Inhumé ce dimanche 4 décembre au cimetière juif à Casablanca, Simon Levy, qui nous a quittés vendredi matin, est un militant communiste qui a combattu pour l'indépendance du Maroc. Juif et fondateur du musée du judaïsme de Casablanca - le seul de son genre dans le monde arabe -, Simon Levy incarne ce “Maroc pluriel” auquel nous restons fièrement attachés.
L'annonce de son décès survenu vendredi matin 02 décembre dans un hôpital à Rabat à l'âge de 77 ans, des suites d'une longue maladie, a plongé le pays dans une profonde tristesse. Simon Levy a milité dès 1953 pour l'indépendance nationale du Maroc.
Linguiste, il a commencé son parcours de militant communiste en 1954, d'abord dans le cadre de l'action estudiantine, puis dans les instances dirigeantes du Parti du Progrès et du Socialisme (PPS, anciennement parti communiste) et comme syndicaliste à la tête de l'Union marocaine du travail (UMT).
“Le Parti du Progrès et du Socialisme a perdu un de ses grands hommes. Un militant avéré, un nationaliste, un intellectuel, un homme engagé et un fervent défenseur du patrimoine culturel national. Simon Levy fait partie de la première génération des militants du PPS. Il a contribué à l’éducation de plusieurs générations de militants et militantes. C’était un homme de conviction qui défendait avec ferveur son pays et il est resté fidèle à ses principes jusqu’à la dernière minute de sa vie.” LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU PPS, NABIL BENABDELLAH.
Farouchement attaché à sa marocanité
Dans son préambule, la nouvelle Constitution marocaine, qui a été plébiscitée lors du référendum du 1er juillet dernier, affiche clairement: “(...) le Royaume du Maroc entend préserver, dans sa plénitude et sa diversité, son identité nationale une et indivisible. Son unité, forgée par la convergence de ses composantes arabo-islamique, amazighe et saharo-hassanie, s’est nourrie et enrichie de ses affluents africain, andalou, hébraïque et méditerranéen”.
Secrétaire général de la Fondation du Patrimoine Culturel Judéo-Marocain, Simon Levy, également fin connaisseur de l'arabe, est resté, jusqu'à son dernier souffle, farouchement attaché à cette identité marocaine. Une identité plurielle qui fait la fierté des Marocains.
Natif de Fès en 1934, Simon Levy est l'auteur de plusieurs travaux portant sur l'histoire du judaïsme marocain.
Licencié ès lettres en Espagnol et en Portugais (1956), il obtient en 1958 un DES sur “La Guerre du Rif, sous le règne d'Alfonso XIII”, et un Doctorat d’État en 1990 pour une thèse sur: “Parlers arabes des juifs du Maroc: particularités et emprunts. Histoire, sociolinguistique et géographie dialectale”.
L'unique musée juif dans le monde arabe
Son attachement à sa marocanité dans toute ses composantes l'a emmené à fonder, en 1997, le musée du judaïsme de Casablanca. “C'est l'unique musée juif dans le monde arabe”, rappelle sa conservatrice Zhor Rhihil, fonctionnaire de confession musulmane.
“L'objectif du musée est de préserver le patrimoine marocain dans sa totalité, et de montrer aux Marocains qu'il y a d'autres Marocains, qui ne sont pas de la même confession qu'eux. ZHOR RHIHIL.
Ce musée rassemble des objets de culte juifs marocains, des vêtements, des outils et même un atelier de bijoutier, témoignages de l'histoire et de la vie de la communauté juive marocaine, vieille de deux millénaires.
“La philosophie de ce lieu (parlant du musée), c'est que les juifs du Maroc ne disparaissent pas corps et biens. Cela veut dire que pour un petit musulman aujourd'hui, un juif c'est uniquemeunt quelqu'un qui tue des Arabes en Palestine, alors qu'il y a dans ce pays un énorme apport des juifs (...). Je veux que le petit musulman connaisse son pays dans sa diversité historique.” SIMON LEVY DANS UNE DÉCLARATION À L'AFP.
Présente au Maroc depuis l'Antiquité, la communauté juive avait crû au cours des siècles, bénéficiant notamment de l'apport des juifs expulsés d'Espagne à partir de 1492 par les rois catholiques.
A la fin des années 1940, elle comptait quelque 250.000 personnes, soit environ 10% de la population, mais elle est désormais réduite à quelques milliers, une grande majorité ayant quitté le Maroc pour Israël après la fondation de l’État hébreu, puis ensuite après la guerre des six jours de 1967.
Près d'un million de juifs dans le monde sont originaires du Maroc, installés en majorité en Israël, mais aussi en France, aux Etats-Unis ou au Canada.
On compte aujourd'hui quelque 5.000 juifs marocains dans le Royaume, dont 2.000 a Casablanca