morcelement politique, à l’anarchie. Une sécheresse exceptionelle frappe le Maroc dans les années (1604-1606) faisant des centaines de milliers de morts. Les mêmes scènes de sécheresse se renouvelleront pendant cette période d’anarchie en 1614-1616, en 1621-1622 et en 1624. Ces cycles de guerre et de famine entrainent un vaste mouvement de migration vers les pays d’Orient et la Terre Sainte. Et c’est ainsi que se forment à Jérusalem et en Egypte d’importantes communautés de Maghrébins qui conserveront toujours le souvenir de leur origine.
En 1656, la chronique de Fès rapporte l’attaque contre le Mellah, la destruction de toutes les synagogues. Les Juifs se trouvent nombreux en Berbèrie et on ne les respecte pas davantage qu’ailleurs. A Fès et à Marrakech ils habitent des quartiers séparés lesquels sont entourés de murailles et dont les portes sont gardées par des gardiens proposés par le Roi, de sorte qu’ils puissent mener leur commerce en paix. Dans les autres villes, ils se mèlent aux Arabes. Ils n’ont d’autre occupation que le commerce de l’artisanat.
La moitié d’une nouvelle dynastie après une période d’anarchie : les Alaouites ou Filaliens. Les Alaouites s’unissent et prennent le contrôle de tout Tafilalet sous la direction de Mohamed Chrif (1631) et de son fils Maulay Mohamed (1635-1636). En 1650, il prend le contrôle de Fès. Le tournant sera pris au fur et à mesure que s’imposera l’autorité de Maulay Rachid (1666 – 1672), la situation des Juifs s’amèliore considérablement, ceci bien que le mythe de son accession au pouvoir soit justement lié à l’assassinat du Roi juif à Taza.
L’apparition d’un Prophète dans la ville de Meknès, la première vague d’exilés venant de Hollande atteint le Maroc en 1672. De toutes les villes du royaume de Fès, de Sefrou, de Tétuan, d’El Ksar on envoie des émissaires pour se convaincre du prodige et le mouvement gagne tout le Maroc.
Période Alaouite
Avec le règne de Maulay Ismail, l’histoire de la communauté juive prend une nouvelle dimension. Qu’en son temps la femme et le Dhimmi (juif) pouvait aller d’un bout du pays à l’autre sans que personne ne leur demande où ils vont. La monnaie abonde et ni le blé, ni le bétail n’ont de prix (tellement ils étaient abondants). En 1724, cette année n’a pas plu du tout, si bien que les olives, les vignes et les figuiers ont séché et on les a coupés pour en faire du bois à briler. Les affres de la famine commençaient à être obliées lorsque trois ans plus tard en 1727, une plus grande catastrophe frappe le Maroc avec le retour de l’anarchie consécutive à la disparition de l’unificateur et pacificateur du pays : Maulay Ismail. Cinquante ans qui suit la mort de Maulay Ismail, le Judaïsme marocain va voler en éclats, la guerre de succession démontre la fragilité de son œuvre apparemment grandiose. Pas moins de dix fils du Sultan se disputent au départ le pouvoir. C’est pour le l’ouverture d’une nouvelle période qui déterminera son destin jusqu’à la période moderne.
En 1751, de nouveaux ravages de la famine dûs à la sécheresse comme pour coronner les trentes ans de troubles, c’est en 1755 un terrible tremblement de terre qui causa des pertes considérables. Le Sultan Maulay Mohamed (1757 – 1790) ramène le calme dans le pays, il est éloigné de tout fanatisme religieux. Son carosse était toujours précdé des montures de dix Juifs de ses conseillers et amis somptueusement vêtus. Il ne réclama jamais des Juifs ni impôts, ni taxes, ni amendes exceptionnels.
Le régne de Maulay Yazid, tragique intermédiaire que ce règne sanguinaire qui en moins de deux ans a ruiné 30 ans de modération et de sagesse et mis les Juifs devant un danger et une faillite sans précédent. Il met fin à une époque plus jamais on ne reverra une persécution systématque de la communauté juive inspirée par le haut, le Makhzen. La monarchie s’affirme au contraire comme la protectrice des Juifs. Si le Sultan est puissant et respecté les Juifs vivent en paix. Excellent cavalier, tireur remarquable, il s’était attiré une grande popularité par son fanatisme religieux. Musulman très strict.
En 1784 pour se débarasser de lui son père l’envoie en pèlerinage à la Mecque ; et au retour il trouve refuge chez les Berbères de la région de Tétuan. Aussi quand arrive l’annonce de la mort du Sultan, il est proclamé roi par les Berbères et reconnu aussitôt par Tétuan. L’heure de l’assagissement avait sonné ? Les Juifs de Tétuan seront ses premières victimes. Il annonce publiquement qu’il est désormais permis de tuer les Juifs en quelque lieu qu’on les rencontre. Les lamentations arrivent jusqu’aux orelles de la mère de Maulay Yazid, qui avait une grande influence sur lui, et prise de pitié elle donne l’ordre d’épargner les Juifs de Fès.
Le sultan Maulay Slimane (1792 – 1822) musulman stricte obédiance mais tolérant, droit et désintéressé, il est resté dans la mémoire des Juifs comme un « des saints des nations ». Après les désastres amenés par son frère, ses premières mesures sont à l’apaisement ; il annule bien des impôts et des contributions établis par son prédecesseur. En 1793, une nouvelle rebellion, la tribu des Amhaouch qui s’était distinguée par son zèle anti-juif sous Maulay Yazid se place derrière le frère du Sultan Salama qui prétend au trône. A Agouraï, petit village proche de Meknès, la population juive qui avait beaucoup souffert voit ses implacables ennemis d’hier avilis, battus, nus. Peu à peu la prospérité revient sous la conduite de ce souverain exceptionnel. Les membres de la communauté et les Rabbins reviennent de leur exil et des montagnes où ils s’étaient dispersés.
Le bon roi Maulay Abderrahman (1822 – 1859). Malgré son attitude bienveillante envers ses sujets juifs, son règne sera marqué par plusieurs événements regrettables. Une très grave sécheresse qui entrane famine particulièrement meurtrière. Le Maroc appuvri, désuni divisé ; il ne peut efficacement faire face à la rapacité de l’Europe, les progrès de l’intervention étrangère. L’impuissanc du Makhzen à se réformer, à préparer le pays au monde moderne ouvre le champ à une anarchie grandissante. Les atteintes contre les Juifs vont être également des prétextes à l’intervention européenne.
Les Européens dans leur tentative de pénétration, s’appurent sur la population juive ou des éléments plus avoués, parlant les langues tout en gardant un lien étroit avec la population indigène.
Le règne de Sidi Mohamed (1859 – 1873), s’ouvre symboliquement sous le signe de l’intervention étrangère. Le processus de modernisation imposé par les puissances étrangères. Un processus dans lequel la minorité juive adopte un comportement très différent de la majorité musulmane. En 1860 éclate la guerre avec l’Espagne qui s’empare de Tétuan, ce qui fait suite à un problème de refugiés juifs, qui sera l’occasion d’une intervention de l’organisation juive européenne. De nombreux juifs trouvent refuge à Algésiras et surtout à gibraltar.
Maulay Hassan (1873 – 1894), un juste des nations. La monarchie continue et même accentue son attitude favorable aux sujets juifs, il jouait en plus de l’estime et du respect de sa fonction de l’affection sincère de la population juive. A Marrakech le pacha remet en vigueur une coutume qui se perdrait : l’obligation d’ôter leurs souliers en sortant du Mellah. Les directives royales sont loin d’être partout suivies.
Un système de capitulations interdisant de juger un protégé étranger, avait été intoduit par le traité signé avec la France en 1767, il accordait la protection « Hmaya » aux indigènes au service des diplomates ainsi que les agents et négociants engagés par la France. Et le 3 juillet 1880, la convention est signée avec tous les pays interessés : la France, la Belgique, le Danemark, l’Espagne, les Etats-Unis, l’Italie, les Pays-bas, le Portugal, la Suède et la Norvège.
A la mort de Maulay Hassan en 1893, le règne suivant ne fera pas mieux, avec moins de panache et de sagesse. Le nouveau souverain Maulay Abdelaziz (1894–1908), maitient la tradition de bienveillance extrême et d’amitié pour la population juive. Supprimant les anciens impôts inspirés du Coran pour les remplcer par un impôt unique : le Tertib. Il s’entoure dans son palais de Fès de trafiquants et d’aventuriers européens. L’irritation grandit contre le Sultan et un imposteur de génie va la tourner à son profit. Jilali Driss Zerhouni dit Bouhmara se fait passer pour frère du Roi et seul souverain légétime, soulève l’Est du Maroc. En 1901, une grâve épidémie de typhus frappe la population faisant de nombreuse victimes et 1903 les troubles se multiplient, se terminant le plus souvent par des tentatives d’attaques des Mellahs et les Juifs fermaient à chaque fois la porte des Mellahs pour un ou deux jours. Entre temps tous les Philistins habitant les déserts proches et lointains tuaient et pillaient les voyageurs.Ils pleuraient, ils prosternaient, se roulaient dans les cendres. Puis c’est la politique qui reprend le dessus avec l’entrée en rebellion du propre frère du Sultan Maulay Hafid, gouverneur de Marrakech, réussit à réunir autour de lui tous les opposants nombreux du Sultan, accusé de vendre le pays aux étrangers. Abandonné par sa propre armée Maulay Abdelaziz se refugieà Tanger en 1908. Quant à Maulay Hafid, sasuccession au trône est accueilli avec suspiscion par les Juifs car il s’était fait une réputation d’ennemi des Juifs. Il avait pris pour femme la fille du pire ennemi des Juifs, Mohamed Ourahou, le roi de Khénifra. Lui et son peuple les Amhaouch (Zaiane) porte une haine profonde et jamais un Juif n’a pu mettre le pied dans leur territoire et quand ils voient un Juif, ils se bouchent le nez et avaient ordonné que tous les Juifs circulant dans les rues, doivent marcher pieds-nus.
En 1906, Dieu adoucit le cœur du Sultan en faveur des Juifs, il envoya des messages qu’à compter de maintenant, nul n’a le droit de lever la main ou le pied, de frapper, d’insulter ou d’injurer aucun Juif. Et le calme revient sur la terre. Mais pas pour longtemps. La crise marocaine est alors à son apogée sur le plan international. Les convoitises des puissances européennes s’accentuent autour du maroc. Les Français prennent le contrôle des ports, des douanes, l’instruction de l’armée et consentent au Maroc un grand prêt en se réservant le privilège de l’émission de la monnaie. C’est le protectorat rompant avant la lettre.
La population sans tête, réagit instinctivement en s’attaquant aux symboles de la présence française. L’assassinat du Docteur Mauchamp à Marrakech entraine l’occupation d’Oujda par les troupes françaises d’Algérie en 1907. L’assassinat de 7 ouvriers européens au port de Casablanca entraine le débarquement de troupes françaises. Dans ces journées de troubles, la population en profite pour s’attaquer aux Mellahs, se livrant au pillage et au massacre. Les tribus menacent de marcher sur Fès. Maulay Hafid fait alors appel à la France.
En 1906, Slouschz fut envoyé en mission au Maroc par la Mission scientifique au Maroc. Après l’établissement du protectorat français, il retourna au Maroc et fut chargé par les autorités coloniales d’étudier les communautés juives et de soumettre ses conclusions au Résident-Général Lyautey en vue de leur réorganisation. Slouschz était sioniste et, en tant que tel, voulut " régénérer " le judaïsme marocain et réveiller sa conscience nationale juive. C’est en partie à cause de ses idées sionistes que les autorités françaises décidèrent de le relever de ses fonctions officielles. Pour Slouschz, ce sont les Juifs descendant des Berbères (comme il le croyait), avec leurs manières primitives et pénétrées d’influences locales, qui représentent les " vrais " Juifs nord-africains. Comme c’est déjà le cas dans les grandes villes françaises d’Afrique, les changements sociaux ont eu un effet radical sur les masses de la population, qui perdent rapidement leur individualité et leurs traditions millénaires ".
(lire la suite: Les Juifs au Protectorat- Les Juifs à l'Indépendance)
Si le coeur qui bat pouvait parler