REPONSE A L’ABBE ARBEZ : LE DIFFEREND SUBSISTE, L’AMITIE AUSSI !
Arnold LAGEMI
La réflexion à laquelle s’est livré l’abbé Arbez en commentant mon article sur les « imprévisibles et redoutables effets de Vatican II » précise les contours d’une divergence doctrinale qui me paraît inéluctable et rédhibitoire et que je vais m’efforcer de démontrer. Pour la commodité du lecteur, je citerai les propos de l’abbé Arbez que je ferai suivre d’un commentaire.
« La chrétienté a entraîné ses fidèles durant de longs siècles à partir de deux paramètres complètement faux : 1) La mort du Christ serait le fait de la culpabilité des Juifs. 2) L’Eglise serait le nouvel Israël qui remplacerait le peuple juif disqualifié et réprouvé. Le Concile Vatican II a clairement mis fin à ces approches pseudo théologiques qui n’ont jamais eu le rang de dogme. »
Si la persistance de l’accusation de peuple déicide s’est quelque peu diluée avec le temps, une confirmation réaffirmée clairement de la théorie de la substitution qui soutient que l’Eglise est le nouvel Israël est apportée sans équivoque possible par un document officiel.
C’est précisément dans la Déclaration Conciliaire Nostra Aetate (Notre temps) que l’Abbé Arbez cite souvent à l’appui de ses thèses, que j’ai trouvé justification à mon propos.
Ainsi, dans les Actes du 2e Concile Œcuménique de Vatican II, et plus précisément dans la Déclaration Conciliaire Nostra Aetate 4, nous lisons : « S’il est vrai que l’Eglise est le nouveau peuple de D.ieu, les Juifs ne doivent pas, pour autant,être présentés comme réprouvés par D. ieu etc…..
Le nouveau peuple de D. ieu ne peut que renvoyer au nouvel Israël. Le bien fondé du Verus Israël (le vrai Israël) n’est donc pas une opinion parmi d’autres, c’est la doctrine catholique ! Donc bien loin d’avoir « mis fin à ces approches pseudo théologiques, issues des outrances de certains pères de l’Eglise anti-judaïques » Nostra Aetate a confirmé l’assise doctrinale de la théorie de la substitution.
Que celle ci n’ait jamais eu rang parmi les dogmes confirme que ces derniers ne portent pas seuls la doctrine de l’Eglise romaine et qu’une vérité n’est pas nécessairement dogmatique pour être authentique.
Concernant la théorie de la substitution, je précise qu’elle a été réaffirmée par le Concile de Florence au XVe siècle et que l’encyclique Mystici Corporis Christi du pape Pie XII (1943) mentionne : « La mort du Rédempteur a fait succéder le Nouveau Testament à l’ancienne Loi abolie. » Notons encore que cette théorie eut de nombreux défenseurs illustres comme Tertullien, Jean Chrysostome, patriarche de Constantinople ou Augustin d’Hippone, dit St Augustin.
Concernant l’accomplissement de la Loi de Moïse, Pie XII est allé plus loin que l’Evangile qui affirme « Je ne suis pas venu pour abolir la Loi mais pour l’accomplir. » Il est vrai que d’un point de vue pratique, ça ne change pas grand-chose et les effets sont similaires. Si, comme le soutient l’abbé Arbez, Israël reste le peuple de D.ieu, comment comprendre que la Loi puisse être accomplie ? Si l’Alliance d’Israël avec son D.ieu est maintenue, à plus forte raison devrait l’être Sa loi qui en est l’expression. Soutenir que la théorie de la substitution est invalide, que les Juifs sont toujours porteurs de la Rédemption, c’est reconnaître la pérennité de la Loi de Moïse. S’il en était ainsi, pourquoi l’observance des 613 Mitsvoths n’est pas un objectif de la Nouvelle Eglise ?
En soutenant que la Loi a vécu, et que le Christ l’a dépassée, la Nouvelle Alliance se rattache à l’idéal messianique dont la tradition juive était porteuse et dont elle prétend assumer la continuité. Mr l’abbé écrit à ce sujet : « Les Chrétiens accueillent la Bible hébraïque dans leurs saintes écritures » Un autre choix est impossible, puisque c’est la Bible Hébraïque, et, elle seule, dont l’attente messianique annonce le salut universel.
« Pour ma part, je pense que ni l’Eglise ni Israël ne sont spécifiquement propriétaires de la notion de « peuple de D.ieu « en tant que réalité spirituelle propre. D.ieu seul est maître de ses choix et de ses jugements, et la réalité de « peuple de D.ieu »dépasse certainement nos perceptions historiques et conceptuelles. L’Eglise n’a pas à organiser son activité pour convertir les Juifs (faux sens d’accomplir) mais elle a à annoncer le D.ieu d’Israël libérateur aux païens squattés par les idolâtries modernes. De ce fait elle est sur le terrain de l’humilité, du service, et donc du partenariat avec Israël sans aucun antagonisme.
Je pense qu’il ne s’agit pas de savoir qui est propriétaire de la notion de « peuple de D.ieu, mais, qui la Providence a désigné ainsi. Or, la Bible est sans ambigüité à ce sujet. Quant à la conversion des Juifs, il me semble qu’elle est toujours envisagée dans l’Office du Vendredi Saint, indiquant ainsi que d’un point de vue chrétien, le peuple juif a cessé d’être le peuple de l’Alliance. Quant à la mission consistant à annoncer le D. ieu d’Israël libérateur aux païens squattés par les idolâtries modernes, il ne m’apparaît pas que ce soit un projet à l’ordre du jour !
« Israël et l’Eglise sont les mains agissantes de D.ieu pour faire germer la paix dans le monde où nous vivon, chacun selon ses charismes propres. L’Evangile nous présente un Jésus qui assure ne pas être venu abolir mais accomplir. Accomplir ne peut donc en toute logique signifier l’abolition ni de la Thora ni du peuple qui la porte, ni même de sa Tradition spirituelle. »
Ce partenariat est touchant mais il est inconnu de la Tradition d’Israël ! Il me semble également, qu’il est tout à fait persona non grata dans la vision eschatologique du monde Chrétien, catholique notamment. Les textes bibliques ignorent cette conception associative de l’histoire messianique. De facto, les Chrétiens ne se sentent pas concernés par la Thora qui a été évacuée de leurs préoccupations, depuis St Paul, démontrant ainsi qu’accomplie ou abolie elle n’était pas sujette à une réactualisation éventuelle.
Quant au peuple qui, comme le soutenait Montesquieu, dans sa « Très humble remontrance aux Inquisiteurs d’Espagne et de Portugal » « pense que D.ieu aime encore ce qu’il a jadis chéri », il assume seul, son élection, quand bien même, ce choix fait de lui « le messager souffrant » évoqué au chapitre 53 d’Isaïe. »
Ces diverses données confirmeront la permanence sérieuse du contentieux judéo chrétien qu’il n’est pas nécessaire d’esquiver à l’avantage d’une conciliation qui sacrifierait la vérité au profit d’une unité artificielle. Si déjà, tout comme le pratique l’abbé Arbez avec zèle, nous sommes capables de ne prendre en considération que ce qui nous concerne et nous rapproche, nous permettrons l’édification d’une vertu souveraine, qui, née du combat commun contre l’arbitraire, entraînera Juifs et Chrétiens vers ce qu’André Malraux appelait la fraternité. Et si nous y parvenons, peut être serons nous surpris alors par le jaillissement de…l’inespéré !
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