Les dix tribus : Un mythe ? Un sceptique au pays des Bné Ménashé
David Bensoussan

Dans son ouvrage "Accross the Sabbath River (Éditions Houghton Mifflin 2002), Hillel Halkin se propose d’étudier l’historicité de l’appartenance des Chhinlung à la tribu de Manassé.

Près d’un million et demi de Bné Ménashé de la région bordant la frontière indo-birmane à l’Est du Bengladesh se réclament de la tribu israélite de Manassé. Ce sont : les Chhinlung de la région tibéto-bimane connus sous le noms de Mizo et Kuki en Inde, Chin en Myanmar et Lushai au Bangladesh. Selon leur tradition, ils auraient fui la Chine et les Chinois leur auraient subtilisé leur parchemin sacré. Ils pratiquent le sacrifice, chantent l’exode de l’Égypte, et il est possible d’identifier chez eux un certain nombre de coutumes remontant aux temps bibliques.
Au début du XXe siècle, les missionnaires chrétiens entreprirent de les convertir en ne leur présentant que le Nouveau Testament. Toutefois, bien que près d’un siècle se soit passé, ils sont restés convaincus que leur identité était ailleurs. Ils font de grands efforts pour que l’on reconnaisse leur spécificité et leur appartenance à une des tribus d’Israël.

Hillel Halkin avait accompagné le rabbin Avihail de Jérusalem dans un premier voyage. Il décide d’en avoir le cœur net, de retourner dans la région et de vérifier si ces tribus sont vraiment de la descendance des exilés du royaume d’Israël. Pour cela, il se propose d’étudier leurs légendes et de les dépareiller des adaptations modernes en raison de la diffusion de la Bible hébraïque pour confirmer la validité de leur origine remontant au Royaume d’Israël. Hillel Halkin est un sceptique. À toute assertion, il cherchera des causes exogènes d’une façon systématique.

En arrivant, il est accueilli en grande pompe dans la ville d’Aizawl.
Les leaders, les habitants et jusqu’au petit-peuple sont convaincus que leur religion est la religion juive et demandent à émigrer en Israël.
Halkin se met à éliminer toutes les traditions qui auraient possiblement pu être adaptées à l’ère moderne. À ce jeu, il trouve qu’il s’agit sûrement là d’un mythe. Du temps de la guerre froide, il y avait eu une grande révolte des Mizos et qui fut sévèrement matée par le gouvernement indien. Les Mizo désiraient-ils se démarquer des autres populations en se cherchant une spécificité propre ? Pourquoi cette obsession d’appartenance au peuple d’Israël ?

Mais Hillel Halkin est tout aussi méthodique qu’il est sceptique. Il ne laisse aucune piste au hasard. Et sa détermination finit par l’amener à des sources écrites qui déstabilisent complètement sa théorie du mythe. Et il se sent obligé de reconnaître que depuis près de 2700 ans, ce sont les traditions bibliques diluées au travers des âges qui sont à la source de la conscience identitaire des Chhinlung.

Hillel Halkin a même réussi à trouver la signification du mot hébraïque séla qui termine beaucoup de psaumes et dont on ignore la signification exacte. Chez les Chhinlung, ce terme signifie qu’il revient à l’assistance de répéter le dernier verset. Il s’agirait donc d’une note musicale.

Les sources historiques rapportaient des légendes ou des ouï dires ou encore elles étaient empreintes d’idéologie. Mais le fait est là. Plusieurs centaines de Chhinlung ont émigré en Israël et beaucoup d’autres veulent suivre. Fait intéressant : Le Talmud précise que les ressortissants de la tribu de Manassé seront les premiers parmi les dix tribus exilées à réintégrer Israël. Il existe une très forte identité à Israël au sein des Chhinlung - et de beaucoup d’autres populations d’ailleurs.

Autre fait intéressant : une des grandes congrégations Chhinlung se dit sépharade…