Re: a la memoire de la musique qu'on aime
Posté par: Younes (IP enregistrè)
Date: 26 février 2006 a 20:47
la magazine telquel a ecris un article sur les botbol titre :" Saga. Les Botbol, on seen souvient " ecris par :"Chadwane Bensalmia"
voici l'article:
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Ah ya loulou, ya llayem, goulou lihae ils ont signe nombre de titres phares du patrimoine judeo-marocain et introduit de nouveaux instruments dans le chant oriental, comme la guitare ou la batterie. Saga d’une famille que les melomanes ne peuvent que connaitre.
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Nous sommes en 1917. Les Botbol, un couple d’agriculteurs plutot aise, installe dans la region de Fes attendent un enfant. Ceest un garecn. Ils l’appelleront Jacob. Ne avec une cuillere d’argent dans la bouche, l’enfant nanti n’en restera pas longtemps un. A 7 ans, et dans la meme annee, il perd mere et pere. Une epidemie de typhus faisant rage dans la region les decime. L’orphelin est alors place sous la responsabilite d’un tuteur, charge d’assurer son education et de veiller sur ses biens.
A l’epoque, en bon enfant de riche, il se devait d’apprendre a jouer d’un instrument. Pour certains, c’etait la flute. Jacob, lui, apprend a apprivoiser le luth. L’instrument n’est pas docile, mais le petit laisse entrevoir un certain talent. Et a 17 ans, c’est d’ores et deja un adolescent doue qui anime soirees pour les proches, jeunes et moins jeunes.
C’est un musicien talentueux au regard de tous. Quelque chose lui manque cependant. Jacob n’est en effet pas le seul luthiste de la place. Il y en avait beaucoup trop. Jacob voulait etre unique. Se distinguer du lot. Il decide alors de se mettre a un autre instrument. Il prend alors des cours de piano, puis de violon, et s’evertue a exceller dans l’un et l’autre. Avec le temps, son penchant naturel aidant, il finit par s’eprendre du violon et par en faire son instrument de predilection.
Quelques mois plus tard, l’insatisfaction regagne son coeur. Il lui faut plus. Toujours plus. etre musicien ne suffit pas a ses ambitions. Jacob est determine a devenir un "artiste complet". Il commence alors a composer, puis ecrire, puis diriger un orchestre alors qu’il boucle a peine ses 19 ans. Desormais, il a "un nom" dans le milieu. Il anime fetes, communions, mariages. Il fait aussi partie des musiciens preferes du Pacha de Fes. Mais son succes n’est jamais que regional. Il le restera d’ailleurs 20 ans durant. Ce n’est qu’a l’independance qu’il fera ses premiers pas vers une notoriete nationale en signant "Ghenniw maeya ghenniw". Sa carriere musicale prend alors un tournant decisif. Pour ceux qui evoluaient dans le milieu a l’epoque, les preludes de l’ascension avaient commence a se faire sentir en 1958, lorsqueil avait ete convie a animer l’inauguration du club Sijilmassa. Celui-le meme que les pietons de Ain diab a Casablanca reconnaissent aujourd’hui encore comme etant un cabaret mythique.
En 1962, notre homme est definitivement engage par ledit Cabaret. Il quitte son Fes natal pour le grand Casablanca. Hayem, le premier de ses enfants se plait a accompagner son pere. Et pour n’avoir d’egal que ce meme pere, il s’amourache d’un nouvel instrument dont aucun artiste marocain ne joue encore, la guitare. Hayem a egalement herite de la voix et de la plume de son pere. C'est ensuite au tour de Marcel de partager la passion de son pere pour le violon. Et enfin, vient le tour de Claude, le batteur rebelle de la famille. Avec les autres musiciens de la troupe, les Botbol, magistralement diriges par leur pere, signent quelques titres legendaires, entres depuis dans le patrimoine marocain. Lkas ya lkas, ya llayem puis Goulou liha aalach tewelti leghibae des chansons reprises par tant de chanteurs que rares sont ceux qui en connaissent aujourd’hui le veritable auteur : Jacob Botbol.
En cette decennie post independance, l’orchestre Botbol commence a concurrencer les veterans. Ils se substituent a Salim Hilali pour certaines ceremonies, sont les premiers convoites pour d’autres et finissent par seduire la television marocaine. En 1966, ils apportent une petite revolution au chant oriental en y associant des instruments comme le bendir, la batterie ou la guitare. C’est leur marque de fabrique. Le public est charme. Cette premiere prestation finit par asseoir leur notoriete.
Et Hassan II, en melomane queil etait, de leur ouvrir la porte du Palais. Rabat, Ifrane, Skhirat, Botbol est souvent le, animant une grande partie des soirees du Palais, puis celles de l’armee, de la surete nationale. "Si ma memoire ne me trompe pas, C’etait en 1968. On chantait dans Assahara al Koubra a la TVM. La tele arretait d’emettre e minuit. Ce soir le, feu Hassan II avait appele et demande a ce qu’on prolonge le temps d’emission a 1 heure du matin, pour qu’on continue a chanter. C’etait un veritable melomane" se rememore Claude, nostalgique.
Peu a peu, Hayem, l’aene des trois freres, se met a prendre place au micro, a cote de son pere. "Des le debut, il s’est affirme comme le plus talentueux d’entre nous. Et puis personne ne jouait du bendir comme Hayem. C’est un veritable maitre" commente admiratif, son jeune frere, Claude.
De Casablanca (Sijilmassa), a Tetouan (hotel Safir) puis Tanger (Hotel Tarik), les Botbol font le tour des cabarets, marquant chacun de son empreinte, de son repertoire gharnati, de Aeta, ou autre chant judeo marocain.
La Saga se prolonge encore et encore, plus belle et plus riche en musicalite et en textes poetiques hautement marocains et largement marques par les rimes melodieuses du melhoun. Hayem se met e son tour a ecrire et a composer. On lui reconnait entre autres Ah ya loulou, mal hbibi ma ja, el kass ya lkasse
Hayem au luth et au micro, Marcel au violon et Claude a la batterie et bien sur Jacob, qui n’est plus tres jeune, laisse ses enfants prendre la releve graduellement.
En 1991, la guerre eclate en Irak. La tension monte. Partir ou rester a La confusion est generale. La famille Botbol comme nombre de familles juives marocaines quitte le pays et s’installe e Paris. Elle y reste trois ans a animer les soirees de la diaspora, avant de replier bagage a nouveau et de rentrer au pays en 1994. L’orchestre signe alors avec le Riad Salam. Le bonheur de retrouver le public d’autrefois est indescriptible. On refait la decoration du Sheherazade, on retrouve ses musiciens et ses amis. On fait et refait des projets.
Un an plus tard, en Aout 1995, e 78 ans, Jacob meurt. L’orchestre est prive de son geniteur. Mais la vie ne s’arrete pas. Les freres continuent a chanter sous le ciel casablancais trois ans durant. Leur vie evolue ensuite au rythme des allees et venues entre la France et le Maroc. Entre Paris et Tanger, "la ville des melomanes", disent-ils.
Quelques fetes religieuses. Quelques autres ceremonies au charme desuet. Les choses ne sont plus les memes. Les temps ont change, les gens aussi. Claude a renonce a la batterie, dit-il, parce que le public de melomanes qu’il connaissait a cesse d’exister.
Hayem a fait une carriere solo accompagne par son autre frere Marcel. Pourtant, ceux qui connaissent leur adresse a Tanger, pourront, avec un peu de chance les revoir reunis, jouant et chantant ensemble avec ces memes musiciens qui ont autrefois connu le pere.
"Avant, les gens aimaient la musique. Ils jouaient, chantaient, pleuraient d’emotion et de nostalgie. Aujourd’hui, ils vont au cabaret, ecoutent du khaliji et se demenent sur une piste. Le bon temps est revolu" conclut Claude, rabroue par Hayem, l’eternel optimiste qui refuse de croire en ce tableau noir.
Et joignant le geste e la parole, il a convaincu la petite famille de renouer avec ses annees d’euphorie. a 66 ans, il entraine ses freres dans une aventure nostalgique. Elle s’appelle l’Andalousia, et c'est la ou ils vont bientot rechanter, a Tanger. Les nostalgiques pourront y retrouver un peu de notre patrimoine.
Bon retour !