« L’exil au Maghreb. La condition juive sous l’islam 1148-1912 » - de Paul B. Fenton et David G. Littman
« L’exil au Maghreb. La condition juive sous l’islam 1148-1912 »
de Paul B. Fenton et David G. Littman
Ce livre sera vendu lors de la conférence-débat de Pascal Hilout intitulée Islam, islamisme et antisémitisme et organisé(e) par le Cercle Massignon au Carré parisien - 1, rue du général Beuret, 75015 Paris - le 2 avril 2012, à 19 h 30.
C’est un livre novateur, exceptionnel et incontournable.
Par son but : il décrit « la réalité historique de la condition juridique et sociale des Juifs sous l’islam, au Maghreb ».
Par son ampleur historique : il couvre sept siècles, du Moyen-âge à l’établissement du protectorat français au Maroc au début du XXe siècle.
Par ses 300 sources variées et souvent inédites en français : chroniques historiques arabes et hébraïques, textes théologiques musulmans, récits, archives diplomatiques, etc.
Cartes du Maroc et de l'Algérie, Paul . Fenton et David G. Littman
© DR
Et par sa magnifique iconographie de 75 illustrations, dont des œuvres de Dehodencq, Delacroix, Doré, Wolfgang et Wyld.
Cet ouvrage présente une anthologie chronologique de récits de témoins oculaires européens - voyageurs, médecins, chroniqueurs, captifs, aventuriers, etc. – des trois religions – Juifs, chrétiens, musulmans - en Algérie et au Maroc.
« A la différence de l’Egypte et du Liban où il y avait des communautés chrétiennes importantes, les pays du Maghreb constituent un paradigme unique : du fait de la quasi-disparition des chrétiens, ils abritaient dès le XIIe siècle une population composée essentiellement de musulmans et d’une minorité juive. Probablement moins de 50 000 Juifs ont survécu au Maghreb au Moyen-âge, mais à l’aube du XXe siècle ce nombre s’est élevé à plus de 200 000 âmes et en 1948 il a dépassé 400 000 âmes – et plus de 500 000 si l’on y inclut les Juifs de Tunisie », m’a indiqué Paul B. Fenton, un des deux auteurs de ce livre passionnant. Et d’ajouter : « Si les Juifs ont pu se maintenir au Maghreb, c’est grâce à « la raison d’Etat » qui reconnaissait dans leur industrie commerciale et leurs habiletés intellectuelles et artistiques une source d’exploitation utile ».
Exraits : le révérend Lancelot Addison, qui résidait comme aumônier à Tanger (acquis par Charles II d’Angleterre) de 1662 à 1669, décrit la condition des Juifs comme « une autre forme d’esclavage » (doc. A 45). A la même période au Maroc, Germain Mouette écrit : « Il leur [Nda : les Juifs] est très rarement fait justice dans ce pays ». (doc. A 47).
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Puis, par une sélection d’archives du Quai d’Orsay, du Foreign Office, de l’Algérie et du Maroc, de l’Alliance israélite universelle et de son homologue britannique l’Anglo-Jewish Association (AJA), ce livre décrit les efforts diplomatiques déployés en faveur des Juifs maltraités au Maghreb.
En émerge un tableau effrayant de la condition Juive sous l’islam : celle de la dhimmitude, ce statut discriminatoire, inférieur et cruel imposé aux non-musulmans – Juifs, chrétiens, etc. - à la suite du jihad.
Alfred Dehodencq,
L’Exécution de la Juive (Solika Hatchuel, martyrisée en 1834),
huile sur toile, 1861,
Paris, musée d’art et d’histoire du Judaïsme
© RMN/Hervé Lewandowski
Une condition Juive faite d’humiliations, de précarité, de conversions forcées à l’islam, de rapts, de massacres, de rançons, de pillages, de destructions de synagogues et de textes sacrés… Leurs souffrances infligées par des musulmans, puissants ou pauvres, Arabes ou Berbères, les Juifs les ont dénommées « galût », mot hébreu qui signifie « exil » ou « captivité ».
Au XIXe siècle, les Juifs français et britanniques, en particulier Sir Moses Montefiore, se sont mobilisés pour secourir leurs coreligionnaires durement éprouvés au Maghreb. Des représentants de France, d’Italie, du Portugal et des Etats-Unis ont également protesté auprès du sultan contre les violences infligées aux Juifs au Maroc.
Sanya,
« Synagogue d’Alger », (ca 1840),
Paris, musée d’art et d’histoire du Judaïsme
Avec érudition, les deux auteurs - Paul B. Fenton, professeur de langue et de littérature hébraïque de l’Université Paris-Sorbonne, et David G. Littman, licencié en histoire moderne et sciences politiques de Trinity College Dublin et expert de la condition juive au Maghreb et au Moyen-Orient - démythifient la « tolérance interconfessionnelle égalitaire et harmonieuse sous l’islam incarnée par al-Andalous ».
Ces deux historiens restituent aux Juifs leur histoire dans cet Occident du monde islamique. Une histoire plurimillénaire méconnue, refoulée, occultée en particulier par les souvenirs de la période du protectorat du Maroc et des départements française d’Algérie, voire indicible ou inaudible. Et indissociable de celle des trois pays étudiés qui ne l’intègrent pas dans leurs manuels scolaires.
Ce livre est le premier d’une série comprenant plusieurs parties consacrées à la condition des Juifs dans diverses contrées :
1. au Maroc et en Algérie ;
2. en Tunisie et en Libye ;
3. en Egypte ;
4. en Syrie ;
5. en « Palestine » ;
6. en lraq ;
7. au Yémen ;
8. en lran ;
9. en Turquie.
Espérons que ces deux auteurs pourront poursuivre à terme ce projet.
es preuves de l’intérêt majeur pour la condition Juive sous l’islam ? Le 17 novembre 2010, la conférence de Paul B. Fenton et David G. Littman sur leur livre a attiré un public nombreux à l’Alliance israélite universelle (AIU), à Paris. Curieusement, peu de dirigeants communautaires y ont assisté, et les rares présents sont partis avant la fin de la conférence. Pour contester ce sombre tableau décrit par ces auteurs, l’historienne Sonia Fellous a alors allégué que la législation des souverains musulmans visant les Juifs étaient appliqués avec retard et partiellement dans ces contrées. Or, ce livre démontre, siècle après siècle, en Algérie et au Maroc, la permanence et le caractère identique des discriminations, humiliations, sévices et crimes subis par les Juifs, dans les divers aspects de leur vie, et quasi-codifiés par des chefs musulmans.
J’ai envoyé un exemplaire de ce livre magistral aux principaux dirigeants communautaires français car ces témoignages évoquent un pan dramatique de l’histoire du peuple Juif négligé, minoré ou ignoré par la majeure partie d’entre eux.
Et pourtant, ces récits illustrent le fondement religieux de l’antisémitisme et l’antijudaïsme islamiques, de cette haine méprisante à l’égard des Juifs, des Yahoud (Juifs en arabe). Expliquent l’exil, le plus souvent contraint, d’environ un million de Juifs vivant, parfois depuis des millénaires, dans les pays arabes, en Turquie et en Iran, de la fin des années 1940 aux années 1970. Constituent un des éléments essentiels, malheureusement celé, du dialogue interreligieux et du dialogue avec les musulmans.
« Nous avons publié des documents montrant que certaines autorités musulmanes pouvaient manifester une compréhension favorable aux Juifs à différentes époques. Sans la protection (« dhimma ») du sultan, le sort des Juifs aurait été encore pire. La publication de ces centaines de témoignages, à forte charge émotive, ne vise pas un dessein polémique. Nous ne souhaitons pas attiser de vieilles rancunes ou freiner les tentatives de dialogue interreligieux. Nous sommes persuadés – comme Bat Ye’or l’a affirmé dans ses écrits – que tout dialogue entre Juifs et musulmans qui ne reconnaîtrait pas la réalité historique de la dhimmitude, est condamné à s’enfermer dans des boniments infructueux et obérant un avenir fondé sur l’acceptation de l’altérité dans l’égalité. Magna est veritas, et praevalebit / La vérité est puissante, et triomphera », a déclaré David G. Littman, en 2010
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Paul B. Fenton et David G. Littman,
L’exil au Maghreb. La condition juive sous l’islam 1148-1912. Editions PUPS (Presses universitaires de Paris Sorbonne), Collection Religions dans l’histoire, 2010. 16 x 24. 800 pages. 60 ill. en noir, HT de 8 pages couleurs. ISBN : 978-2-84050-725-3. 32 €