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Jordanie, OLP, Hamas: le triangle caché aux regards, Mordekhai Kedar
Posté par: darlett (IP enregistrè)
Date: 20 mai 2011 : 23:50

Jordanie, OLP, Hamas: le triangle caché aux regards, Mordekhai Kedar

20/05/2011







La Jordanie n'a que faire de la population palestinienne


Après 1967, dans le but de réunir les forces opposées à l'« occupation israélienne », s'est créé un narratif populaire selon lequel les Bédouins de Gaza font partie du peuple palestinien, et aujourd'hui, eux et le monde avec eux ont admis cette invention et l'ont adoptée comme narratif collectif.



Le différend entre l'OLP et le Hamas traduit les différences culturelles profondes entre la population que les deux organisations représentent ; elle explique la concurrence qui règne entre elles depuis plus de vingt ans pour l'hégémonie sur l'espace « palestinien » et qui est parallèle à celle qui règne en Jordanie entre les Bédouins et les villageois et citadins « palestiniens ».



En 1920, lors de la Conférence de San Remo, la Société des nations décida de donner à la Grande-Bretagne un mandat sur la terre d'Israël, qui incluait aussi à l'époque la Jordanie, pour que le peuple juif y établisse son foyer national. En raison de l'opposition arabe, la Grande-Bretagne réduisit la zone allouée aux juifs et, en 1922, elle coupa en deux le territoire d'Israël, laissant la partie occidentale aux juifs, et établissant à l'ouest du Jourdain, l'Emirat de Transjordanie, à titre d'« arrangement en faveur » de la famille Hachémite, que les Saoudiens avaient expulsée du Hedjaz. Depuis lors planait déjà un doute sur l'absence de légitimité de l'Emirat de Transjordanie, qui, avec le temps, est devenu le Royaume de Jordanie, car il n'a pas de racines géo-historiques, c'est une création des colonisateurs britanniques qui ont tracé les frontières et désigné le groupe qui la gouverne jusqu'à aujourd'hui.

Le tracé des frontières de la plupart des pays du Moyen-Orient a été décidé par les puissances coloniales (la Grande-Bretagne, la France, et l'Italie) qui ont gouverné dans cette région et fait le tracé des frontières des pays, sans tenir compte des populations indigènes créant ainsi des combinaisons impossibles qui compromettent la stabilité de ces pays jusqu'à aujourd'hui.

La Jordanie n'échappe pas à ce problème, car en effet les frontières de l'émirat (et plus tard celles du royaume), incluait des groupes de bédouins, des paysans et des citadins. Les bédouins se sont toujours définis comme les « habitants du désert » et les Fellah (paysans) et citadins se définissaient comme « Palestiniens », car c'était le nom que leur pays avait reçu du mandat britannique. Des centaines de milliers de Palestiniens se sont joints à eux après avoir fui le territoire d'Israël occidental surtout après les guerres de 1948 et 1967, une partie en tant que réfugiés, et une partie en en tant qu'immigrants.

Cette tension a atteint son paroxysme après la Guerre des Six jours qui poussa beaucoup d'habitants à émigrer de Cisjordanie en Jordanie sans bénéficier du statut de réfugié ouvrant droit aux largesses de l'URNWA. Ceux dont les familles vivent sur la rive orientale sont arrivés après Yasser Arafat (lui-même ayant fui la Judée-Samarie après la guerre) ; ils ont rejoint les camps de l'OLP sous le commandement d'Arafat et pris le contrôle de parties importantes du nord de la Jordanie. Le roi Hussein et les bédouins du Sud ont senti qu'ils allaient perdre le contrôle de l'Etat et en septembre 1970 (« Septembre noir ») ils ont décidé de reprendre le pouvoir des mains des Palestiniens du nord de la Jordanie ce qui a couté la vie de dizaines de milliers d'entre eux. Ceux du Nord ont compris la leçon et ils sont restés coinces pendant plus de 40 ans.



La patrie alternative

Au cours des dernières années des voix ont commencé à se faire entendre chez les habitants du nord de la Jordanie, à savoir les Palestiniens, qui appellent à établir dans le nord de la Jordanie, une patrie de substitution. Ils ne considèrent pas une patrie palestinienne en Judée-Samarie (Cisjordanie) et à Gaza comme constituant l'incarnation des aspirations collectives de liberté et d'indépendance, car cet Etat-là se trouve là-bas, à l'ouest du Jourdain, alors qu'eux vivent depuis toujours ici dans leur patrie à l'est du Jourdain.

De plus, cet Etat risque de mettre fin à leur aspiration à se libérer de la domination des Bédouins, car en effet, le monde – et surtout la famille hachémite régnante – leur diront que l'État palestinien c'est la Judée-Samarie (Cisjordanie) et que s'ils veulent vivre dans un État palestinien ils ont intérêt à s'y rendre. (L'État d'Israël dit une chose semblable à ses citoyens arabes). La conclusion que beaucoup tirent de la situation est que c'est aux Palestiniens de Jordanie – qui constituent la grande majorité de la population du pays – de se débarrasser du pouvoir des Bédouins et de la famille hachémite, ou de diviser le pays en deux. Les Bédouins au sud et les Palestiniens au nord. Cette éventualité préoccupe beaucoup la famille royale et les Bédouins qui la soutiennent.



L'autre aspect de l'équation

En Israël (à l'ouest du Jourdain), la situation était différente dès l'origine : jusqu'en 1967, la bande de Gaza avec la majorité de la population bédouine qui y vivait était occupée par l'Égypte, tandis que la rive occidentale du Jourdain (Cisjordanie) peuplée de Fellahs et de citadins palestiniens était occupée par la Jordanie. A Gaza et en Cisjordanie, les deux populations étaient séparées l'une de l'autre et l'occupation égyptienne et jordanienne jugulait toute velléité d'indépendance au sein de ces populations. Après 1967 est née la légende populaire (narratif), selon lequel les Bédouins de Gaza font partie du peuple palestinien, ceci pour unir leurs forces contre « l'occupation sioniste » et aujourd'hui, eux-mêmes et le monde entier admis cette version des faits et l'ont adoptée comme récit collectif. Si ce n'est que la différence entre la culture bédouine de la bande de Gaza et la culture paysanne et citadine de la Judée-Samarie (Cisjordanie) se traduisent par la dissension entre le Hamas et l'OLP : le Hamas s'identifie aux Bédouins et aux réfugiés, alors que l'OLP représente les "Palestiniens" des villes et des villages. La dissension entre les organisations traduit les profondes différences culturelles entre les populations et les régions que les deux organisations représentent, et explique le fait que ces deux organisations sont concurrentes depuis plus de vingt ans, chacune tenant d'avoir l''hégémonie dans le secteur "palestinien", une concurrence parallèle à celle qui existe en Jordanie entre les Bédouins et les villageois et citadins "palestiniens".

La proximité familiale et culturelle entre les « Palestiniens » riverains du Jourdain et les « Palestiniens » habitant le nord du Jourdain a causé une tension permanente dans les relations entre le pouvoir jordanien, qui s'appuie sur la population bédouine, et les habitants de la Rive occidentale [du Jourdain], sur lesquels il a exercé son autorité comme sur leurs frères du nord du Jourdain par l'imposition de la loi jordanienne sur les deux rives du Jourdain, que le monde (à l'exception de la Grande-Bretagne et du Pakistan), n'a pas reconnue. Après le déclenchement de la première Intifada, dans les années 1987, se fit jour une pression arabe sur le roi Hussein pour qu'il coupe le lien constitutionnel entre les rives du Jourdain, ce qu'il fit avec joie, surtout du fait qu'il avait suffisamment d'ennuis avec les Palestiniens vivant au nord du Jourdain, pour avoir besoin d'une population palestinienne supplémentaire, celle de la Judée-Samarie. Aussi, en 1988, la Constitution jordanienne fut modifiée, la rive occidentale [du Jourdain] fut séparée de la rive orientale, et, du fait de cette décision, ses habitants perdirent leur nationalité jordanienne. Le fait que cette décision d'annulation de nationalité était contraire à la loi internationale ne pesa pas lourd aux yeux du roi, et le monde ne poussa pas les hauts cris pour défendre le droit des Palestiniens à la nationalité.

La séparation entre les deux rives du Jourdain a permis à l'OLP d'apparaître comme l'organisation représentant les « Palestiniens », mais uniquement ceux qui vivaient en Judée-Samarie et à Gaza, ainsi que les réfugiés « palestiniens » vivant au Liban et en Syrie, mais pas ceux qui vivaient en Jordanie, qui constituent la majorité de la population dans l'Etat hachémite. Cette situation est à la base de la tension permanente et des relations de méfiance qui ont toujours régné entre la famille royale jordanienne et les dirigeants de l'OLP, car, le roi jordanien était toujours habité par la crainte que l'OLP n'aspire à représenter – et à affranchir – également les Palestiniens habitant le nord du Jourdain, comme c'était le cas dans la période qui précédait « Septembre noir ».

Jusqu'à sa mort, en 1999, le roi Hussein s'opposa énergiquement à la création d'un Etat palestinien en Judée, Samarie et Gaza, de peur qu'un tel Etat ne vise à supplanter son pouvoir minoritaire et qu'il serve de base aux sentiments irrédentistes des Palestiniens habitant la Jordanie du nord, et que pour se rattacher à elle, ils se révoltent contre lui et contre les Bédouins qui le soutenaient. Son fils Abdallah II changea le rapport de la famille royale à la question palestinienne : il est aujourd'hui le plus grand partisan d'un Etat palestinien, car s'il s'établit en Judée-Samarie et à Gaza – à savoir, aux dépens d'Israël – il ne s'établira pas dans le nord de la Jordanie, à savoir, aux dépens de la Jordanie. En d'autres termes : l'établissement d'un Etat palestinien à l'ouest du Jourdain permettra l'établissement de l'Etat palestinien sur les territoires de la « patrie alternative » à l'est du Jourdain, peuplé par une majorité palestinienne.

La rupture socio-politique entre les deux parties des « Palestiniens », les Bédouins de Gaza représentés par le Hamas, et les villageois et citadins de la Judée-Samarie que représente l'OLP, a été un obstacle à la création d'un Etat « palestinien » à l'ouest du Jourdain, car immédiatement se pose la question : comment est-il possible d'établir un Etat sur deux régions qui ne sont pas reliées l'une à l'autre, ni sur le plan géographique, ni sur le plan fonctionnel. Maintenant, le Hamas et l'OLP ont signé un accord qui régit leur vie commune sans unité entre les lignes, sans unité entre les mécanismes de sécurité, et sans unité d'objectifs : l'OLP prétend qu'il veut (au moins au stade initial) établir un Etat palestinien dans les territoires de Judée-Samarie et de Gaza, c'est-à-dire à s'imposer aux Bédouins de Gaza ; alors que le Hamas est intéressé à procéder à des élections « démocratiques » dans l'Autorité [palestinienne] – et peut-être dans l'Etat [palestinien], dans un an (c'est-à-dire après la reconnaissance internationale d'un Etat palestinien en septembre) pour restaurer sa situation privilégiée de 1996 quand il détenait la majorité des sièges au Parlement. Ainsi, selon le plan du Hamas, le mouvement islamique s'emparera de tout l'Etat que l'OLP établira, outre qu'il est déjà au pouvoir dans la bande de Gaza depuis 2007.


L'accord entre le Hamas et l'OLP

Du point de vue de la famille royale jordanienne, l'établissement d'un Etat palestinien sur base de l'accord fragile – un mariage d'agrément temporaire – entre le Hamas et l'OLP est l'occasion de sa vie : la prise de pouvoir sur l'Etat Palestinien par le Hamas n'est qu'une question de temps, il ne tardera pas, et il donnera aux Bédouins islamistes l'autorité sur les villageois et les citadins dans l'Etat Palestinien également. Ainsi sera levé le danger qu'un Etat palestinien à caractère paysan-citadin à l'ouest du Jourdain constitue un danger pour le pouvoir des Bédouins du Jourdain oriental. C'est pourquoi le pouvoir jordanien a salué solennellement cet accord entre le Hamas et l'OLP, car il permet à Abdallah II, roi de Jordanie, de convaincre plus facilement son ami, le locataire de la Maison Blanche, qu'un Etat palestinien doit voir le jour aux dépens d'Israël et non aux dépens de la Jordanie, malgré la majorité démographique palestinienne qu'elle inclut.




Mordekhai Kedar *

* Maître de Conférences au Département d'Arabe de l'Université Bar Ilan, et chercheur associé au Centre Begin-Sadat de recherches stratégiques de l'Université Bar Ilan (Israël).


Traduction de l'hébreu : Danilette et Menahem Macina

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