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Andre Chouraqui - Mon Testament - Le feu de l'Alliance
Posté par: darlett (IP enregistrè)
Date: 12 janvier 2008 : 12:19

Mon testament - le feu de l'Alliance

Andre Chouraqui

pages 163-164 et 167





L'ouverture des monothéismes au reste du monde

Ces trois religions, qui ont le même Dieu, les mêmes prophètes, les mêmes finalités, sont sommées, au nom de l'Alliance, d'en finir là de leurs vaines querelles. Au sein de chacune d'elles, les hommes de bonne volonté doivent surgir et entraîner à la synergie de leur réconciliation. Mieux encore : une fois la paix acquise, ici pourra se réaliser l'alliance des religions abrahamiques aux religions asiatiques, ou africaines. Enfin, nous retournerons à nos racines car le dieu de la Bible est un dieu qui vient d'Asie et non du mont Palatin ou du Parthénon.

L'avenir religieux de l'humanité passe par une relation harmonieuse entre les théologies impersonnelles de l'Orient et le personnalisme des juifs, des chrétiens et des musulmans. Les peuples de l'Asie orientale pourraient s'allier avec les religions abrahamiques annonciatrices de l'Être essentiel en tant qu'Être matriciel et créateur. De leur côté, les fils d'Abraham, au contact de leurs frères indiens, tibétains ou chinois, pourraient accéder à une vision plus transcendantale et plus pure de l'Être.

Le patrimoine religieux de l'humanité ne se réduit pas aux deux pôles Orient et Occident. Chaque tradition religieuse peut apporter sa contribution à l'émergence de l'homme nouveau : l'animisme africain peut enseigner le respect de la vie et des existences ; le chamanisme sibérien ou amérindien est susceptible de révéler les possibilités insoupçonnées de notre psyché ; le totémisme peut concrétiser l'alliance avec le monde animal dont les fondements ont été donnés dans la Bible, mais dont l'application pratique est assez négligée par les peuples du Livre.

Durant mes voyages en Orient, je cheminais souvent en compagnie de Moïse. Rien ne prouve qu'il a connu l'existence des religions orientales, mais rien non plus ne permettrait d'affirmer le contraire. Le taoïsme s'est développé en Chine au terme d'une longue maturation qui remonte à la haute Antiquité : un peuple entier était en quête d'une religion, d'une éthique d'un système du monde qui réponde aux mystères éternels de la condition humaine. La dénomination du taoïsme dérive de l'idéogramme Tao ou Dao qui signifie "la Voie". Vers la même époque, Moïse recevait les Dix Paroles et la Tora. Le rapprochement entre les deux univers culturels, celui des Chinois et des Hébreux à l'âe de bronze, paraît inévitable surtout à propos de la première et de la Troisième Parole qui annoncent un Dieu sans Noms prononçable qui ne doit pas être invoqué en vain.

Pour justifier l'audace de ce rapprochement, difficilement concevable à ceux qui n'ont accès à la Bible que dans ses traductions, le premier chapitre du Tao enseigne :

"Le Tao qu'on saurait exprimer n'est pas le Tao de toujours,
le nom qu'on saurait nommer n'est pas le Nom de toujours.
Le sans-nom : l'origine du ciel et de la terre.
L'ayant-nom : la mère de tous les êtres.
Ainsi, c'est par le néant permanent que nous voulons contempler son secret,
c'est par l'être permanent que nous voulons contempler son accès."

Ce rapprochement évident de nos sources éviterait surtout l'écueil que je redoute : voir juifs, musulmans et chrétiens s'enfermer dans un ghetto monothéiste coupé du reste de l'humanité. ils rateraient là l'accomplissement du devoir d'universalité que nous commande l'Alliance ainsi qu'une impulsion nouvelle et positive à la redécouverte de leurs textes. jamais une occasion en doit être perdue d'éclairer nos religions d'enseignements nouveaux.

(…)

Toutes les religions sont les fruits de longues évolutions de syncrétismes, commandés par leur histoire. Le Verbe est la Vie. Le figer dans un instant de ne jamais vouloir le redécouvrir relève justement de l'intégrisme. La connaissance de IHVH est la connaissance de la Création dans sa transcendance. Elle nous incite sans cesse à aller à Sa rencontre, de plus en plus profondément, de plus en plus amoureusement, de plus en plus dangereusement sur la voie de réaliser l'utopie de l'Amour.




Andre Chouraqui - Mon Testament - Le feu de l'Alliance
Posté par: darlett (IP enregistrè)
Date: 12 janvier 2008 : 12:25

Jérusalem

La création de l'Etat d'Israël aux lendemains de la Choa avait provoqué une vraie commotion dans le monde entier. Les juifs, après le 15 mai 1948, se mirent massivement en marche vers leur ancien-nouveau pays où ils assistèrent et contribuèrent à la résurrection de leur peuple, de leur Etat, de leur langue et de leur culture.

Dans les frontières de l'ancien royaume de David, ils prenaient conscience de l'universalité de leur peuple, Israël, sculpté dans la chair de l'humanité entière. Notre surprise fut grande de constater que nous étions issus de cent deux pays du monde et parlions quatre-vingt-dix-neuf langues différentes pour renaître dans la langue de la Bible, l'hébreu, elle aussi ressuscitée. La commotion ne fut pas moindre chez les Arabes.

Jérusalem constitue l'un des carrefours les plus importants de la rencontre de l'Asie et de la Méditerranée de laquelle sont nés la Bible et le Coran, et le centre d'une rencontre historique entre le Nord et le Sud, entre les pays riches et les pays pauvres. Elle est aussi le lieu où se sont développés la Tora, le Nouveau Testament et le Coran, qui y a aussi ses racines.

Au seuil du troisième millénaire, cette ville, par sa situation géographique et historique, est l'épicentre d'un affrontement et d'un conflit constant entre les peuples et les religions qui se réclament d'elle. Jérusalem peut et doit au contraire devenir le centre de leur réconciliation exemplaire, au carrefour de l'Asie, de l'Afrique et de la Méditerranée.

Capitale nationale d'Israël, capitale religieuse du judaïsme, du christianisme et de l'islam, Jérusalem aura ainsi pour vocation de réaliser les espérances de ses fondateurs et au long des siècles de ses habitants
juifs, chrétiens et musulmans, tous nourris de la vision d'une alliance universelle de paix. La réconciliation de ses habitants -juifs venus de tous les pays du monde, musulmans originaires de toutes les ethnies et de tous les rites de l'islam et chrétiens représentants de la plus parfaite oecuménie de l'Eglise en leurs trente-cinq confessions différentes - tel est le vrai visage de notre ville qui est à l'image du «village global» de l'univers. Jérusalem réellement pacifiée en tous ses différents habitants, pourrait devenir l'un des lieux privilégiés de la rencontre de l'Etre créateur et de ses créatures de Dieu et des hommes. Il ne faudrait que de reconnaître en chacune des créatures sa filiation au Créateur des ciels et de la terre juifs, chrétiens et musulmans, hommes de toutes races et de toutes origines, nous sommes tous ses fils, fils de cette Alliance originelle fondatrice de nos trois religions abrahamiques qui comptent plus que deux milliards d'adeptes, juifs, chrétiens et musulmans, hommes qui devraient se reconnaître pour frères et ressembler à l'homme nouveau dont rêvaient nos prophètes. Au terme de milliers d'années après Abraham et après Moïse, et au terme d'un deuxième millénaire après Jésus, il serait temps que ce peuple de l'Alliance tienne enfin ses promesses. Car ce peuple existe : il ne compte pas seulement des circoncis et des baptisés, mais tout homme vivant, bâtisseur de paix, source de vie. Quant au pays de l'Alliance, il ne saurait être aujourd'hui que la terre entière à jamais promise aux lumières de l'amour.

La résurrection que voici s'accompagne d'une longue et difficile marche, celle de l'humanité entière en quête de sa pacification et de son unification. Le monde nouveau qui est en train de naître tend à réparer les fractures que l'histoire a provoquées entre les nations et les religions en conflit.

La paix

A travers les univers culturels dont la richesse est aussi variée que les innombrables fleurs du printemps au Piémont, célébrons ici le dialogue et la rencontre de l'homme avec l'Homme. Nous sommes les fils d'une génération qui s'est montrée capable des plus grands crimes de l'histoire dont les victimes innombrables se comptent par dizaines de millions. Cette même génération a pénétré aussi par son génie les ultimes secrets de l'infiniment petit, comme ceux de l'infiniment grand, et aujourd'hui, elle se hisse dans la stratosphère pour contempler face à face Jupiter ou Vénus. Saura-t-elle découvrir le Visage du Créateur des ciels et de la terre ?

Sur terre, cette même génération a réconcilié le juif et le chrétien, les enfants du Christ et les fils d'Israël, grâce au génie des grands papes qui ont régné dans le dernier demi-siècle, Jean XXIII, Paul VI et Jean-Paul II. Souhaitons qu'à la veille de l'année jubilaire, la réconciliation du judaïsme, du christianisme et de l'islam ouvre la voie royale du dialogue véritable entre tous les univers culturels, ceux qui sont nés sur les rives de la Méditerranée, comme ceux qui se sont développés en Asie, en Afrique et dans les Amériques. Rabbins, prêtres et imams devront privilégier, au-delà de leurs divergences théologiques, l'idéal de l'Alliance c'est-à-dire du dialogue entre les univers culturels. Soulignons-le avec force, la Tora est le Livre de l'Alliance, Berit, le Nouveau Testament est le Livre de la Nouvelle Alliance tandis que le Coran enjoint ses fils à réaliser les alliances d'Abram, de Moïse et de Jésus.

La pyramide de l'Alliance commence dans la Bible par l'acte créateur des ciels et de la terre Bereshit bara Elohîms et ha-shamaîm ve-et ha-erets, «Entête Elohîms créait les ciels et la terre». Cet acte créateur fonde l'alliance essentielle d'Elohîms avec toutes les créatures dont il est le Père. Noé, Abraham confirment cette alliance étendue à tous les peuples de la terre, tandis que Moïse conclut, dans le décor dramatique du Sinaï, l'Alliance d'Elohîms avec le peuple d'Israël. Jésus et ses apôtres donnent si bien validité à cette Alliance que le Nouveau Testament fonde la Nouvelle Alliance. Il en est de même sur ce point dans l'islam. Muhammad, inspiré par Allah, entend donner lieu à l'idéal de Moïse et de Jésus, que le Coran authentifie dans les cinq cent deux versets où il le confirme.

L'accomplissement de cette vision, première dans le judaïsme, première dans le christianisme, première dans l'islam, pourrait sauver le monde des explosions trop prévisibles et des dangers mortels qui le menacent.

Ma Lettre à un ami arabe publiée en français en 1968, traduite en anglais et en arabe, préconisait une solution durable au conflit israélo-palestinien, dans le cadre d'une Confédération unissant les deux peuples, les Israéliens et les Palestiniens. A l'époque, cette solution apparaissait chimérique. C'est une utopie, disaient les critiques. Depuis le temps a passé : la Jordanie a signé un traité de paix avec Israël, l'entité palestinienne et l'Etat d'Israël se sont reconnus mutuellement depuis le 13 septembre 1993. Le Maroc et la Tunisie entretiennent aussi des relations nouvelles avec Israël.

Le feu de la guerre cependant continue de faire des victimes dans des attentats le plus souvent provoqués par des forces étrangères au pays, terroristes inspirés et payés par des extrémistes, comme le Hezbolah. Certes, mais la paix n'est plus considérée comme impossible par les deux peuples qui font les frais de la guerre. En profondeur, nos deux peuples aspirent à une réconciliation réelle qui ouvrirait la voie à un avenir digne de leur grandeur passée. Ainsi, les idées semées par tous les amants de cet idéal de réconciliation ont fait leur chemin : dès 1988, notre Mouvement pour la Confédération se préoccupait de fonder la paix sur des fondements juridiques solides dans le cadre d'une Confédération de deux Etats associés, sous le contrôle d'une Cour de justice qui garantirait les droits et la sécurité de tous les habitants. Car ce serait une erreur de chercher cette paix ailleurs que dans le coeur de nos peuples. La solution de ce conflit ne se trouvera jamais dans quelque partage territorial que ce soit. L'Etat de type hégélien, napoléonien ou prussien est un anachronisme et, au Proche-Orient, plus gravement encore, il est une absurdité, là où les nationalités, les ethnies et les religions sont étroitement imbriquées. Il faut résolument sortir du jus soli pour aboutir au principe du jus personae, le droit des personnes primant celui du sol où elles coexistent. Au lieu de le diviser, il faut ainsi unir le pays, en séparant les compétences administratives de telle manière que les droits légitimes de chacun soient garantis.

Seule une négociation directe entre Israéliens et Palestiniens pourra édifier cette Confédération proche-orientale à deux têtes (Israël, Palestine), ou à trois têtes (Israël, Jordanie, Palestine). Jérusalem, capitale d'Israël, aura la vocation de devenir la capitale de la Confédération comme elle est déjà la capitale du judaïsme, du christianisme et de l'islam. Sa finalité sera d'unifier les peuples et les religions en présence, en sauvegardant leur spécificité dans l'unité territoriale du pays, grâce à un juste partage des compétences.
Les peuples de la région, malgré les appétits et les bravades de leurs dirigeants et de leurs politiciens, sont épuisés et demandent grâce, comme la terre, que ce conflit déchire, crie grâce, elle aussi. Oui, plus que jamais, il est grand temps de résister à l'aveuglement des extrémistes de tous crins. Cette paix, si difficile à réaliser, finira par vaincre les pesanteurs et les déchirements de l'histoire, comme les puissants intérêts de ceux qui vivent encore de ce conflit.

Réconciliez juifs, chrétiens et musulmans dans Jérusalem et au Proche-Orient, et vous créerez, au seuil du troisième millénaire, une communauté unie par une même foi, un même dialogue, une même espérance, celle de l'Alliance prônée par Moïse, par Jésus et promise par Muhammad. Autour du centre hiërosolomytain de cette Confédération, s'adjoindront tous ceux qui ont partie liée avec son histoire ou avec ses idéaux de justice et de paix. Il n'en faudra pas moins que toute cette puissance spirituelle vivante et unique, pour vaincre les dangers mortels, hélas bien réels, qui menacent notre mère la terre. Ainsi la technique juridique moderne servira à réaliser l'antique prophétie d'Isaïe qui prévoyait, voici plus de deux millénaires, la gloire de Jérusalem, lieu de la réconciliation de l'Orient et de l'Occident, du Nord et du Sud :

Réjouissez-vous avec Ieroushalaïm,
égayez-vous en elle, vous tous, ses amoureux !
Soyiez en liesse avec elle, dans la liesse,
vous tous en deuil pour elle.
(...)
"Me voici : je tends vers elle, comme un fleuve, la paix
comme un torrent débordant, la gloire des nations."
(Isaïe. 66, 10.12)


Le dialogue entre les univers culturels et ses horizons de paix
Discours prononcé par André Chouraqui lors de la Remise du Prix pour le dialogue entre les univers culturel Prix Sénateur Giovanni Agnelli Turin, le 23 mars 1999



[www.andrechouraqui.com]






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